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Moyen Orient et Monde - Le point

Syriza sur le gâteau

Encore deux sièges et Syriza aurait gouverné sans le soutien de la droite souverainiste qui a volé au-devant de la victoire en lui accordant sa confiance hier, avant même sa désignation pour former le gouvernement. Précision à l'intention de ceux qui s'étonneront : comment le héros de cette journée historique peut-il être fort de 149 voix alors que sa formation a recueilli un peu plus du tiers seulement des suffrages populaires ? Explication en forme de clin d'œil malicieux au pays qui a inventé la démocratie : le parti figurant en tête à l'arrivée reçoit un bonus de 50 députés.
Round I donc à Alexis Tsipras qui avait enfourché le blanc destrier de l'amour-propre de ses concitoyens traités en bourgeois de Calais par une Europe menée à l'assaut par Angela Merkel. Qualifié de « dangereux épouvantail de l'euro » par le quotidien Bild, le chef de la gauche radicale se voit en outre rappelé à l'ordre par le même journal qui lui lance : « Désolé, mais la zone euro n'est pas un tripot dans lequel chacun peut jouer comme il veut. Un accord est un accord. » À quoi l'intéressé avait répondu à l'avance dans une tribune : « L'austérité ne fait pas partie des traités européens » (Le Monde daté du samedi 24 janvier).
La question se pose, sans doute un peu tard, de savoir si le Vieux Continent n'a pas trop appuyé sur la pédale de freinage dans le même temps qu'il octroyait à une nation exsangue la somme colossale de 240 milliards d'euros, l'équivalent de 177 pour cent du produit intérieur brut, tout en sachant qu'au vu des chiffres, l'intéressé serait dans l'incapacité de tenir ses engagements de remboursement et que les conditions posées n'allaient pas manquer de provoquer tôt ou tard une violente réaction populaire. Latente depuis quelque temps, celle-ci a fini par se concrétiser dimanche suscitant aussitôt des inquiétudes qui n'ont pas lieu d'être.
C'est que le coup de gueule de la rue visait la classe dirigeante locale autant que les défenseurs à Bruxelles d'une stricte orthodoxie que, l'Allemagne mise à part, aucun des vingt-sept autres membres de la communauté ne respecte. Cette même classe politique incapable de mener à bien des réformes, pourtant indispensables, et de mettre en place une administration fiscale valable. Le résultat de cette mauvaise volonté est là et les partis traditionnels qui gèrent le pays ne devraient s'en prendre qu'à eux-mêmes si le peuple vient de les renvoyer à leurs stériles débats qui durent depuis des décennies.
Soupçonner le vainqueur du scrutin de dimanche de vouloir tourner le dos à la zone euro relève d'une évidente mauvaise foi. Certes, au congrès fondateur de Syriza, en 2013, les dirigeants du mouvement n'avaient pas fait mystère de leur volonté de mettre de l'ordre dans la maison grecque. Un ordre bien à eux. Il s'agissait ni plus ni moins que
d'« abroger les mémorandums et les lois d'application et (d')annuler les réformes imposées par des créanciers ». Mais, depuis, la figure de proue du parti a mis de l'eau dans son vin et laisse entendre désormais qu'il pourrait se contenter d'un arrangement qui reste à négocier. Tout porterait donc sur la composition du civet : un lièvre (la remise) pour un cheval (le restant de la dette) ou toute autre solution mieux équilibrée ? La question est à débattre.
Sur le terrain, la dure réalité effraie. Depuis 2010, l'économie a chuté de 20 pour cent, le chômage a doublé, atteignant, selon les statistiques les plus pessimistes, près de 50 pour cent de la population active et la perte de richesse est estimée à 18 pour cent. Début avril néanmoins, il a été possible de lever 3 milliards d'euros en obligations à cinq ans assorties d'un coupon à 4,75 pour cent. Après six années de récession, un excédent primaire a pu être dégagé dès 2013 et le PIB a crû, modestement il est vrai, de 0,6 pour cent. Dès lors, la « troïka » (Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international) qui revendique le peu enviable privilège de détenir 80 pour cent de la dette devrait se montrer encline, c'est bien son tour, à faire montre de clémence. D'autant plus que l'exemple d'Athènes semble contagieux, surtout pour l'espagnol Podemos et son chef, Pablo Iglesias, qui attendent avec impatience la consultation populaire prévue au plus tard le 20 décembre de cette année.
Entre-temps, on ne saurait minimiser l'impact causé par l'irruption sur la scène d'une extrême gauche qui compte dans des rangs des maoïstes, des trotskystes et des anti-UE. Même si 75 pour cent des Grecs se prononcent pour le maintien de leur pays dans ce mouton à cinq pattes devenu indispensable.

Encore deux sièges et Syriza aurait gouverné sans le soutien de la droite souverainiste qui a volé au-devant de la victoire en lui accordant sa confiance hier, avant même sa désignation pour former le gouvernement. Précision à l'intention de ceux qui s'étonneront : comment le héros de cette journée historique peut-il être fort de 149 voix alors que sa formation a recueilli un peu plus...

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