Une brèche est colmatée, une autre s'ouvre. Le Liban n'en finit plus de recenser les points faibles par lesquels le danger peut arriver. Après avoir plus ou moins pacifié Tripoli et désamorcé la bombe de la proclamation d'un émirat dans le nord du pays, et après avoir relativement éliminé les risques d'une nouvelle bataille le long de la frontière nord de la Békaa, l'armée scrute de plus en plus le triangle « Chebaa-Kuneïtra-Golan », qui représente désormais la menace la plus grave pour la stabilité du pays. Le rapport de l'Onu, qui a officialisé les rumeurs sur une coopération étroite entre les combattants d'al-Nosra et les Israéliens, est venu ajouter de l'huile sur le feu des inquiétudes libanaises, d'autant que cette coopération dans ce secteur particulier n'a pas pour seul objectif d'aider l'opposition syrienne contre le régime, tant la tentation est grande pour les Israéliens de vouloir mettre en difficulté le Hezbollah à travers la région de Chebaa.
Il y aurait donc, dans ce coin, une convergence d'intérêts entre les Israéliens et les combattants de l'opposition syrienne, fussent-ils des membres du Front al-Nosra. Au départ, les Israéliens songeaient à installer dans le secteur du Golan une sorte de zone tampon, un peu comme l'était la bande frontalière au Liban-Sud de 1978 à 2000. Mais les forces du régime ont rapidement réagi pour empêcher l'opposition de contrôler Kuneïtra. Toutefois, en raison de sa complexité et du fait qu'elle est à cheval sur trois pays, la Syrie, Israël et le Liban, tout en étant à proximité de la frontière syro-jordanienne, cette région reste un maillon faible. Les combattants de l'opposition syrienne sont à Deraa, à la limite du Golan, et à Zabadani, de l'autre côté de la frontière libanaise, au niveau de la Békaa-Ouest et de la région de Hasbaya. En même temps, du côté libanais, les régions de Hasbaya et Chebaa constituent un mini-Liban, de par leur diversité confessionnelle et politique. Chebaa et ses environs (la région du Arkoub, jadis surnommée le Fateh-land) sont essentiellement sunnites, Hasbaya est druze, entourée de villages chiites et chrétiens. Ce n'est donc pas un hasard si les Israéliens ont laissé les combattants d'al-Nosra se rapprocher de cette région, misant sur la possibilité de jouer sur les sensibilités confessionnelles pour créer un nouveau foyer de tension au Liban, dans le genre de celui de Ersal, afin de mettre en difficulté aussi bien l'armée libanaise que le Hezbollah.
Comme dans d'autres régions libanaises, tout commence par l'afflux de réfugiés syriens (en particulier à Chebaa) qui sont désormais, comme c'est le cas dans plusieurs localités du pays, plus nombreux que les résidents libanais. En principe, il ne peut pas y avoir de front dans ce secteur, car il n'y a pas de routes pour pouvoir transporter les armes et les combattants. Mais deux développements ont eu lieu récemment, qui sont en train de mettre la puce à l'oreille des autorités militaires libanaises : le premier est qu'une colline importante surplombant la région de Chebaa, qui était aux mains de l'armée syrienne, est passée sous contrôle des combattants d'al-Nosra suite à une trahison ; le second est le fait que les Israéliens ont laissé, dans la région sous leur contrôle, les combattants jihadistes rendre praticable pour les voitures et les camions une route qui mène vers Chebaa. Ce qui est visiblement destiné à leur permettre de transporter les armes dans ce secteur.
Mais juste après ces deux développements, l'armée syrienne a entrepris une reconquête de la position perdue et elle a repris l'initiative militaire sur le terrain, alors que l'armée libanaise a empêché les combattants islamistes de poursuivre leurs travaux routiers dans la partie qui est sous leur contrôle. L'armée a aussi refusé de laisser entrer les blessés d'al-Nosra pour qu'ils se fassent soigner dans les hôpitaux de Chebaa. Autrement dit pour l'instant, l'ouverture d'un front dans ce secteur n'est pas imminente, mais certains préparatifs restent inquiétants. Par exemple, un nouvel hôpital financé par les Émirats arabes unis est en train d'ouvrir ses portes dans la région de Chebaa et, selon les habitants, il serait destiné justement à accueillir les blessés de l'opposition syrienne.
De même, des rumeurs circulent sur un armement intensif dans les villages druzes, en dépit des efforts de Walid Joumblatt de laisser les druzes en dehors du conflit syrien. De plus, dans certains villages sunnites de la région, notamment à Hebbariyé, des indices extrémistes sont en train d'apparaître et on parle de plus en plus de la montée en puissance des courants jihadistes, au point qu'un émir pourrait être proclamé bientôt, ce qui permettrait de structurer « les cellules dormantes », tout en préparant le terrain à une montée des tensions confessionnelles. Des informations précises circulent donc sur les préparatifs en vue de l'ouverture du front de Chebaa, d'abord pour permettre aux combattants venus de Zabadani de s'introduire au Liban et de refaire la jonction avec Ersal, et ensuite pour mettre le Hezbollah en difficulté dans son bastion au sud. Mais ni l'armée ni le Hezbollah ne restent les bras croisés. Ils ont, chacun de son côté, renforcé leur présence dans ce secteur et ils multiplient les rencontres avec les notables des villages pour éviter une montée des tensions confessionnelles. Les deux parties se veulent rassurantes, tout en reconnaissant que de l'autre côté de la frontière, les préparatifs doivent pousser à une vigilance accrue.
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ET POUR CLARIFICATION DE MON INTERVENTION Où JE DIS QUE ACCORD ENTRE NOSRA ET SIONISTES EST UNE BOURDE, çA NE VEUT PAS DIRE QUE LES NATATAN NE FERMENT PAS L'OEIL DU CÔTÉ DE CHEBAA TOUT EN L'OUVRANT DE LEUR CÔTÉ... EN ESPÉRANT QUE LES TAKFIRISTES CONSTITUENT UNE CEINTURE DE SÉCURITÉ SUR LA FRONTIÈRE SUD DU PAYS. POSSIBLE ACCORD FUTUR ENTRE LES DEUX HÉBÉTUDES DANS CE CAS ? TRÈS POSSIBLE ! POUR L'INSTANT IL N'EN EST PAS UN... S'IL Y ARRIVE C'EST QUE MADAME SCARLETT HADDAD SERAIT PROMUE AU RANG D'ORACLE !
LA LIBRE EXPRESSION
13 h 35, le 16 décembre 2014