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Moyen Orient et Monde - Le point

... Et maintenant, un Fillongate !

À leur corps défendant, et parce que cette maudite presse éprouve le besoin, quand l'occasion lui en est donnée, de déterrer des scandales majeurs, les partis politiques finissent par laver leur linge sale en public. Mais aussi comment trouver normal que la buanderie fonctionne ainsi à plein rendement ? Dernier scandale passé dans l'essoreuse : ce qu'il est désormais convenu d'appeler l'affaire Fillon-Jouyet, le premier ancien Premier ministre de Sarkozy (« mon collaborateur », disait méchamment celui-ci), le second, un intime de François Hollande, secrétaire général de l'Élysée après avoir fait partie en 2007 du gouvernement... Fillon.
La scène se passe le 24 juin, dans un restaurant de la rue Boissy-d'Anglas proche de l'Élysée où les deux hommes, à la demande de l'ex-Premier ministre, prennent leur déjeuner en présence d'un troisième homme, Antoine Gosset-Grainville, ancien directeur de cabinet du chef du gouvernement de l'époque – non, ce troisième homme n'était pas, comme cela a été dit dans certains cercles, François Hollande. Rien de répréhensible jusqu'au moment où le candidat à la présidence de l'UMP engage la conversation sur les multiples casseroles que traîne Nicolas Sarkozy, surtout les pénalités liées au dépassement du plafond des dépenses de la dernière présidentielle, et invite le Palais à intervenir Et de lancer : « Tapez vite ! Jean-Pierre, tu as bien conscience que si vous ne tapez pas vite, vous allez le laisser revenir. Alors agissez. » L'anecdote est relatée dans un livre* écrit par deux journalistes – Gérard Davet et Fabrice Lhomme du quotidien Le Monde, dont l'hebdomadaire L'Obs (qui fut France Observateur puis Le Nouvel Observateur dans deux autres vies) publie le 6 novembre les bonnes feuilles, déclenchant un maelström dont nul n'est capable pour l'heure d'estimer les conséquences à venir.
François Fillon dément aussitôt les propos qui lui sont attribués, crie au complot et menace de recourir à la justice ; Jean-Pierre Jouyet nie lui aussi, avant de revenir sur ses dénégations ; la présidence de la République précise qu'elle ne s'immisce pas dans les questions relevant de la justice ; l'ancien président de la République ne pipe mot, laissant à certains de ses proches le soin de planter les premières banderilles dans les flancs du taureau fou lâché dans l'arène. Pierre Charon : « Je connaissais Le Dîner de cons mais je ne savais pas qu'il y avait aussi le déjeuner. » Brice Hortefeux : « Si c'est vrai, ce serait très grave. » Henri Guaino : « S'il (Fillon) a tenu ces propos, c'est une affaire d'État. »
En attendant un hypothétique dénouement, les médias établissent un premier bilan d'une histoire encore plus biscornue qu'elle n'en a l'air. François Fillon sort affaibli de cette histoire alors qu'il est déjà dépassé par la percée d'Alain Juppé dans la course à la présidentielle et après avoir laissé des plumes lors de son duel avec Jean-François Copé. Jouyet, qui avait succédé à Pierre-René Lemas démissionnaire, risque sa place de secrétaire général de l'Élysée. Le chef de l'État lui-même, au plus bas dans les sondages, pourrait être éclaboussé par le scandale ou à tout le moins par l'effet de ses mauvais choix d'hommes sur la bonne marche de l'État. Quant à l'opinion publique, déjà fixée sur la qualité de ses gouvernants, elle est confortée dans sa conviction que les politiciens devraient être renvoyés chez eux.
L'ancien président, qui donnait l'impression d'avoir raté son retour, opère un rétablissement aussi acrobatique qu'inespéré, présenté qu'il est d'ores et déjà comme victime et rassembleur de la famille UMPéiste, une posture dont il aime volontiers se parer. Fait significatif : Sarko et Fillon, qui se boudaient depuis longtemps, se sont entretenus en fin de semaine au téléphone. Et devinez qui buvait du petit lait ce soir-là... L'autre bénéficiaire de cette guéguerre est Marine Le Pen qui caracole en tête dans les sondages, lesquels la donnent assurée de passer le cap du premier tour de la présidentielle et même de battre largement Hollande au second tour. La donne a quelque peu changé à droite depuis l'entrée en lice de celui qui est « probablement le meilleur d'entre nous » (dixit autrefois Jacques Chirac en parlant d'Alain Juppé) alors que, de démenti en démenti, le pauvre Fillon, lui, n'en finit pas de s'enfoncer dans les sables mouvants du psychodrame qu'il a grandement contribué à créer.
En manquant, lui qui d'ordinaire fait dans la discrétion, une occasion de se taire.

* « Sarkozy s'est tuer », par Fabrice Lhomme et Gérard Davet, éditions Stock, 312 pages.

À leur corps défendant, et parce que cette maudite presse éprouve le besoin, quand l'occasion lui en est donnée, de déterrer des scandales majeurs, les partis politiques finissent par laver leur linge sale en public. Mais aussi comment trouver normal que la buanderie fonctionne ainsi à plein rendement ? Dernier scandale passé dans l'essoreuse : ce qu'il est désormais convenu d'appeler...

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