Redoutables kalachnikov en main, mais agissant de façon visiblement improvisée dans leur fuite : les frères Kouachi, auteurs présumés de l'attaque contre Charlie Hebdo à Paris, activement recherchés, sont un étrange et inquiétant mélange de professionnalisme et de comportement anarchique, estiment policiers et experts.
En effet, les images, prises par un témoin depuis un toit voisin, des deux tireurs encagoulés, vêtus de noir, gilets porte-chargeurs sur la poitrine, qui progressent dans la rue à la façon de soldats d'élite et exécutent sans hésiter un policier gisant à terre, a glacé le sang des observateurs et révélé un entraînement quasi militaire. De plus, les deux hommes connaissaient l'horaire de la conférence de rédaction de l'hebdomadaire, ils exécutent leur plan sans coup férir, sans être arrêtés par le policier armé chargé de la protection rapprochée de Charb, qui n'a pas eu le temps d'intervenir et fait partie des victimes. Puis dans leur fuite, ils croisent des policiers, qu'ils tuent ou mettent en fuite, leur tirant dessus avec une précision de combattants aguerris.
Mais la phase « exfiltration » de l'opération semble plus anarchique : ils percutent, alors qu'ils n'étaient pas directement pris en chasse, une automobiliste, s'en sortent en braquant un conducteur pour lui voler une Clio grise. Du coup, dans la Citroën C3 noire qu'ils abandonnent, les enquêteurs découvrent la carte d'identité de Saïd Kouachi, qui les met immédiatement sur leur piste.
De l'avis d'Éric Dénécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, l'action des deux tireurs révèle « une amélioration notable des techniques d'attaque. Mais pour le reste, pour la suite, c'est-à-dire les méthodes d'exfiltration et de survie dans la clandestinité, c'est beaucoup moins brillant. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'en quelques jours on peut former quelqu'un à utiliser une kalachnikov et à bien se déplacer arme en main. Mais apprendre à survivre longtemps dans la clandestinité, c'est une toute autre affaire ». N'en déplaise aux amateurs de complots en tout genre...
Lié à l'EI
Mais qui sont-ils, ces frères Kouachi ? L'un est un jihadiste bien connu, l'autre est d'une rare discrétion, sauf quand on le retrouve dans les affaires de son cadet : le parcours des frères trentenaires Chérif et Saïd Kouachi, activement recherchés dans l'enquête sur l'attentat contre le journal Charlie Hebdo, se précise. L'ex-avocat de Chérif – ex-détenu connu des services antiterroristes français, mais qui n'était pourtant pas perçu comme extrêmement dangereux – l'a rencontré en 2005. Me Vincent Ollivier est désigné pour l'assister, alors que le jeune homme est interpellé juste avant qu'il ne s'envole pour l'Irak via la Syrie. C'était « deux enfants abandonnés, très jeunes » par leurs parents algériens, poursuit Me Ollivier.
Le cadet, Chérif, a fait partie de ce qui a été appelé « la filière des Buttes-Chaumont », du nom d'un quartier de Paris. Sous l'autorité de « l'émir » Farid Benyettou, cette filière visait à envoyer des jihadistes en Irak dans les rangs de la branche irakienne d'el-Qaëda, dirigée à l'époque par Abou Moussab al-Zarkaoui. Pour ces faits, il a été jugé en 2008 et condamné à trois ans de prison, dont 18 mois avec sursis.
D'autre part, pour le chercheur Jean-Pierre Filiu, spécialiste de la mouvance islamiste radicale, Chérif Kouachi est lié à l'État islamique. Cependant, on ignorait encore hier soir s'il faisait partie des Français qui se sont rendus récemment en Syrie. Quant à son frère, Saïd, de deux ans son aîné, il n'avait jusqu'à cet attentat jamais attiré l'attention.
commentaires (0)
Commenter