Zaven et « la métamorphose du réel et de l’imaginaire »...

L'Académie libanaise des beaux-arts – Université de Balamand (Alba) organise une exposition des œuvres de Zaven, artiste sculpteur faisant partie de la première génération de diplômés de l'école des arts plastiques de l'Alba, une génération qui a renouvelé les langages picturaux à partir des années 1943, et à laquelle on doit la renaissance artistique au Liban au cours de la seconde moitié du XXe siècle.
L'inauguration a eu lieu avant-hier jeudi en présence du professeur André Bekhazi, doyen de l'Alba, et de nombreuses personnalités du monde socioculturel et artistique.
« Tout en reconnaissant l'importance des nouvelles tendances de l'art contemporain, Zaven adopte la manière qui convient le mieux à son tempérament. Il sait que la sculpture peut exprimer tout un monde dépassant les apparences, aussi ses œuvres tendent-elles à un mode d'expression où tout est ramené à la sensation personnelle, à une forme d'intuition qui transfigure les sujets », a déclaré le doyen Bekhazi dans son allocution. « Les réalisations de Zaven font référence à une interprétation dans la conception, obéissant à certaines règles, que l'artiste a lui-même trouvées et qu'il s'impose dans des structures arbitraires, dans la conception des volumes, exercices qui, pour d'autres, seraient fort risqués », a-t-il ajouté.
« La production de Zaven ne s'épuise pas dans une imagerie commune, mais continue à sonder un art, vers lequel il s'est tourné sans se leurrer et où l'on décèle un équilibre entre la raison et l'instinct, qui ne laisse pas de place aux malentendus. Il brise les barrières d'un mode de représentation traditionnel pour mieux retrouver l'unité d'une thématique et d'une expression strictement personnelles. Son art épouse les tenants d'un langage pictural, celui de la sculpture, et le porte à maturité », a conclu M. Bekhazi.

Entre idéal et vécu
Pour la directrice de l'école des arts visuels et la critique d'art Nicole Malhamé Harfouche, les diverses recherches que Zaven entreprend « se donnent la même fin, qui est l'expérimentation d'une technique et d'un langage plastique destinés, à travers le choix du matériau et la maîtrise du métier, à déboucher sur l'art. Cependant, il ne recherche pas uniquement les moyens techniques, mais il cherche plutôt à exprimer un monde artistique, à la fois mouvant et statique, en perpétuel devenir », relève-t-elle.
« Toutes ses œuvres résultent d'une recherche, à la fois poétique et symbolique, d'une réalité transposée, miroir des sentiments de l'artiste, des éléments et des êtres recréés. Son imagination se dépense dans la mise en valeur des spécificités du thème choisi, autant que dans la recherche d'un mode d'expression original. On dirait qu'ayant saisi dans les êtres et les éléments quelque chose au-delà de leur aspect réel, il concrétise spontanément ses visions et ses sentiments en formes et volumes, révélant ainsi une autre représentation du sujet en mettant en scène un espace pictural, qui suggère à la fois le réel et l'imaginaire, dans leur complémentarité, leur superposition et leur métamorphose », explique Mme Harfouche.
« Zaven éprouve une grande joie tactile, même sensuelle, à faire surgir une forme de la matière. Une parfaite maîtrise du métier permet, partout, un heureux équilibre entre l'analyse et la synthèse. Chacune des sculptures est empreinte de ce regard un peu visionnaire, qui décante le réel pour en restituer l'essence et le caractère particulier, un caractère librement interprété par un imaginaire, qui libère l'œuvre de la représentation des apparences », dit-elle encore.
« Tout en gardant l'idée d'ordre, de simplification et de stabilité, et tout en épousant la forme dans le volume, il cherche à participer à travers ses réalisations à ce qui donne sa réelle dimension intemporelle à toute œuvre d'art et parvient à imprimer à sa production un souffle nouveau tout en conférant à ses sculptures le charme très particulier d'une intense relation entre l'idéal de l'artiste et le vécu de l'homme. Il crée tout un monde immobile, dont la poésie se situe au cœur des problèmes actuels de l'art contemporain », affirme également la critique d'art.