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Culture - Cimaises

L’éruptive parenthèse munichoise de Vassily Kandinsky

Une ville de charme, une passion avec une femme, un bouillonnant peintre de génie. Telle est la parenthèse munichoise de Vassily Kandinsky. On la retrouve aujourd'hui au cœur de la capitale bavaroise, au Musée Frantz von Lenbach, fraîchement restauré et flambant neuf.

« Red Spot II » 1921, de Kandinsky.

Comme un retour aux sources, comme un bijou calfeutré dans son fond de velours, les toiles du père de l'abstraction picturale sont rentrées dans leur écrin. De sa Russie natale et avant l'ultime séjour parisien, Vassily Kandinsky a trouvé le bonheur, le sens du combat, le pouvoir de métamorphose et l'inspiration sous le ciel de Munich et aussi, non très loin, à Murnau.
Aujourd'hui ces œuvres qui ont marqué leur temps et servi de charnière à un courant libre et libératoire dans l'histoire de la peinture moderne sont enserrées dans la villa de Frantz von Lenbach, au 33, Luisenstrasse de la capitale bavaroise. Une villa cossue avec jardin au tracé soigné et fontaines, transformée en musée regorgeant des trésors des toiles du XIXe siècle ainsi que le très riche embryon de ce qu'on devait plus tard appeler le groupe du Cavalier bleu, fondé en 1911.
On y trouve, sous fanion de caractères et personnalités diverses et affirmées, les noms de Kandinsky bien entendu mais aussi ceux d'Auguste Macke, Frantz Marc, Alex Jawlensky, Paul Klee et Gabriele Munter, la femme qui, d'élève à maîtresse, a partagé l'atelier et le lit du fondateur du mouvement expressionniste...
Et on retrouve à profusion la palette changeante, dans ses diverses étapes de transformation, avec ses violents coups de pinceau et ses revirements surprenants, d'un Kandinsky qui se laisse graduellement gagner par l'abstraction. Une abstraction lyrique de plus en plus intense. Comme pour couper les amarres avec un réalisme contraignant. Où non seulement l'imagination prend les rênes du pouvoir (celui de suggérer et de séduire !) mais où la couleur prend ses distances avec les formes. Pour traduire en termes perceptibles et tangibles cette immatérialité, cette musique intérieure qui hantait et obsédait l'artiste.
Ce n'est guère hasard si ses tableaux, dans leur étroite intimité avec l'univers des sons et des mélodies, ont pour titre Improvisation, Compositions ou Fugues... Schonberg, champion de l'expression atonale et sérielle, ne fut-il pas l'un de ses meilleurs amis ? Sans parler de ce tableau éloquent, fenêtre ouverte pour une exploration picturale nouvelle, où la musique occupe le cœur d'une toile avec piano à queue noire et public à l'affût des notes ? Jamais couleurs n'ont eu portée plus haute, plus enchanteresse et plus élégante !

La maison des Russes
Et tout est empreint et imbibé des paysages de Munich et de Murnau où la compagne du peintre, fille de bourgeois, a acheté un toit pour leur amour et qu'on désignait par la « maison des Russes ». Cette demeure entourée de verdure fut un peu la jumelle de Nohant où Sand recevait le gratin de l'intelligentsia européenne. Ici aussi, le couple, amants célèbres, turbulents acteurs de la scène sociale locale et infatigables voyageurs (Tunisie, Pays-Bas, Italie, France), transgressant les normes et le conservatisme, avait pour cercle d'amis les fins lettrés et rapins ultrarévolutionnaires allemands de l'époque...
Et Kandinsky de s'afficher en une centaine de tableaux (y compris la peinture sur verre dédiée aux images hagiographiques orthodoxes à la manière des couvents des popes. Salut saint Alexandre Nevsky !) aux murs du musée du mécène et portraitiste Frantz von Lenbach qui fixa à jamais, entre autres, les traits du superdynamique Otto von Bismarck...
Promenade impromptue entre ces paysages chargés de lumière, de douceurs fluviales, de fragrances printanières, de morsures hivernales, de langueurs automnales et de nonchalances de l'été. Du vrai romantisme pour celui qui en ces lieux devint féru de Goethe. Il ne faut pas oublier non plus que c'est aux bords de l'Isar que la technique de la réverbération des couleurs sur les verres fut découverte par Kandinsky ! Ce qui influença notablement son style et son approche du mélange et de la répartition des couleurs.
Moments de paix, d'espoir, de ferveur ou de prière (admirable de virtuosité cette huile de Saint Georges terrassant le dragon !) et d'euphorie transcrits sur toiles qui sont autant d'images tranquilles volées à l'éternité avant que ne tonnent les canons de la Première Guerre mondiale. Cette effroyable guerre qui stoppa net l'avant-gardisme pictural mais sépara les deux amoureux et fit jeter aux orties les œuvres de Kandinsky car considérées par les nazis comme dégénérées... Et que la fidèle et vigilante maîtresse, en les cachant dans une cave, sauva du naufrage, de la haine, de la destruction et de l'autodafé.
Si la nostalgie de la terre russe est évidente (entre autres, à travers ce Couple à cheval), la nature germanique y est magnifiée avec faste et tendresse. Du coup, l'artiste délaisse le folklore des habits et des coiffes des dames moscovites pour reprendre, en un flot débordant de tonalités vives et enflammées, la narration bucolique mais sans concession d'un univers munichois partagé entre vie rustique et émergence des zones industrielles et ouvrières.
Un pinceau faussement rêveur qui prend à son piège tous les instants d'une vie, comme dans le faisceau d'un prisme lumineux. Instants radieux, insouciants ou tout simplement laborieux.
Une palette unique et éruptive dans ses correspondances riches, pertinentes et secrètes. Avec un environnement toujours pris en chasse, toujours sous observation. Et qui sera la porte ouverte à un vocabulaire pictural inédit. En rompant en toute audace et tranquille témérité exploratoire les digues du formalisme conventionnel. Pour une peinture moderne contemporaine déstructurée et sans frontières...

Comme un retour aux sources, comme un bijou calfeutré dans son fond de velours, les toiles du père de l'abstraction picturale sont rentrées dans leur écrin. De sa Russie natale et avant l'ultime séjour parisien, Vassily Kandinsky a trouvé le bonheur, le sens du combat, le pouvoir de métamorphose et l'inspiration sous le ciel de Munich et aussi, non très loin, à...

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