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Liban

Hikmat el-Eid, disparition d’un symbole

Déjà affaibli, sur sa chaise roulante, en juin 2005, il avait quand même suivi le cortège funèbre pour dire adieu à son camarade Samir Kassir. Photos d'archives

Pire que la montée aux extrêmes, pire que la banalisation lente, horriblement doucereuse, obscène de la violence qui envahit fielleusement notre quotidien, reste sans doute cette succession de disparitions de personnalités symboliques, qui, l'une après l'autre, laissent derrière elles un vide incommensurable.


Certes, peu, en dehors des cercles militants, connaissaient Hikmat el-Eid. Pourtant, cet ancien cadre de l'Organisation de l'action communiste au Liban (OACL), un dur de Aïn Zhalta, était réputé pour sa pureté, sa droiture, sa cohérence, son courage. Un homme de principes comme l'on en rencontre en définitive bien peu au cours d'une vie.
Au début des années 2000, il s'était totalement investi, en dépit de la maladie de Charcot qui rongeait progressivement son corps, sans pourtant venir à bout de son esprit et de sa combativité, dans la bataille pour la deuxième indépendance du Liban visant à libérer le pays de l'occupation syrienne.


Hikmat el-Eid avait été, aux côtés de Habib Sadek, Nassir el-Assaad, Samir Kassir, Élias Atallah, Nadim Abdel Samad, Ziyad Majed et bien d'autres l'un des fondateurs du Forum démocratique, le pendant, à gauche, du Rassemblement de Kornet Chehwane, créé sous l'ombrelle du patriarche Nasrallah Sfeir et sous l'égide de l'évêque Youssef Béchara. Les deux courants, rejoints par Walid Joumblatt et, dans les coulisses, politiquement, par Rafic Hariri, avaient finalement donné naissance à « l'opposition plurielle », dans le cadre du Rassemblement du Bristol. Hikmat el-Eid était de tous ces combats. Il avait ainsi fait partie du comité de suivi de la bataille pour les libertés et contre la prorogation du mandat Lahoud, puis du Rassemblement du Bristol. En 2004, il avait fondé avec Atallah, Kassir, Majed, Abdel Samad et d'autres militants de gauche la fameuse Gauche démocratique, qui allait devenir la locomotive des manifestations de la place des Martyrs.


Mais la plus grande contribution politique et symbolique de Hikmat el-Eid à la deuxième indépendance du Liban restera sans doute ce magnifique instant de lucidité où il proposa le nom « d'intifada de l'indépendance » pour désigner la dynamique citoyenne souverainiste en marche. Une volonté de joindre ainsi d'opérer une réconciliation totale, par-delà ce qui restait des plaies de la guerre civile, entre les deux vieilles tendances ennemies, arabiste et libaniste, gauche et droite. Le résultat en fut le 14 mars 2005. Puis, en 2006, ravagé progressivement par la maladie, il était totalement rentré dans l'ombre, pour ne plus vraiment en sortir, lui qui était déjà d'une grande humilité.


Ce n'est pas Hikmat el-Eid qui a succombé à la maladie de Charcot. Lui est resté alerte, combatif, cohérent, pur et dur jusqu'au bout de son calvaire. C'est, encore une fois, le Liban tout entier qui, rongé par ses démons intérieurs, frappé par une dégénérescence similaire, qui s'enfonce immanquablement dans la médiocrité, l'immobilité, le coma.
Et, Dieu, combien s'en trouvera-t-il demain de Hikmat el-Eid pour l'en relever ?

Pire que la montée aux extrêmes, pire que la banalisation lente, horriblement doucereuse, obscène de la violence qui envahit fielleusement notre quotidien, reste sans doute cette succession de disparitions de personnalités symboliques, qui, l'une après l'autre, laissent derrière elles un vide incommensurable.
Certes, peu, en dehors des cercles militants, connaissaient Hikmat el-Eid....

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