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À La Une - Etats-Unis

Sécurité v. Religion: un prisonnier musulman doit-il se raser?

Un musulman prisonier Arkansas, aux Etats-Unis, réclame le droit de porter une barbe d'un centimètre

La Cour suprême des Etats-Unis s'est penchée mardi sur une affaire de barbe de trois jours. AFP/KAREN BLEIER

Un prisonnier musulman doit-il se raser par mesure de sécurité? La Cour suprême des Etats-Unis s'est penchée mardi sur une affaire de barbe de trois jours, au confluent entre liberté religieuse et politique carcérale.

Gregory Holt, alias Abdul Maalik Muhammad, purge une réclusion à perpétuité pour violence domestique dans une prison d'Arkansas (sud). Ce musulman réclame le droit de porter une barbe d'un centimètre, "compromis" selon lui entre la longue barbe que requiert sa religion et la barbe d'un demi-centimètre que les autorités pénitentiaires de l'Arkansas autorisent aux prisonniers souffrant de problèmes dermatologiques.


Quarante des cinquante Etats américains, ainsi que le gouvernement fédéral et la capitale Washington, permettent aux prisonniers de porter la barbe si leur foi le requiert, conformément au premier amendement de la Constitution qui protège la liberté de religion. Mais l'Arkansas rétorque qu'un prisonnier peut s'en servir "pour se déguiser" à des fins d'évasion et pour dissimuler toutes sortes d'objets dangereux ou interdits, comme des "fléchettes artisanales et d'autres armes", selon son argumentaire devant la haute Cour.


"Comment pouvez-vous cacher quelque chose dans une barbe d'un centimètre?", a demandé à l'audience, le juge Antonin Scalia. Si c'est "quelque chose de petit comme une carte SIM" ou une lame de rasoir, lui a rétorqué l'avocat de l'Arkansas, David Curran. "Donnez-lui un peigne, et s'il y a quelque chose (...) cela tombera", a renchéri le juge Samuel Alito, estimant que c'était plus facile de dissimuler un objet dans les cheveux.

 

"Une peur exagérée"
"Il n'y a pas un seul exemple d'objets dissimulés dans la barbe (d'un prisonnier) dans les 42 Etats" qui l'autorisent, a tranché le juge Stephen Breyer, "c'est une peur exagérée".


Pourtant, les autorités militaires américaines avaient ordonné que soit entièrement rasée l'épaisse barbe de Nidal Hasan, ancien psychiatre de l'armée converti à l'islam, incarcéré au Kansas après avoir été condamné à mort pour treize meurtres en 2009 sur la base militaire de Fort Hood au Texas.


"Bien sûr, une barbe est le meilleur moyen de changer son apparence", a poursuivi le juge Scalia. Et si Gregory Holt "s'évade, il peut raser sa barbe (...) mais alors prenons une photo avant qu'il fasse pousser sa barbe d'un centimètre", a-t-il proposé. "Nous ne sommes pas comme la Californie ou New York", a rétorqué le représentant de l'Arkansas, "nous n'avons pas de cellules, nous avons des baraques" et les prisonniers circulent entre les baraques et les champs, "nous n'avons pas les mêmes préoccupations de sécurité", a ajouté Me Curran, soulignant que les prisonniers pouvaient échanger leurs vêtements, leurs badges et des objets de contrebande.


Gregory Holt a reçu le soutien de nombre d'organisations religieuses et de défense des droits, comme la conférence des évêques catholiques, l'union orthodoxe, la puissante Union de défense des libertés, des groupes sikhs, hindous, juifs et musulmans, ou encore d'anciens gardiens de prison. Il est aussi soutenu par le gouvernement Obama qui voit dans la politique de l'Arkansas une "discrimination religieuse" et un "obstacle substantiel à l'exercice de la religion".


Son avocat Douglas Laycock a estimé que son client était "raisonnable" en demandant une barbe d'un demi-centimètre au lieu de "la vraie barbe enseignée par sa religion", mais "c'est mieux que rien", a-t-il dit. "En vertu de la loi fédérale, les responsables de la prison ne peuvent pas imposer des restrictions inutiles à la liberté religieuse", a déclaré Hanna Smith du Becket Fund for religious liberty, qui représente le plaignant. "Si les prisonniers abandonnent beaucoup de leurs droits à la porte de la prison, ils ne renoncent pas à leur droit fondamental de conscience".


Les neuf juges suprêmes, dont six sont catholiques et trois juifs, se sont récemment prononcés nettement en faveur de la liberté religieuse, dans une affaire de prière récitée en début de conseil municipal et dans le cas d'un employeur qui refusait, au nom de ses croyances, de payer l'assurance-maladie pour la contraception.
Dans ce cas encore, tout porte à croire que les arguments religieux l'emporteront sur les craintes sécuritaires. La décision est attendue avant juin.

Un prisonnier musulman doit-il se raser par mesure de sécurité? La Cour suprême des Etats-Unis s'est penchée mardi sur une affaire de barbe de trois jours, au confluent entre liberté religieuse et politique carcérale.
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