« Sa mort va changer le monde. »
Arthur Sotloff
James Foley. Steven Sotloff. Ali Sayyed. Et tous les autres. Les anonymes : sunnites, chiites, chrétiens. Agneaux silencieux sacrifiés par des bâtards-monstres, des aliens frétillant dans une transtemporalité sidérante, tantôt XIe siècle, sabre à la main, façon Hassan-i Sabbah, le chef des hachchachin, tantôt XXIe siècle, caméra Photo-Sonics au poignet, façon Michael Moore, le roi des docus-chocs, ces suppliciés hanteront pour très longtemps encore les cauchemars hallucinés non seulement de leurs familles, immédiatement amputées, elles aussi, de la moitié de leur âme, mais ceux, aussi, d'une planète entière, toutes races et toutes religions confondues, figée, stupéfiée, littéralement médusée par cette néobarbarie qui, finalement, est la plus archaïque, la plus originelle et la plus simple qui soit – la plus éloquente : la décapitation. Il n'est pas question de hiérarchie de la barbarie, pas question d'analyser la méthode, le fond, le pourquoi, mais juste le comment, la forme, l'image(-reine), la conscience collective de l'humanité : on est loin du raffinement immonde et luciférien des nazis, loin de la grossièreté bovine des gouvernements sionistes, loin des ceintures d'explosifs des kamikazes palestiniens ou arabes affamés de revanches, loin des génocides commandés par quelque tyran africain, loin des records d'un Mao, d'un Staline, d'un Ceaușescu, d'un Assad, d'un Pol Pot, etc. On est dans le sabre. L'épée.
Dans le primitif.
Il est tout à fait normal, donc, tout à fait légitime, que les parents des militaires libanais enlevés par les terroristes islamistes n'aient plus le moindre contrôle d'eux-mêmes ; normal et légitime qu'ils multiplient menaces et ultimatums ; normal et légitime qu'ils pissent sur les convenances, sur les usages ; normal et légitime qu'ils se foutent de savoir à qui ils s'adressent, au président de la Chambre, au Premier ministre, aux ministres, aux députés, aux patrons de leurs enfants, soldats ou membres des FSI, au secrétaire général du Hezbollah ; normal et légitime qu'ils ne voient plus, n'entendent plus : ils vivent le cauchemar en boucle. Sans pause. Sans répit. Sans respiration.
Des cauchemars, Jean Kahwagi doit en faire beaucoup depuis quelques jours. Le commandant en chef de l'armée libanaise n'est pas un bad guy. Il vaut même bien (bien) mieux que ses derniers prédécesseurs en date, Michel Sleiman excepté – bien sûr. Sauf qu'il s'est pris à rêver, comme tout maronite naturellement, de la première présidence, boosté par les destins Lahoud (tragique) et Sleiman (lumineux), contaminé par la mono-obsession Aoun. Mais il y a un problème, du moins au Liban : on ne peut pas gérer la troupe et faire de la politique en même temps. Si les soldats, ces boys prêts à tous les renoncements, ont été impeccables ces derniers mois, le directoire de l'armée a aligné les bourdes, notamment à l'encontre de la communauté sunnite, sans ressentir la moindre gêne, le plus petit état d'âme, à se mettre presque au service du Hezbollah. Mais tout cela n'est que détail(s), et si le général Kahwagi rêvait d'un Doha qui le catapulterait, comme Michel Sleiman en 2008, sur le trône en carton de Baabda, aujourd'hui, c'est terminé.
L'État islamique et ses satellites, Abou Bakr al-Baghdadi et tous ses sous-fifres, savent pertinemment à quel point le Liban est indispensable à l'épanouissement de leur feuille de route, au rayonnement de leur culture ; à quel point ce pays ex-message est un terreau hyperfertile, à tous les niveaux. Ils y ont semé la haine, la terreur, les larmes, convaincus qu'ils n'auront même pas à affronter l'évidence : une union sacrée des Libanais contre eux. Le takfirisme sunnite, neuf ans après l'assassinat de Rafic Hariri, n'aura fait que des victimes au Liban : tout le monde, toutes proportions gardées, de Ali Sayyed à Jean Kahwagi en passant par le Liban dans sa globalité, le vivre-ensemble, la politique, la morale, l'économique, le culturel, le quotidien...
Que des victimes et, quand on y (re)pense, un seul (petit) gagnant : le Hezbollah. Pour l'instant.
James Foley. Steven Sotloff. Ali Sayyed. Et tous les autres. Les anonymes : sunnites, chiites, chrétiens. Agneaux silencieux sacrifiés par des bâtards-monstres, des aliens frétillant dans une transtemporalité sidérante, tantôt XIe siècle, sabre à la main, façon Hassan-i Sabbah, le chef des hachchachin, tantôt XXIe siècle, caméra...
commentaires (5)
"Un seul (petit) gagnant : ce hézébbb. Pour l'instant." ! QUEL "GAIN" ? GAIN A "LA PYRRHUS", OUI !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
15 h 59, le 08 septembre 2014