Regis Duvignau/Reuters
Moins de cinq mois après avoir constitué un « gouvernement de combat », Manuel Valls a présenté hier la démission surprise de son équipe pour écarter Arnaud Montebourg, qui avait vivement critiqué samedi et dimanche la politique économique de François Hollande.
À la veille de l'annonce du nouveau gouvernement, prévue aujourd'hui en cours de journée, le ministre sortant de l'Économie a pris les devants en annonçant qu'il reprenait sa liberté. « Je soutiens évidemment un gouvernement avec lequel j'ai des désaccords », a également affirmé M. Montebourg, qui a reconnu ne pas avoir « prévu que les choses s'accélèrent de cette manière ». Le chantre de la démondialisation a aussi réaffirmé sa position face aux choix économiques de M. Hollande et de nouveau fustigé une austérité « inefficace », « absurde » et « injuste ». Sa collègue de la Culture Aurélie Filippetti ne fera également pas partie de la nouvelle équipe de M. Valls, et déclare dans une lettre ouverte au chef de l'État et au Premier ministre que « le débat qui a été ouvert sur la politique économique est salutaire et nécessaire ». Le ministre sortant de l'Éducation Benoît Hamon, autre figure de l'aile gauche du Parti socialiste, a lui aussi choisi de partir, par souci « d'honnêteté politique ». « Il aurait été incohérent, alors que j'ai exprimé un désaccord avec un point important de la politique économique et sociale du gouvernement, que je reste au gouvernement », a expliqué M. Hamon, qui a toutefois déclaré qu'il restait dans la majorité et souhaitait la réussite de la gauche pour faire face notamment à la montée du Front national.
En annonçant la démission du gouvernement, hier matin, François Hollande précisait dans un communiqué qu'il avait demandé à Manuel Valls de désigner « une équipe en cohérence avec les orientations qu'il a lui-même définies pour notre pays ». Le message à destination des contestataires, auxquels il faut ajouter la ministre de la Justice Christiane Taubira, était clair : cohésion ou démission.
On ignore pour l'heure les contours du futur gouvernement, mais le risque politique pour François Hollande et Manuel Valls est notable, car la marge de manœuvre de l'exécutif au Parlement, déjà faible, pourrait s'en trouver réduite. Ce remaniement – il s'agira du quatrième gouvernement de l'ère Hollande – intervient à quelques semaines des débats sur la loi de finances pour 2015 qui s'annonçaient déjà houleux en raison de la fronde menée par plusieurs députés PS. François Hollande et Manuel Valls, qui ont surpris par la rapidité de leur réaction, souhaitaient frapper fort pour adresser notamment un message de sérieux et de fermeté à l'Union européenne et à leurs partenaires allemands, copieusement étrillés par Arnaud Montebourg.
Pour Martial Foucault, directeur du Cevipof, l'initiative est sans précédent sous la Ve République. « François Hollande aura créé une nouveauté, parce qu'un ministre conduisant à la démission du gouvernement parce qu'il a parlé en dehors de la ligne gouvernementale, c'est vraiment la première fois. Habituellement, le ministre démissionne et on le remplace. »
Selon l'Élysée, la démission du gouvernement a fait l'objet d'un « consensus absolu » entre MM. Hollande et Valls. Le chef de l'État, d'apparence imperturbable, s'est en tout cas acquitté hier de ses engagements protocolaires sans un mot sur la crise, marquant sous une pluie diluvienne à l'île de Sein (Finistère) les 70 ans de la Libération.
Luc Chatel, secrétaire général de l'UMP par intérim, a de fait qualifié de « grave » « la crise politique ouverte par la démission du gouvernement ». Même constat pour le président du MoDem, François Bayrou, pour qui la France n'est « pas loin de la crise de régime », ainsi que pour Bruno Le Maire et Christian Estrosi (UMP).
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