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Moyen Orient et Monde - Le point

Le Sinaï, nouvelle tête de l’hydre

Les assaillants ont d'abord fait sauter une voiture piégée, garée à quelques mètres de la base d'al-Arich, avant l'entrée en lice des mortiers. En quelques minutes, des bâtiments entiers se sont effondrés comme châteaux de cartes, ensevelissant sous les décombres des dizaines de recrues. Au même moment, « les soldats du califat » (appellation choisie par les hommes de l'ex-Ansar Beit al-Maqdess) s'en prenaient à un hôtel, au club house de la police et à une douzaine de postes de contrôle dans les localités de Cheikh Zouwayed et de Rafah. Jugement des experts : le blitzkrieg a été conduit de main de maître, probablement par des militaires. Affirmatif mon général.


En octobre, le groupe s'était manifesté en attaquant un checkpoint dans le Sinaï, faisant 31 tués et un nombre indéterminé de blessés. À l'époque, la presse égyptienne désignait les cerveaux de l'opération, deux officiers ayant fait défection : Imad Abdel Halim et Hicham Achmawi. On découvrait alors que les désertions étaient nombreuses dans les rangs de l'armée et de la police, et que le Sinaï était devenu au fil du temps « l'Irak de l'Égypte », suivant l'heureuse (?) formule d'un chef bédouin de la péninsule.
Dix jours plus tard, l'Ansar, fort du soutien de plusieurs leaders locaux, prêtait allégeance à l'État islamique et son chef, Abou Bakr al-Baghdadi, mettant fin à une querelle interne entre anciens d'el-Qaëda opposés à un tel ralliement et éléments favorables à un élargissement d'activités passant nécessairement par un renforcement des effectifs humains et matériels. Le régime égyptien pendant ce temps ne cessait de multiplier les faux pas, décrétant l'état d'urgence dans une zone désertique où une telle mesure paraît difficilement applicable ; démolissant, sous prétexte de freiner le trafic d'armes avec la bande de Gaza, les habitations résidentielles situées à moins de 500 mètres de la frontière ; et ignorant délibérément les revendications d'une population vivant dans une extrême pauvreté et pour laquelle le tarissement de la manne touristique représentait une véritable catastrophe.


Le pouvoir central se trouve aujourd'hui dans une situation critique, forcé qu'il est de se battre, d'abord dans ses principales villes, contre les partisans de l'ancien président Mohammad Morsi, ensuite dans le Sinaï – devenu Wilayat Sina, suivant la terminologie de l'EI – contre les bédouins et leurs nouveaux alliés venus du « Bilad ach-Cham ».
C'est ainsi que, devenu une franchise, le « califat » est désormais présent en Libye, en Algérie et au Yémen, sans compter bien entendu l'Irak, où il avait fait sa première apparition, et la Syrie où il opère maintenant à visage découvert. Sa tactique repose sur un principe qui a fait ses preuves : diviser la société du pays où il est présent pour gagner à sa cause des pans entiers de la population, s'appuyant sur des méthodes que le monde est quasi unanime à dénoncer comme barbares. Leur dernier message à l'adresse du maréchal Abdel Fattah el-Sissi donne froid dans le dos : « Nous serons l'épée qui coupera votre cou et les bombes qui détruiront votre royaume, et romprons votre dos. » Impressionnant médiatiquement, sinon applicable stratégiquement.


Dans un combat qui s'annonce long, le tombeur de Morsi (et accessoirement sauveur de Hosni Moubarak) dispose d'un atout de taille représenté, au sein du nouveau régime saoudien, par le prince Mohammad ben Nayef, promu second vice-Premier ministre, président du Conseil des affaires politiques et sécuritaires et ministre de l'Intérieur, devenu à ce triple titre le véritable homme fort du royaume wahhabite. Celui-là même qui, en mars dernier à Marrakech où se tenait une importante réunion de responsables arabes de la sécurité, avait lancé d'emblée, à en croire le New York Times du 26 janvier dernier : « Il est temps d'unifier nos efforts pour éradiquer la confrérie des Frères musulmans. »


Les récents succès sur le terrain obtenus par les hommes de Baghdadi devraient inquiéter d'autant plus les militaires cairotes qu'ils sont enregistrés dans une région du monde arabe où el-Qaëda d'Ayman el-Zawahiri, lui-même un Égyptien, n'a réussi à ce jour que de timides percées, sans conséquences notables. Au contraire de l'EI qui peut se targuer maintenant de disposer d'une vaste position de repli au cas où les choses tourneraient vinaigre du côté de l'Irak et de la Syrie.
Ainsi, et pendant que les regards du monde demeurent tournés vers Bagdad et Damas, les coupeurs de têtes se taillent une nouvelle branche de leur califat qui, ajoutée à celle de l'enclave de Gaza, menace de se transformer en boule de feu qu'il sera difficile de neutraliser.

 

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commentaires (2)

LA MONSTRUEUSE HYDRE EST LA RÉPONSE AU MONSTRUEUX DRAGON... DEUX MONSTRES QUI SE PARTAGENT LA PRESQUE TOTALITÉ DE LA RÉGION... L'ÉRADICATION MUTUELLE EST DE MISE !

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 49, le 03 février 2015

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Commentaires (2)

  • LA MONSTRUEUSE HYDRE EST LA RÉPONSE AU MONSTRUEUX DRAGON... DEUX MONSTRES QUI SE PARTAGENT LA PRESQUE TOTALITÉ DE LA RÉGION... L'ÉRADICATION MUTUELLE EST DE MISE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 49, le 03 février 2015

  • Le sujet est tragique , mais lire " les coupeurs de têtes se taillent une nouvelle branche de leur califat ....." comme si n'ayant plus de tetes a couper on se taillait des branches , m'a fait hurler de rire . Bref , a certains endroits votre article me faisait penser qu'on se trouvait a Damas martyrisee par les salafowahabites binsaouds allies a l'usurpie , mais non , force est de constater qu'en Egypte , pas de chiites , ni de alaouites , mais alors qu'est ce qui faut courir autant les bacteries binsaouds dans le monde ???

    FRIK-A-FRAK

    10 h 37, le 03 février 2015

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