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Moyen Orient et Monde - Le point

En attendant l’heure des comptes

Le chœur des cyniques : si l'an dernier Barack Obama a reculé au dernier instant devant l'obstacle de l'intervention musclée contre Bachar el-Assad, c'est parce que ses conseillers l'avaient mis en garde contre une telle entreprise, forcément de longue haleine, aux résultats rien moins qu'assurés, ce qui lui aurait valu l'opprobre de ses concitoyens, les quolibets des républicains et, dans l'histoire des États-Unis, une réputation (imméritée) de mauvais président.
Réponse du chœur des réalistes : fort bien, mais alors pourquoi lancer maintenant l'armada aéronavale américaine, soutenue par une quarantaine de nations et, lors des premières frappes en Syrie, secondée par cinq pays arabes ?
Explication de ceux à qui on ne la fait pas : le temps pour l'opération d'atteindre sa vitesse de croisière, l'Amérique sera en pleine campagne électorale, prélude à la prochaine présidentielle qui désignera le 58e locataire de la Maison-Blanche auquel échoira l'honneur peu enviable de réceptionner la patate chaude.
Mouais ! ... Plutôt spécieuse, l'argumentation, on en convient volontiers. Mais telle est la rumeur qui circule ces temps-ci dans les deux capitales proche-orientales concernées, Bagdad et Damas, les oppositions syriennes dites modérées n'étant pas les moins montées contre ce sauveur qui arrive trop tard et voudrait, claironne-t-il, limiter son action à quelques bombinettes, d'ailleurs dûment « téléphonées », ce qui permet à leurs récipiendaires d'opérer ce qu'en langage militaire on appelle un redéploiement des troupes.
Au plan politique aussi, tout pour l'heure indique que, à court et moyen terme, le chef de l'exécutif US semble avoir raté le coche. Comprendre : la reconnaissance de ceux qui s'attendaient à voir Bachar el-Assad recevoir son lot de missiles Tomahawk, avec à la clé un aller simple pour la destination de son choix – ou de celui de son éventuel hôte. On l'aurait deviné, dans le monde arabe, l'heure n'est pas aux grandes réjouissances mais plutôt aux regrets. Regret d'avoir fait confiance au (faux) idéalisme yankee. Regret d'avoir un peu trop vite oublié la sollicitude dont avait bénéficié jusqu'au bout l'Égyptien Hosni Moubarak. Regret de n'avoir pas compris que le terrible cafouillage irakien pourrait se reproduire ailleurs. Regret d'avoir négligé les leçons de l'après-Kadhafi. Arrêtons là l'énumération.
Les contorsions sémantiques (« no boots on the ground », mais plutôt un appui sans faille aux forces des deux pays concernés) cachent bien mal l'absence dans les interventions télévisées, les interviews aux médias papier et les nombreuses indiscrétions off the record de toute allusion à un changement de régime. Au lieu de quoi, l'Arabie saoudite et le Qatar, pour ne citer qu'eux, ont eu droit à un rappel appuyé des généreuses contributions de certains de leurs ressortissants aux mouvements de lutte contre les despotes en place, assorti d'un conseil : il est temps de passer à un combat qui ose dire son nom contre ceux-là qui dénaturent le vrai visage de l'islam.
Faudrait-il croire qu'à force de se pencher sur cette nouvelle question d'Orient, Barack Obama a fini par tomber dans la marmite et par choper le syndrome palestinien dont le principal symptôme consiste à être toujours en retard d'une solution ? Longtemps, Washington a atermoyé avant de se résoudre enfin à mettre les mains dans le cambouis. Aujourd'hui, il n'y trempe précautionneusement que le bout des doigts. Et il se résoudra à engager ses biffins quand l'entreprise de « daechisation » du pays de Cham aura été achevée. Dans un premier temps, on obéit aux ordres, le petit doigt sur la couture de la dichdacha. Dans un second temps, les ronchonneurs, du Golfe à l'océan, se font entendre, qui protestent contre la distinction ainsi faite entre les boys et les soldats arabes requis de croiser le fer avec leurs coreligionnaires. L'effet boomerang n'est pas loin et avec lui, bientôt, le sentiment d'avoir été floué au nom d'une improbable sécurité pour tous. Car rien ne dit qu'une fois accomplie la mission, chacun regagnera ses pénates pour constater que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Bien au contraire, c'est alors que sonnera l'heure des règlements de comptes aussi bien pour ceux qui s'étaient imaginés avoir sauvé leur fauteuil (ou leur trône) que pour le Vieux Continent et le Nouveau Monde qui verront refluer leurs citoyens, rescapés du grand naufrage d'un éphémère califat.
Il me plaît de croire que sir Arthur Neville Chamberlain – oui, l'homme de Munich – restera dans l'histoire pour avoir dit : « À la guerre, il n'y a pas de gagnants ; il n'y a que des perdants. »

Le chœur des cyniques : si l'an dernier Barack Obama a reculé au dernier instant devant l'obstacle de l'intervention musclée contre Bachar el-Assad, c'est parce que ses conseillers l'avaient mis en garde contre une telle entreprise, forcément de longue haleine, aux résultats rien moins qu'assurés, ce qui lui aurait valu l'opprobre de ses concitoyens, les quolibets des républicains et,...

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Logique imparable. Chapeau a Christian Merville.

George Sabat

15 h 22, le 25 septembre 2014

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Commentaires (1)

  • Logique imparable. Chapeau a Christian Merville.

    George Sabat

    15 h 22, le 25 septembre 2014

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