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Mode - Le thème d’Hermès 2014

L’année de la métamorphose

Danseur soufi au cœur du cloître de l’abbaye du Mont-Saint-Michel.

« Maison de qualité », parce que le luxe ne correspond pas à ses valeurs, Hermès a pris l'habitude, depuis quelques années, de lancer chaque mois de janvier un thème auquel se conforment toutes les forces créatrices de la maison. Créateurs, concepteurs, fabricants, artisans, communicateurs, publicitaires creusent et développent une collection inspirée d'une même idée. En été, un événement à la fois ludique et surréaliste (Hermès se flatte d'avoir dans son ADN du sport et de l'imagination) vient couronner plusieurs mois dédiés à l'exploration de cette thématique. Après « Chic, le sport » en 2013, cette année 2014 était placée sous le vocable à la fois mystique et esthétique de la métamorphose. En janvier, un petit dépliant savoureusement illustré annonçait à travers un story-board inspiré de la mythologie le thème de la métamorphose. S'en est suivie une collection qui faisait la part belle à la luxuriance végétale, à la fusion de la femme et de la nature, aux couleurs des jungles et des déserts ; et où les matières les plus nobles s'échangeaient leurs textures, les cuirs empruntant la souplesse des soies et les tissus offrant des illusions de reliefs.
Pour le couronnement du thème de l'année, Hermès a organisé un événement mystérieux, tout en symboles et sortilèges, célébrant la vie en privilégiant une communion avec la nature et les astres. Au bout de quatre heures de train, un jour de grève quasi totale de la SNCF, la destination, restée inconnue des invités, se précise. On se rapproche du Mont-Saint-Michel que l'on atteindra en car, deux heures plus tard. L'ascension commence en direction de l'église abbatiale, près de 300 marches que l'on gravit allègrement, porté par les sonneurs bigoudens du Bagad Cap Caval et la musique tonifiante du folklore breton entre cornemuses, percussions et bombardes. L'esplanade de l'église est un enchantement en ce solstice d'été où le soleil, à 21h, non seulement refuse d'aller se coucher mais déploie sur l'immensité de la plage à marée basse une débauche de moires et d'extravagantes irisations. C'est là qu'entre en scène, sans encore se montrer, le chef Olivier Roellinger, magicien des épices qui a prévu un festival d'entrées à base de dolwen (pomme de terre bretonne), d'algues et de fruits de mer. Des métamorphoses du paysage en ce très long couchant, à la prodigieuse métamorphose des aliments par un alchimiste des saveurs, Hermès est encore loin d'avoir révélé toutes ses surprises. À l'entrée de l'église abbatiale, de toutes jeunes filles « vêtues de probité candide et de lin blanc » vous présentent de petits bols en céramique qu'il faudra garder pour plus tard. Pour l'heure, les Tenores sardes occupent l'abside où résonne leur chœur polyphonique aux confins du profane et du sacré, célébrant la beauté d'une culture pastorale universelle dans laquelle s'invite le chanteur Epi de Mongolie dont le chant Khöömii et le son de la vièle-cheval s'intègrent avec un naturel surprenant aux accents méditerranéens des premiers. De l'église, on se dirige vers le cloître, dans cette aile de l'abbaye si bien nommée « la Merveille ». Entouré de roses de damas et planté d'aromates et de plantes médicinales, le cloître est ouvert par trois côtés sur l'immensité de la mer. Au milieu du jardin danse un derviche tourneur qui célèbre à sa manière la beauté cosmique. Du cloître, toujours portant les bols, on s'engage dans le réfectoire où Roellinger va célébrer la métamorphose par un rituel initiatique. Les « fées » se dirigent vers les invités avec des brocs et leur versent un premier bouillon dit « de la naissance » : une eau pour laver son âme à base d'algues et de thé vert, et une pointe d'acidité. Pendant ce temps on assiste, au son du luth pipa de la virtuose Lingling Lu, à la prestation de Bian Lan de l'une des plus grandes écoles d'opéra du Sichuan qui pratique une danse caractérisée par une technique de changements de masques qui tient de la prestidigitation. Encore une métamorphose, tandis que Roellinger poursuit le service des bouillons avec les trois étapes de la vie qui suivent la naissance : après l'enfance et l'adolescence, l'âge adulte et enfin la maturité. Le lendemain, l'initiation se poursuivra sur la baie du Mont-Saint-Michel où l'on découvrira les métamorphoses de la terre, de la faune et de la flore quand l'eau se retire puis revient, sachant que cette région est celle où se déroulent les plus grandes marées d'Europe et que la mer y remonte, selon l'adage, à la vitesse d'un cheval au galop. Une image qui parle sans aucun doute à Hermès qui compte l'art équestre comme une composante essentielle de son identité. Dernière métamorphose, la chair des agneaux de prés salés repus de salicorne, récompense d'un spectaculaire barbecue après une longue marche sur la grève. C'est au cours de cette pause savoureuse que l'on apprend qu'il a plu tout le mois et que ces deux jours d'ensoleillement exceptionnels faisaient eux aussi partie des sortilèges d'Hermès. À Xavier Bailly, administrateur de l'abbaye du Mont-Saint-Michel et hôte de cet événement, qui expliquait que les signes gravés sur les dalles de l'esplanade étaient les signatures des compagnons maçons ayant contribué à la construction de l'édifice, Ménéhould du Chatelle, directrice du patrimoine culturel d'Hermès, confiait que les artisans de la maison ont eux aussi un poinçon secret qu'il leur arrive d'apposer sur certains articles. Cette conversation en apparence anodine achevait de donner une cohérence à cet événement qui plaçait Hermès au cœur de toutes les métamorphoses de l'homme et du monde en ce siècle de grandes transitions. Où l'on comprend aussi que la différence entre luxe et qualité, c'est ce supplément de culture autant que d'âme.

F.A.D.

« Maison de qualité », parce que le luxe ne correspond pas à ses valeurs, Hermès a pris l'habitude, depuis quelques années, de lancer chaque mois de janvier un thème auquel se conforment toutes les forces créatrices de la maison. Créateurs, concepteurs, fabricants, artisans, communicateurs, publicitaires creusent et développent une collection inspirée d'une même idée. En été, un...
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