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Économie - Liban - Fiscalité

Swiss Leaks : les Libanais doivent-ils déclarer leurs comptes en Suisse ?

En France, l'affaire des « Swiss Leaks » a dévoilé un large système de fraude fiscale. Au Liban, où 3 000 Libanais seraient concernés, il n'en est rien. Du moins dans le principe : rien n'oblige un Libanais à déclarer ses comptes à l'étranger. En revanche, les revenus générés sont imposables dans la mesure où ce Libanais est domicilié fiscalement au Liban.

Près de 3 000 Libanais sont concernés par les révélations de l’affaire Swiss Leaks.

Deux mille neuf cent quatre-vingt-dix-huit clients « associés au Liban » figurent sur la liste des Swiss Leaks, révélés par le quotidien français Le Monde. D'après l'enquête des journalistes français, menée en collaboration avec le Consortium international de journalistes d'investigation (Icij), l'établissement britannique HSBC, deuxième groupe bancaire mondial, a favorisé la mise en œuvre d'un système international de fraudes fiscales via sa filiale HSBC Private Bank (PB) en Suisse (voir encadré). Pour le Liban, les 4 450 comptes répertoriés représentent au total 4,8 milliards de dollars, ce qui positionne le Liban en 12e place dans le classement du Monde et de l'Icij. Un montant considérable qui représente près de 10 % du PIB national et un peu plus de 7 % de la dette publique.

 

(Repère : Le Liban et les Libanais dans l'affaire SwissLeaks)

 

Évasion fiscale ?
Parmi les noms mentionnés dans les pages du Monde ou sur le site d'Icij figurent celui de l'ancien ministre de l'Économie et des Finances Mohammad Safadi (avec un compte de 75 millions de dollars), l'ancien vice-Premier ministre libanais Élias Murr (42 millions de dollars), l'ancien député et ministre Georges Frem, décédé en 2006 (3,37 millions de dollars), ainsi que celui d'Edmond Safra (5,3 millions de dollars), assassiné en 1999 à Monaco.


En France, ces Swiss Leaks dévoilent l'existence d'un système de fraudes fiscales, favorisé par un grand groupe bancaire. Mais l'enjeu est-il le même pour les contribuables libanais? Car, contrairement à d'autres pays, le Liban n'impose pas le patrimoine de ses contribuables, mais leurs revenus. « Hors succession, le contribuable n'est pas tenu explicitement de déclarer l'ensemble de son patrimoine », explique à L'Orient Le Jour l'avocat et fiscaliste Karim Daher, du cabinet HBD-T Law Firm. « En l'absence de convention fiscale avec la Suisse et sur la base des articles 69 et 82 de la loi de l'impôt sur le revenu, les résidents fiscaux libanais sont toutefois tenus de déclarer et de payer l'impôt sur les revenus de capitaux mobiliers générés par les fonds ou sur les revenus de placements déposés, voire gérés dans ces comptes suisses », précise-t-il. Ce taux d'imposition correspond à 10 % des revenus déclarés. En cas de négligence de leur part ou de défauts de déclaration, ces personnes seront soumises à une pénalité de l'ordre de 3 % de la valeur de l'impôt dû pour chaque mois de retard en plus d'une pénalité de recouvrement de 1 % par mois. Ils peuvent aussi subir un redressement fiscal.


À noter cependant que ces risques sont limités dans le temps : le fisc libanais ne peut pas remonter au-delà de 5 ans en matière de procédures fiscales sauf pour des « situations occultes » où le délai est étendu à 7 ans. Dans l'affaire des Swiss Leaks, les faits révélés au grand public ne vont pas au-delà de 2007, l'administration fiscale ne peut donc plus rien. Mais elle pourrait se montrer curieuse pour les années suivantes.

 

(Lire aussi : Le secret bancaire se fissure face aux pressions politiques)

 

Des ministres concernés
Parmi les personnalités libanaises citées se trouve donc Mohammad Safadi. Sollicité par L'Orient-Le Jour, celui-ci n'a pas souhaité commenter l'affaire. Impossible donc de savoir s'il a déclaré les revenus tirés de son compte suisse, mais il ne devrait pas ignorer l'existence de cette règle puisqu'il a été ministre des Finances entre 2011 et 2014, et donc à la tête de l'administration fiscale.
De plus, comme toute personne exerçant une fonction publique, l'ancien ministre est supposé avoir déclaré la valeur globale de l'ensemble de son patrimoine au Conseil constitutionnel. « La loi sur l'enrichissement illicite dispose que toute personne exerçant une charge publique est tenue de déclarer la valeur de l'ensemble de ses biens immobiliers et mobiliers (dont la valeur intégrée de ses comptes suisses numérotés) ainsi que ceux de son conjoint ou de ses enfants mineurs. La loi ne réclame pas toutefois de préciser le lieu où l'identité de l'établissement bancaire (ou autres détails qui pourraient renseigner sur la localisation ou la répartition de ses avoirs financiers). « Ce qui rend les choses difficilement vérifiables... Et la divulgation du compte bancaire suisse numéroté non exigible... » assure l'avocat. En cas de fausse déclaration, l'article 462 du code pénal libanais prévoit des peines de prison pouvant allant jusqu'à un an ainsi qu'une amende minimum de cent mille livres libanaises.

 

Absence de transparence
Parmi les personnes publiques épinglées par la presse, certaines n'étaient de surcroît pas tenues de rédiger cette déclaration : l'industriel et ancien ministre, Georges Frem n'était plus ministre en 1999 et n'était donc pas tenu de le faire. « Mais il avait l'obligation de le faire en 2000 après son élection comme député et lors de la fin de son mandat en 2005 », reprend Karim Daher. Élias Murr, en revanche, l'était. Dans un communiqué, il a simplement assuré que ce compte n'était pas lié à sa fonction politique, mais au patrimoine familial.

 

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