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Moyen Orient et Monde - Égypte

Dans le Sinaï, les déplacés assimilés aux « terroristes » et « traîtres »

Les anciens habitants sont soupçonnés d'avoir amassé des petites fortunes grâce aux tunnels de contrebande.

Des soldats égyptiens inspectant un tunnel reliant la ville de Rafah à la bande de Gaza. Mohammad el-Sherbeny/AFP

Abou Mahmoud et sa famille n'ont eu que huit heures pour évacuer leur maison de la zone-tampon que l'armée égyptienne établit sur 500 m de large dans le Sinaï le long de la frontière avec la bande de Gaza.
Il essuie aujourd'hui la méfiance des militaires, qui le présument « terroriste », et les quolibets des habitants d'al-Arish, à 35 km plus à l'ouest, qui considèrent les déplacés du Nord-Sinaï comme des « traîtres ». Des centaines de familles ont dû quitter leurs maisons, avant qu'elles ne soient dynamitées, dans cette langue de territoire qui longe sur 13,5 km la frontière de l'enclave palestinienne de la bande de Gaza. C'est la dernière mesure en date de l'armée dans sa lutte contre les insurgés islamistes qui ont fait de la péninsule du Sinaï leur bastion et multiplient les attentats meurtriers contre les militaires et les policiers. Pour rappel, le principal groupe armé, Ansar Beït al-Maqdess, vient de faire allégeance aux jihadistes de l'État islamique (EI). Mais il vise exclusivement les forces de l'ordre et dit agir en représailles à l'implacable et sanglante répression qui s'est abattue sur les islamistes en Égypte depuis que l'armée a destitué, en juillet 2013, le président élu Mohammad Morsi.
Pour le gouvernement, la zone-tampon doit permettre d'isoler les jihadistes dans une zone désertique et d'accélérer la destruction des tunnels clandestins entre l'Égypte et Gaza. Le régime dirigé par l'ex-chef de l'armée qui a destitué M. Morsi, le président Abdel Fattah al-Sissi, accuse le mouvement islamiste palestinien Hamas, qui dirige de facto la bande de Gaza, comme le principal soutien armé des insurgés égyptiens, par le biais des tunnels dans lesquels transitent combattants et armements selon lui. Comme celle d'Abou Mahmoud, un nom d'emprunt tant il redoute des représailles, plus de 800 habitations ont été ou doivent être démolies et quelque 1100 familles déplacées, selon l'armée. Les déplacés, eux, parlent volontiers de « punition collective » à propos des maisons détruites.

Tunnels de contrebande
À al-Arish, le chef-lieu du Nord-Sinaï situé à 35 km de Rafah, poste frontalier avec Gaza, des jeunes ayant récemment quitté la zone-tampon discutent et plaisantent dans leur élégante voiture. Mais ils refusent de parler et appellent leur père, Abou Mahmoud, qui décrit discriminations et vexations. « Aux barrages de sécurité, les officiers nous traitent mal et nous soumettent à des fouilles corporelles lorsqu'ils constatent que nos voitures sont immatriculées dans le Nord-Sinaï », dénonce Abou Mahmoud. « Et les civils nous accusent d'être des traîtres lorsqu'ils apprennent que nous venons de là ». Son frère Mohammad se plaint du rôle « extrêmement négatif » des médias, qui tiennent un « discours haineux » contre les populations du Nord-Sinaï, « comme si tous les habitants de cette région étaient des terroristes ». Pour rappel, début novembre, le président Sissi avait présenté ses excuses aux résidents déplacés et promis des dédommagements. Mais à al-Arish, quasiment personne ne plaint les déplacés de Rafah, soupçonnés d'avoir amassé des petites fortunes grâce aux tunnels de contrebande, qui permettent de faire entrer à Gaza carburants, boîtes de conserve, vêtements, matériel de construction et même bétail, contournant ainsi le blocus imposé par Israël depuis 2006. Les autorités ont par ailleurs indiqué qu'elles ne dédommageraient pas les propriétaires d'habitations dans lesquelles sont découvertes des entrées de tunnels.
Mona SALEM/AFP

Abou Mahmoud et sa famille n'ont eu que huit heures pour évacuer leur maison de la zone-tampon que l'armée égyptienne établit sur 500 m de large dans le Sinaï le long de la frontière avec la bande de Gaza.Il essuie aujourd'hui la méfiance des militaires, qui le présument « terroriste », et les quolibets des habitants d'al-Arish, à 35 km plus à l'ouest, qui considèrent...

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