Freud aurait adoré. Dans la très modeste maisonnette Erdogan, dans un Istanbul déglamourisé à l'extrême, entre deux cours à l'imam-hatip, cette école religieuse qui forme des imams et des prédicateurs, et après avoir vendu des petits pains dans les rues, le jeune Recep Tayyip s'en allait jouer au football en cachette avec son pote Yasoo Aga, et quand il rentrait chez lui, il cachait ses crampons dans un sac de charbon. Pour que papa ne le découvre pas. Qu'il ne s'emporte pas contre lui. Recep Tayyip Erdogan aurait pu finir Mesut Özil, star métèque multimillionnaire d'une Mannschaft requin. Il aurait pu finir en petite fille aux allumettes du Bosphore, au mieux Cosette. Il aurait pu finir en mollah Omar, en Abou Qatada, ou qui sait, en une espèce d'Abou Bakr el-Stambouli. Mais non. Il étudiera les sciences politiques, merci papa ; rencontrera Necmettin Erbakan avec lequel, naturellement, il rompra, déjà pénétré par la primauté absolue de ses convictions ; il se fera élire maire d'Istanbul, déjà autoproclamé M. Propre, warrior anticorruption, sans oublier d'interdire l'alcool dans plusieurs lieux ; il se fera emprisonner après avoir littéralement déclamé un vers du nationaliste Ziya Gökalp : Les minarets seront nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées seront nos casernes et les croyants nos soldats, déjà antimilitariste jusqu'à la moelle ; il vivra très mal son embastillement, mais cela ne l'empêchera pas d'infliger les mêmes traitements à tous ses opposants des années plus tard, le parc Gezy s'en souviendra pour longtemps ; puis il façonnera, année après année, à la fois Carlo Collodi, Geppetto et Pinocchio, ce personnage de démocrate-musulman qu'il essaiera, aveuglé et fasciné par sa propre évolution, d'imposer au monde en général et aux Européens en particulier, mais personne n'est dupe. Ce n'est pas malin : Recep Tayyip Erdogan aurait pu devenir un Rafic Hariri, par exemple, avec la tridimension turque en plus. Sauf qu'il n'a pas eu la chance, ou l'intelligence de faire en sorte, de vivre et gouverner dans un Liban métissé. Ce n'est pas malin : à l'heure où la barbarie est trustée jusqu'à ses moindres manifestations par l'État islamique, à l'heure où le prophète Mohammad et le Coran n'ont jamais été aussi usurpés, profanés, fût-ce par une minorité absolue, l'islam en général et le sunnisme en particulier auraient grandement eu à gagner d'un Erdogan si cet Erdogan avait véritablement été démocrate-musulman. Mais aussi soft comparé à ce qui se passe aujourd'hui qu'il soit, le fanatisme religieux de l'ultraprésident turc, idéologique bien sûr, mais aussi politique : la résurrection d'une Sublime Porte 2.0 l'obsède plus que tout, reste un fanatisme. Pire encore : c'est un fanatisme ridicule. Quelque chose s'est cassé dans la mécanique Erdogan, à moins qu'au contraire, chaque étape franchie dans le grotesque et le liberticide ne soit une pièce d'un puzzle dont on verra bientôt, suffoqué ou stupéfait, la fin : la destruction systémique, même si discrète, de la laïcité kémaliste, le sexisme insensé dans la Turquie de 2014, le négationnisme, soft là encore, éhonté : Christophe Colomb est en apoplexie là où il est, l'archaïsme revendiqué tous azimuts : Internet est la réincarnation du diable, et puis la construction d'une Maison Blanche palais à côté duquel le Taj Mahal finit par ressembler à un simple trois-pièces à Dupont Circle. Le gâchis Erdogan est immense : ce monsieur aurait pu être, qu'on soit d'accord ou pas, qu'on frémisse ou pas, le nouvel Atatürk, à l'envers bien sûr, mais un (re)fondateur d'une autre Turquie. Le voilà plutôt en train de parachever son anamorphose en un Saparmourat Niazov de deuxième zone, l'hyperhallucinant, l'hyperexcentrique, l'hypermégalomane et l'hypertyran, décédé en 2006, du Turkménistan. Ahmet Davetoglu sourit.
Moyen Orient et Monde - Portrait craché #8 Recep Tayyip Erdogan
« Il est l’Or, Monsignor... »
OLJ / Par Ziyad MAKHOUL, le 17 novembre 2014 à 00h00
commentaires (4)
C'est l'allie des occicons avant tout et un vecteur de l'otan au M.O . Alors du respect SVP! lOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOLLLLLLLLLLLLLLLL ....
FRIK-A-FRAK
13 h 12, le 17 novembre 2014