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Moyen Orient et Monde - Reportage

« La diarrhée à côté, c’est de la rigolade ! »

Dans les égouts de Londres, à l'assaut d'une banquise de graisse immonde et nauséabonde.

Vince Minney évolue au milieu d’un magma d’immondices, tandis que son collègue Tim Henderson ramasse à la pelle les fatbergs accumulés dans les canalisations.

Armés de pelles, les égoutiers de Londres plongent chaque jour dans les entrailles de la mégalopole pour briser les fatbergs, d'énormes blocs de graisse putrides qui menacent de congestionner les sombres couloirs de cette ville sous la ville.
« C'est de pire en pire. Ça touche certains égouts qui n'étaient pas concernés avant », dit Vince Minney. Il évolue alors au milieu d'un magma d'immondices lui arrivant jusqu'à la taille avec son équipe d'égoutiers de Thames Water, l'organisme gestionnaire des eaux de la capitale britannique. La tâche est titanesque : ces caillots de gras provoquent 80 000 obstructions par an dont le traitement coûte 12 millions de livres (15 millions d'euros). Les fêtes de fin d'année ne font que l'amplifier. Entre Noël et le Nouvel An, est déversé dans les égouts l'équivalent de deux piscines olympiques de graisse de dinde...
Les égouts de Londres, ce sont des kilomètres et des kilomètres de couloirs habillés de briques hérités de l'époque victorienne (XIXe siècle), de canalisations, de conduits, parcourus par une fange faite d'excréments et de matières grasses en état de décomposition. Une vision et une odeur cauchemardesques, sauf pour les innombrables vers et mouches qui y festoient.

Dans les intestins de la ville
Équipés de combinaisons blanches et de bottes en caoutchouc, Vince Minney et ses collègues progressent au milieu des déchets, à seulement sept mètres sous le niveau de la rue. Au-dessus de leurs têtes, un monde aux antipodes : le grand air, des boutiques et hôtels de luxe d'un quartier cossu du centre.
Vince (54 ans) travaille depuis 24 ans dans les intestins de la ville, autant d'années pendant lesquelles les fatbergs n'ont cessé de s'étendre. Le problème, explique-t-il, c'est cette épaisse « couverture » de graisse qui forme comme une banquise au-dessus des eaux usagées. Figée par le froid, la graisse se mélange avec les déchets, couches, serviettes hygiéniques, emballages et canettes, et s'agglomère en blocs solides dont le plus gros, un monstre de 15 tonnes découvert en 2013, avait la taille d'un bus.
Ces fatbergs, « c'est le truc le plus dégueulasse qui soit. La diarrhée à côté, c'est de la rigolade », lâche Vince en tapant sur l'épaisse couche de gras sur laquelle s'est développée une moisissure aux airs de vomi séché. En brisant cet amas graisseux, les égoutiers libèrent un dégagement d'hydrogène sulfuré, un gaz toxique à l'odeur d'œuf pourri. Et comme si ça ne suffisait pas, l'équipe doit aussi composer avec les innombrables objets dangereux négligemment jetés dans les toilettes, comme des seringues ou des préservatifs, qui, râle Tim Henderson, un égoutier de 39 ans, « peuvent vous exploser à la gueule ! » Il y a aussi « les mouches que vous avalez. Faut les recracher, aussi sec », souligne Vince.

Paysages insoupçonnés
Bref, ce métier requiert au moins deux qualités : un solide sens de l'humour et un dévouement total. Mais la profession, aussi ingrate soit-elle, a ses avantages.
« C'est un privilège que de pouvoir visiter certaines parties de Londres que personne ne voit », dit Tim. « Quand vous regardez la taille de ces égouts, c'est sidérant... C'est comme un autre Londres sous Londres. C'est un sacré beau travail d'ingénieur et, d'ailleurs, certains conduits sont magnifiques. Le travail sur les briques est stupéfiant », ajoute-t-il, admiratif.
Les fatbergs, une fois brisés par les égoutiers ou traités par les stations d'épuration, finissent dans les décharges, et Thames Water teste des enzymes pour les éliminer plus facilement. Pour Vince toutefois, la solution est entre les mains des usagers et des professionnels. « Le problème, c'est que les gens ne voient pas ce qui se passe, alors ils n'y pensent pas. Et c'est sur nous que ça retombe », dit-il, avant d'y aller de son petit conseil pour éviter une catastrophe pendant les fêtes : « La graisse, jetez-la à la poubelle, pas dans l'évier ! »

Robin MILLARD/AFP

Armés de pelles, les égoutiers de Londres plongent chaque jour dans les entrailles de la mégalopole pour briser les fatbergs, d'énormes blocs de graisse putrides qui menacent de congestionner les sombres couloirs de cette ville sous la ville.« C'est de pire en pire. Ça touche certains égouts qui n'étaient pas concernés avant », dit Vince Minney. Il évolue alors au milieu...

commentaires (1)

On a tendance à dire très injustement "L'homme est une sale bête"... L'homme est sale, sans aucun doute, mais aucune bête ne fait à la nature ce que l'être humain lui fait! Et on parle de gens "civilisés"!

NAUFAL SORAYA

07 h 43, le 16 décembre 2014

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Commentaires (1)

  • On a tendance à dire très injustement "L'homme est une sale bête"... L'homme est sale, sans aucun doute, mais aucune bête ne fait à la nature ce que l'être humain lui fait! Et on parle de gens "civilisés"!

    NAUFAL SORAYA

    07 h 43, le 16 décembre 2014

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