Brusquement, et alors qu'il ne s'y attendait pas vraiment, le Liban s'est retrouvé plongé dans l'angoisse des attentats-suicide. À quatre jours d'intervalle, le pays a été secoué par l'explosion de deux voitures piégées, l'une à Dahr el-Baïdar et la seconde lundi soir à Tayyouné. En dépit des victimes tombées lors de ces attentats, les sources de sécurité libanaises précisent que le pire a quand même été évité. Jeudi dernier, au soir, les services de renseignements libanais ont reçu un message urgent de la part de leurs homologues américains et allemands dans lequel ceux-ci affirmaient avoir intercepté à partir de Mossoul un message attribué de l'EIIL dans lequel il aurait été question d'un « grand coup à Beyrouth ». Les services libanais ont pris très au sérieux l'information et le ministre de l'Intérieur a été averti.
Nouhad Machnouk s'est alors rendu à son bureau en pleine nuit pour suivre les développements et analyser les informations qui pouvaient suivre. Il a d'ailleurs lui-même appelé le président de la Chambre, Nabih Berry, à l'aube du vendredi pour lui demander de ne pas sortir de chez lui et surtout de reporter la conférence prévue le matin même à l'Unesco, consacrée aux maires et aux municipalités du Liban. La conférence devait réunir, en plus de M. Berry lui-même qui devait la présider, 1 500 maires et de nombreuses personnalités. Les services ont appris par la suite qu'un camion contenant 2 tonnes de matières explosives devait sauter devant le siège de l'Unesco. C'est la raison pour laquelle il a été demandé à M. Berry de rester chez lui. En même temps, les services n'avaient pas suffisamment d'éléments sur les éventuelles cibles de rechange. Ils ont donc immédiatement mis en place un dispositif de protection sommaire des casernes à Beyrouth, en fermant les routes d'accès à ces casernes lorsque les effectifs faisaient défaut. Parallèlement, ils ont effectué une vaste rafle dans des hôtels à Hamra, sur base d'informations faisant état de l'arrivée à Beyrouth d'extrémistes islamistes chargés d'accomplir les missions kamikazes. C'est ainsi que le Français de l'hôtel Napoléon a été arrêté, mais on ne sait pas encore si c'est lui qui devait conduire le fameux camion avec les tonnes d'explosifs. C'est donc au moment où les services libanais étaient mobilisés pour empêcher un attentat de gros calibre à Beyrouth qu'a eu lieu l'explosion de Dahr el-Baïdar, dont le kamikaze n'a pas encore été identifié, même si certaines sources précisent qu'il serait originaire de Ersal et serait le cousin d'un autre kamikaze qui s'était fait sauter dans un attentat dans la banlieue sud, il y a quelques mois. C'est aussi dans le même contexte qu'a eu lieu l'explosion de lundi soir à Tayyouné.
Les services de sécurité sont en état d'alerte permanent, mais les kamikazes et ceux qui les manipulent semblent aussi vouloir précipiter les choses. La question qui se pose dans ce cas est la suivante : pourquoi cette soudaine reprise des attentats, alors que la communauté internationale vient de réaffirmer à Rome son soutien à l'armée et à la stabilité du Liban ?
Les sources sécuritaires ne mettent pas en doute le sérieux de l'engagement de la communauté internationale envers la stabilité du Liban, mais elles ajoutent que les développements en Irak ont compliqué la situation arabe et régionale. Ces mêmes sources établissent un lien direct entre l'offensive de l'EIIL, aidée par l'armée Nackchbandi dont le chef proclamé est l'ancien numéro 2 de Saddam Hussein, Izzat el-Douri, et le soudain réveil des « cellules dormantes » au Liban, qui s'est d'ailleurs accompagné d'une effervescence à Tripoli, avec l'organisation de sit-in au cours desquels les drapeaux de Daech sont brandis ouvertement. Selon ces sources, le soudain réveil des groupes islamistes extrémistes au Liban serait dû essentiellement à deux facteurs : le premier est le sentiment de victoire éprouvé par ces groupes à la suite de l'avancée spectaculaire de l'EIIL en Irak. Ce sentiment les pousse en effet à vouloir profiter de l'occasion pour marquer des points au Liban en misant sur l'effet de surprise. Quant au second facteur, il concerne le Hezbollah. Ces groupes pensent en effet que c'est le moment de le mettre en difficulté sur le plan interne en augmentant les pressions sur son assise populaire, d'autant qu'avec les progrès de l'EIIL en Irak et le fait que l'Iran est désormais occupé à aider les forces gouvernementales irakiennes, le Hezbollah devrait augmenter ses effectifs en Syrie. Certaines analyses précisent ainsi qu'il y a de fortes possibilités que, pris par l'euphorie de la victoire, l'EIIL décide d'intensifier ses attaques contre le régime syrien, surtout qu'avec le contrôle des frontières entre la Syrie et l'Irak, ce mouvement peut désormais transporter vers ce pays les armes lourdes prises à l'armée irakienne. Le régime syrien pourrait donc avoir besoin d'un surplus d'aide de la part du Hezbollah.
Pour l'instant, rien n'indique que cette approche est réaliste et les nouvelles en provenance de Syrie continuent de donner l'avantage sur le terrain à l'armée syrienne, face à une opposition déchirée et peu crédible. Mais ce qui se confirme, par contre, c'est que les trois scènes, irakienne, syrienne et libanaise, sont plus que jamais liées et interdépendantes. Toute la bonne volonté du monde – et elle existe visiblement, à en croire les différentes déclarations d'appui à la stabilité du Liban – ne peut rien changer à cet état de choses, puisque les takfiristes eux-mêmes considèrent le Liban comme une partie intégrante et un passage obligé du califat qu'ils souhaitent construire et qui devrait s'étendre sur une partie de l'Irak et de la Syrie jusqu'à Akaba, en Jordanie, pour avoir un accès à la mer...
Liban - Éclairage
« Petites » explosions et grande catastrophe évitée de justesse...
OLJ / Par Scarlett HADDAD, le 25 juin 2014 à 01h44
Mauvais presage pour la region et surtout pour le Liban qui vont assister a des guerres et des divisions dans l'avenir proche...
12 h 45, le 25 juin 2014