La skyline de Créteil plutôt que la Tour Eiffel...

La skyline de Créteil plutôt que la Tour Eiffel, le port de Gennevilliers plutôt que le Pont Neuf : sur 130 km et 36 communes, un sentier de randonnée propose de découvrir la petite couronne autour de Paris pour rendre la banlieue plus attractive.

"D'ici, La Défense ressemble un peu à l'aspect qu'a Manhattan depuis Brooklyn. On se rend bien compte à quel point Paris est immense", s'enthousiasme Paul-Hervé Lavessière en haut de la butte d'Orgemont qui domine la vallée de la Seine à Argenteuil, dans le Val-d'Oise. Cet urbaniste de 27 ans a créé l'année dernière "la révolution de Paris", un itinéraire urbain ralliant Saint-Denis, Créteil et Versailles pour "en finir avec l'opposition Paris/banlieue".

Églises et mosquées, échangeurs autoroutiers, cités-jardins : il a choisi 689 lieux, fonctionnels ou chargés d'histoire, caractéristiques du paysage parisien. Sur Google Earth, il a repéré routes et petits passages pédestres permettant de les relier. "Grâce aux images satellites, je me suis rendu compte que ce territoire périurbain construit pour la bagnole et qui semble impénétrable à première vue est en fait très propice à la marche", explique t-il.

En 2013, il a arpenté son tracé, en a fait un livre qui fait office de guide d'un vrai parcours touristique ("La révolution de Partis, sentier métropolitain"). Sous le soleil d'automne, Paul-Hervé Lavessière trouve que le deuxième port fluvial européen, à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), a des petits airs de bord de mer. "Ce lieu, très utilitaire dans sa première utilisation, vaut aussi le coup d'être visité!"

"La banlieue prend sa revanche"
"Ce qu'on résume sous l'appellation banlieue est bien plus riche que ce que l'on pense", plaide aussi Baptiste Lanaspeze, éditeur de M. Lavessière, devant un gigantesque garage de bus RATP au rebut. "Ces rebuts, ces lieux de logistique, ça fait partie de ce qu'on appelle les coulisses de la ville. On a l'impression qu'en général les gens ne regardent que la scène et là on soulève le rideau de l'arrière-scène, on voit comment sont activées les choses."

Pour Jens Denissen, qui après avoir encadré des ballades dans Paris a cofondé à la rentrée un "Voyage métropolitain", circuit d'une quinzaine de kilomètres sur le territoire du Grand Paris, "il faut refaire découvrir ces espaces qui sont ignorés mais où sont produites énormément de choses". Cet étudiant en urbanisme prend l'exemple du bois en forêt de Meudon ou du blé dans la vallée de la Brie. "En racontant leur histoire, on attribue une signification et donc une reconnaissance à ces espaces. Sans ça, on crée des territoires à deux classes et ce n'est pas juste car la région parisienne est très riche", ajoute-t-il. Un second circuit est prévu entre Triel-sur-Seine (Yvelines) et Cergy (Val-d'Oise).

"La région parisienne a vécu une véritable mue ces 15 dernières années", analyse le géographe Frédéric Gilli, auteur de "Grand Paris, l'émergence d'une métropole". "Aujourd'hui, on observe les premiers affleurements de cette révolution. La banlieue prend sa revanche et commence à exister pour elle-même, par elle-même."

Un avis partagé par le collectif "Enlarge your Paris", un blog lancé en 2013 qui recense les lieux culturels actifs en banlieue pour "montrer qu'il y a une vie derrière le périph". "Quand on est banlieusard, c'est beaucoup plus facile de sortir à Paris car on sait ce qu'on va y trouver, on sait ce qu'il s'y passe", explique un de ses membres, Renaud Charles. Pour lui, "on est vraiment dans le déchiffrage, on est encore peu nombreux à parler de la banlieue de façon positive, cet imaginaire reste à construire".