Rechercher
Rechercher

Liban - La situation

Solidaires de l’armée à Tripoli, les sunnites chargent le Hezbollah

Le bilan du week-end sanglant à Tripoli et Minié aura été très lourd pour l’institution militaire qui a mutliplié les raids hier : au moins dix morts entre officiers, soldats et conscrits. Omar Chalhoub / Reuters

C'est une guerre en bonne et due forme que certains comparent – toutes proportions gardées à ce stade – à celle de Nahr el-Bared, qui a l'air de se dérouler depuis vendredi soir à Tripoli. Dans le chef-lieu du Liban-Nord, les combats continuent de faire rage entre l'armée et les islamistes qui accusent les forces régulières de soutenir le Hezbollah, engagé à fond aux côtés de Bachar el-Assad en Syrie.

Il y a bien eu à un moment donné hier des informations sur des efforts fournis pour parvenir à un cessez-le-feu, mais le fait est que l'armée est déterminée à aller jusqu'au bout de son opération contre les islamistes. C'est ce que son commandement a assuré en soirée pour les démentir. Et la seule trêve qui s'est installée de fait en soirée devait permettre une évacuation des civils et des blessés.

(Lire aussi : Les parents des militaires kidnappés otages à leur tour de la bataille du Liban-Nord)

On est ainsi loin du temps où des affrontements ponctuels secouaient Tripoli, pour quelques jours, ou quelques heures, et se limitaient aux deux tristement célèbres quartiers ennemis, Bab el-Tebbané et Jabal Mohsen. La ville est engagée dans une véritable bataille contre le terrorisme dont la durée fait certes l'objet de spéculations, mais autour de laquelle une véritable majorité s'est formée. L'armée ne se serait pas embarquée dans une équipée pareille si elle ne bénéficiait pas d'une couverture et d'un soutien politiques, notamment au sein de la communauté sunnite, assure-t-on dans divers milieux.

Ce soutien s'est manifesté au cours des trois derniers jours, à travers les différentes positions exprimées par les personnalités politiques sunnites et les contacts qu'elles ont eus entre elles. Hier, le Premier ministre, Tammam Salam, a réaffirmé l'attachement et l'appui des sunnites à l'armée. « Tripoli n'a rien à voir avec le terrorisme et refuse d'en être le refuge. L'appel de certains au Jihad est rejeté parce que les sunnites ne peuvent pas s'opposer à l'État et n'ont d'autres choix que l'État, l'armée et les institutions de sécurité, à condition que celles-ci traitent tous les Libanais sur un pied d'égalité », a-t-il dit en soirée à al-Jadid, mais sans expliquer ce qu'il entend précisément par sa dernière phrase.

(Reportage : La mort, la peur, l'exode et de vieux souks dévastés)

Le même raisonnement a été développé par le ministre de la Justice, Achraf Rifi, dans un communiqué qu'il a fait paraître pour « assurer que ce qui se passe à Tripoli n'est pas une guerre contre Ahl el-sunna (la communauté sunnite) qui reste engagée en faveur de l'État, du Liban et de la coexistence », tout en faisant assumer au Hezbollah la responsabilité des troubles qui secouent le Liban « à cause de son implication en Syrie ».

Les participants à la réunion politico-religieuse au domicile du député Mohammad Kabbara ont également affirmé l'attachement de la ville à l'État, au moment où l'armée resserrait l'étau sur les islamistes traqués dans le quartier de Bab el-Tebbané. La réunion s'est tenue en présence d'un représentant de Najib Mikati, Abdel Razk Karhani, du ministre de la Justice, Achraf Rifi, des députés Samir Jisr et Badr Wannous, d'une délégation de la commission des ulémas musulmans, conduite par cheikh Zakariya Masri, d'un autre cheikh, Moustapha Allouche (NDLR : pas l'ex-député), représentant la Jamaa islamiya, du secrétaire général du Rassemblement national islamique, Amid Hammoud, du conseiller de Saad Hariri pour les affaires du Liban-Nord, Abdel Ghani Kabbara, et de plusieurs autres cheikhs et notables de la ville.

(Lire aussi : Fermeture des administrations, écoles et universités aujourd'hui au Liban-Nord)

Épargner les civils

Son objectif était, selon un communiqué publié plus tard, de « voir comment faire éviter à Tripoli et Bab el-Tebbané davantage de sang et de destructions », la préoccupation principale des personnes présentes étant d'épargner les civils. À cette fin, des contacts ont été entrepris avec MM. Salam et Hariri, ainsi qu'avec le chef du bloc parlementaire du Futur, Fouad Siniora, le mufti de la République, cheikh Abdellatif Deriane, et le commandement de l'armée. Les personnes présentes ont appelé à un cessez-le-feu immédiat pour faire évacuer les blessés et les civils.
Elles ont ensuite assuré que « Tripoli a toujours été dans le giron de l'État et le restera, et qu'elle s'oppose au terrorisme, quelle que soit son origine », avant de souligner la nécessité d' « appliquer le plan de sécurité, mais de manière pacifique, comme la première fois », et de mettre en garde contre « un usage abusif de la force », en allusion peut-être à des informations – non confirmées – sur des suspects interpellés et maltraités par les forces régulières avant d'être relâchés.

