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À La Une - Disparition

Saïd Akl, l'un des plus grands poètes du Liban, n'est plus

"Le Liban et les Arabes ont perdu aujourd'hui un géant de la poésie".

Le poète libanais Saïd Akl (ici en 1960) est décédé vendredi 28 novembre 2014 à l’âge de 102 ans. AFP PHOTO/HO

Décidément, les grands du Liban ont choisi de s'en aller cette semaine, l'un après l'autre. Après Sabah, le poète libanais Saïd Akl a tiré sa révérence vendredi, à l’âge de 102 ans. Les obsèques auront lieu mardi à 11h30, en la cathédrale Saint-Georges des maronites au centre-ville.

"Le Liban et les Arabes ont perdu aujourd'hui un géant de la poésie", a tweeté l'ancien Premier ministre Saad Hariri. Plusieurs autres responsables politiques ont rendu hommage au grand poète.

Originaire de la ville chrétienne de Zahlé, la "arouss de la Békaa", Saïd Akl est né le 4 juillet 1912. Il a fait ses études au collège des Frères de Zahlé. A 15 ans, son père subit un revers financier et Saïd Akl se trouve contraint de quitter les bancs de l'école afin de soutenir financièrement sa famille.

Il a exercé le métier de journaliste et d'enseignant à Zahlé, avant de s'installer à Beyrouth au début des années 1930 où il a poursuivi ses études en littérature. Il a écrit pour les journaux "al-Bark", "al-Maarad", "Lissan ul-Hal", "al-Jarida", ainsi que pour le magazine "as-Sayyad".


Ennemi de l'arabité
Reconnaissable à ses cheveux blancs broussailleux, sa voix de stentor et ses gestes théâtraux, Saïd Akl était un farouche défenseur de la "spécificité libanaise", insistant sur l'héritage phénicien du Liban et rejetant avec force son appartenance arabe.

Il s'identifiait ainsi à un courant politico-culturel fort chez des chrétiens libanais au début du XXe siècle et jusqu'à la fin de la guerre civile en 1990, qui insistait sur le caractère particulier du peuple libanais et de sa culture dans un environnement arabe. Le poète a d'ailleurs soutenu l'invasion du Liban par Israël dans les années 1980 pour chasser les Palestiniens.

Saïd Akl a également créé un "alphabet libanais" en 37 caractères latins, estimant que le dialecte devrait être indépendant de l'arabe. Il a publié un journal, Lebnaan (Liban), et écrit des poésies, comme "Yara", dans ce dialecte latinisé.

Ce personnage contradictoire a toutefois entretenu un rapport schizophrénique avec la langue arabe, innovant dans la poésie arabe classique et écrivant de célèbres chansons devenues symbole du nationalisme arabe. Parmi les plus connues, celle chantée par la diva libanaise Feyrouz, "Zahrat al-Madaen", la Fleur des villes, dédiée à Jérusalem après l'occupation israélienne, ou encore celle intitulée "Ghannaytou Macca" (J'ai chanté la Mecque). Il a d'ailleurs qualifié Feyrouz de "notre ambassadrice aux étoiles".

 

 

Saïd Akl était aussi parfaitement francophone. Il a publié deux recueils poétiques en français : L'Or est poèmes et Sagesse de Phénicie.

"Chantre de l'amour, de la création et de la révolte, il s'exprime, dans la langue de Paul Valéry (« Valéry a exercé sur moi une attraction puissante. Il fut un maître du verbe ; il m'a surtout appris que la poésie implique l'univers », admet-il), comme dans sa langue maternelle, avec lyrisme et symbolisme, et manifeste ce même attachement à son origine phénicienne qui fonde son identité libanaise. Aussi s'emploie-t-il à respecter scrupuleusement les trois valeurs de l'esthétique : le Beau, le Vrai et le Bien", écrivait en 2012 Rita Kassis, dans L'Orient Littéraire.

 

Saïd Akl recevant de l'ancien président Michel Sleiman les insignes de l'ordre national du Cèdre, le 5 novembre 2010. AFP PHOTO/HO/DALATI AND NOHRA

 

En 2012, le Liban a célébré au palais de l'Unesco le centenaire de Saïd Akl, à la fois poète, orateur, théologien et linguiste. A cette occasion, et en guise d'hommage à un homme "viscéralement attaché au Liban", L'Orient Littéraire a glané dans ses entretiens "des propos qui résument bien sa pensée et confirment à quel point ce personnage est inimitable", écrivait Alexandre Najjar.

En voici quelques uns :

Culture : « Il n'y pas de création sans culture. Pour créer une œuvre brillante, il faut nécessairement être cultivé. La culture dissipe la peur et l'hésitation : la main de l'artiste ne tremble plus. »

Dieu : « Pour moi, un seul mot définit parfaitement Dieu : Dieu est qualité. »

Liban : « Ce que je souhaite, c'est donner une âme à mon pays. La vocation du Liban est d'empêcher que la civilisation ne recule, car il est à la fois témoignage et témoin. »

 

Pour mémoire
Saïd Akl de A à Z

Décidément, les grands du Liban ont choisi de s'en aller cette semaine, l'un après l'autre. Après Sabah, le poète libanais Saïd Akl a tiré sa révérence vendredi, à l’âge de 102 ans. Les obsèques auront lieu mardi à 11h30, en la cathédrale Saint-Georges des maronites au centre-ville.
"Le Liban et les Arabes ont perdu aujourd'hui un géant de la poésie", a tweeté l'ancien...

commentaires (4)

Incroyable... Ils se sont donné le mot ou quoi???? Quelle perte!

NAUFAL SORAYA

20 h 08, le 28 novembre 2014

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Commentaires (4)

  • Incroyable... Ils se sont donné le mot ou quoi???? Quelle perte!

    NAUFAL SORAYA

    20 h 08, le 28 novembre 2014

  • UN GÉANT EST PARTI ! ALLAH YIR7AMOU.

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 46, le 28 novembre 2014

  • CE GRAND AVAIT UNE VISION EXTRAORDINAIRE. IL A COMPRIS QUE LES ARABES ONT MIS LA MARCHE ARRIÈRE. MALHEUREUSEMENT IL N'A PAS RÉUSSIS À S'EN DÉBARRASSER DE CET IMAGE "ARABE" LE LIBAN ÉTAIT RESPECTÉ À CET ÉPOQUE, AUJOURD'HUI SON PASSEPORT EST DEVENU UNE POUBELLE. IL NOUS FAUT UN AUTRE SAIID AKL POUR TERMINER LE TRAVAIL QUE CE GRAND VISIONNAIRE AVAIT COMMENCÉ. ISSAM KHALIFÉ EST CAPABLE DE PRENDRE LA RELÈVE.

    Gebran Eid

    15 h 49, le 28 novembre 2014

  • Un chantre-illuminé de plus, de ce "libano-phénicisisme" niais tarabiscoté ! Dommage car, toutefois, il était un immense poète. Paix à son esprit.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    15 h 40, le 28 novembre 2014

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