Mais la phrase employée par le chef du gouvernement pour que les services de sécurité traitent tous les Libanais sur un pied d'égalité et l'appel des forces actives réunies chez Mohammad Kabbara à une application pacifique du plan de sécurité laissent transparaître un certain malaise sunnite face à l'envergure de l'opération militaire menée par l'armée. Une opération qui ne peut cependant qu'être soutenue, compte tenu des conséquences d'une éventuelle indulgence.

Les personnes réunies ont vivement dénoncé les attaques contre l'armée et « tous les actes terroristes commis contre des militaires » et appelé l'État à prendre les mesures qui s'imposent pour régler « les causes et les conséquences » de la situation qui prévaut depuis des années dans la ville, en termes de développement.

(Lire aussi : Le directeur du HCS recense déjà les dégâts à Tripoli)

Une chose est donc sûre : la troupe ne peut plus reculer, même sous la pression des menaces d'exécution des otages encore détenus par al-Nosra et l'État islamique. « Un repli sera catastrophique », a affirmé à L'Orient-Le Jour le député Ahmad Fatfat qui a quand même une lecture pratiquement optimiste des événements à Tripoli, en ce sens que la bataille ne risque pas, selon lui, de s'étendre dans le temps, dans la mesure où l'armée a réussi à encercler les islamistes à Bab el-Tebbané et encore moins de se transposer à d'autres régions du Liban, en raison du soutien sunnite à cette opération.

Un repli serait catastrophique parce qu'il consacrerait la mainmise islamiste milicienne sur la ville, un risque à effet boule de neige garanti que l'armée ne peut pas prendre. À L'Orient-Le Jour, le mufti Chaar a assuré que la troupe a pris la décision de trancher, tout en soulignant que la situation dans la ville est « délicate et pénible ». Les leaderships politiques, a-t-il expliqué, ont invité les autorités à appliquer de nouveau le plan de sécurité qui avait été mis en place pour la ville, « mais sans que personne ne se mêle de ce que l'armée décidera à ce niveau, parce que nous avons grande confiance dans les forces régulières ».

Cheikh Chaar pense également que les événements de Tripoli ne risquent pas de s'étendre à d'autres régions, en raison de la quasi-unanimité sunnite autour de l'opération militaire de Tripoli. Un avis que l'ancien député Misbah Ahdab ne partage cependant pas, même pas pour Tripoli. M. Ahdab considère que la bataille « risque de se prolonger » et s'étonne de ce que « 50 000 soldats soient chargés de traquer 10 000 individus contre qui des mandats avaient été délivrés ». Selon lui, l'armée se trouve dans une situation difficile. Si elle se retire, ce seront les islamistes qui prendront le contrôle de la ville, et si elle poursuit la bataille, celle-ci risque d'être longue et d'avoir des conséquences inattendues. Un règlement, pour M. Ahdab, passe inévitablement par les voies politiques et commence, explique-t-il à L'Orient-Le Jour, par une distanciation par rapport aux événements de Syrie. Une condition sine qua non pour protéger l'armée et mettre le Liban à l'abri des étincelles du brasier syrien, affirme-t-il.


Lire aussi

Le pire est-il à venir ?, la chronique de Nagib Aoun

Burn out, l'article de Ziyad Makhoul

À Tripoli sous le feu, la vraie bataille est à venir, l'article de Jeanine Jalkh

C'est une guerre en bonne et due forme que certains comparent – toutes proportions gardées à ce stade – à celle de Nahr el-Bared, qui a l'air de se dérouler depuis vendredi soir à Tripoli. Dans le chef-lieu du Liban-Nord, les combats continuent de faire rage entre l'armée et les islamistes qui accusent les forces régulières de soutenir le Hezbollah, engagé à fond aux côtés de...

commentaires (6)

CORRECTION ! MERCI : "L’autocratisme se borne donc à dire, qu'il lui faut ce système nationaliste pour maintenir la cohésion de ces multiples "divins" égoïsmes...."

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

13 h 30, le 28 octobre 2014

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • CORRECTION ! MERCI : "L’autocratisme se borne donc à dire, qu'il lui faut ce système nationaliste pour maintenir la cohésion de ces multiples "divins" égoïsmes...."

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    13 h 30, le 28 octobre 2014

  • IL NE FAUT PAS CHARGER UNIQUEMENT LE HEZBOLLAH ! "TOUS" ONT UNE PART DE RESPONSABILITÉ... SI ELLE N'EST PAS DU PRÉSENT... ELLE EST DU PASSÉ. LE HEZBOLLAH N'EST PAS NÉ SANS CAUSE... ET DE RIEN !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 04, le 28 octobre 2014

  • La grande vérité est dite par l'ancien député Misbah Ahdab : "Un règlement passe par une DISTANCIATION par rapport aux évènements de Syrie. Une condition SINE QUA NON pour protéger l'armée et mettre le Liban à l'abri des étincelles du brasier syrien". Il n'y avait pas, il n'y a pas, il n'y a plus, il n'y aura jamais une sortie de l'enfer, dans lequel le "jihad" du Hezbollah en Syrie a précipité le Liban, sans une telle "DISTANCIATION" stipulée par la Déclaration de Baabda que le Hezbollah a trahie et piétinée. Il est nécessaire de bien remarquer l'obsession de ces islamistes fanatiques et excités. Quelle est cette obsession ? C'est : "LE HEZBOLLAH QUI EST ALLE MASSACRER NOS FRERES SUNNITES ("AHLANA") EN SYRIE". Hier même cette obsession était très visible, dans un long "tweet" du super fanatique Siraj Eddine Zureikat, porte-parole des Brigades Abdallah Azzam, dans lequel il liait foncièrement la bataille de Tripoli à "ce grand crime du Hezbollah". Il avait fait la même liaison pour tout ce qui s'est passé et continue de se passer à Ersal, y compris l'enlèvement des soldats libanais, victimes innocentes de la colossale irresponsabilité. Cela ne sert à rien de camoufler cette vérité essentielle comme le font les responsables du Hezbollah par mille artifices. Sans un retour à la DISTANCIATION dont parle l'ex-député Ahdab, l'enfer syrien, transposé au Liban par l'implication du Hezbollah dans la guerre sectaire syrienne, va souffler dans tous les coins et emporter ce pays.

    Halim Abou Chacra

    11 h 24, le 27 octobre 2014

  • L'égoïsme du nationalisme militariste est celui "pur" naturel du système étatique par opposition à l'égoïsme des démarcations sectaristes. Le "divin" n'est que la confirmation du système étatique donc du nationalisme. Ce "divin" n'en doit pas moins refréner l'égoïsme du militarisme, i.e. du système étatique ! Tâche vraiment ardue que de refréner 1 égoïsme par sa confirmation, voire par sa confirmation sectaire, i.e. surely en le reconnaissant comme 1 entité "surnaturelle" libérée de tout frein humain ! Les créateurs de ce "divin" ne se doutaient guère qu'ils nourrissaient 1 contradiction. Le djihadiste, qui étaie le fanatisme nationaliste par le fanatisme sectaire, comprend ainsi mieux son anti- héros le fakkîh. Le nationalisme a scellé la fin de tous les empires. L’anthracite ne dit donc rien de spécifique sur la Révolution, quand il dit que le nationalisme constitue sa perte. Il n'en dit pas + sur ce militarisme, quand il qualifie son égoïsme de "pur" ; qui apparaît plutôt comme d’1 naturel très sombre, pétri de chair et de sang e.g. Mais si sa pureté n'est que relative face à l'égoïsme des sectarismes, point n'est besoin d’1 examen de cette situation pour découvrir que l'égoïsme qui a pour contenu 1 nation est + universel ou + pur que l'égoïsme qui n'a pour contenu qu'1 "divin" particulier ou surtout 1 religio- régionalisme particulier. L’autocratisme se borne donc à dire, qu'il lui faut ce système militariste pour maintenir la cohésion des multiples "divins" égoïsmes.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 51, le 27 octobre 2014

  • "à condition que celles-ci (l'armée et les institutions de sécurité) traitent tous les Libanais sur un pied d'égalité". Tout est là.La scandaleuse impunité dont jouissent tous les criminels proches ou membres du Hezbollah explique largement - même si elle ne les justifient pas - les attaques contre les forces légales, seules habilités à porter des armes et assurer la sécurité.

    Yves Prevost

    06 h 57, le 27 octobre 2014

  • ET POURTANT LES TRIPOLITAINS DEMANDAIENT DEPUIS PLUS DE DEUX ANS LA PRÉSENCE DE L'ARMÉE À TRIPOLI, LE DÉSARMEMENT COMPLET DE TOUS CEUX QUI POSSÈDENT DES ARMES, MAISON PAR MAISON, ET L'APPLICATION DU UN POIDS ET UNE MESURE POUR TOUS LES LIBANAIS ET SUR TOUT LE TERRITOIRE LIBANAIS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 25, le 27 octobre 2014

Retour en haut