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Moyen Orient et Monde - Le point

Cette lumière censée jaillir des ténèbres...

Avez-vous votre carte ? Pas la Bleue, pas celle du parti ou du Tendre. Non, la carte du nouveau Proche et Moyen-Orient tel que croient le voir politiques et politologues, héritiers du docteur Folamour jonglant avec la mappemonde ou des voyantes extralucides penchées sur leur boule de cristal. Crayon à la main, tout ce petit monde vous redessine avec une précision de géographe-chirurgien les contours de ce qui, à leurs dires, ne sont plus que des ex-États attendant que tombe le couperet de la Veuve.


Vendredi dernier, un éditorialiste américain, Ross Douthat, rappelait fort à propos que depuis 2006, le monde a eu droit à trois grandes interprétations au moins de « l'écriture sur le mur », œuvres respectivement de Ralph Peters, lieutenant-colonel à la retraite reconverti dans le journalisme, Jeffrey Goldberg du vénérable The Atlantic, Robin Wright enfin, experte en politique étrangère, dans un article publié dans le New York Time. La veille, Robert Fisk n'avait pu résister à l'envie d'y aller de son couplet annonciateur du big bang à venir, citations de Walid Joumblatt à l'appui. Et d'autres se sont essayés à ce périlleux exercice, avec plus ou moins de bonheur. Succès garanti à chaque fois, tant demeurent grande la gourmandise du public – voyez la gloire qu'en tire Leila Abdel Latif... – et minime le risque encouru. Car, sachez-le, le temps que la prédiction se réalise ou non, le roi sera dans l'au-delà, dit le dicton arabe, à moins que ce ne soit Geha qui aura disparu ou encore l'herbe, écrasée sous les pas des chevaux des nouveaux Huns.


L'après-Première Guerre mondiale avait été marquée par les drames des quatre frères hachémites dont l'erreur avait consisté à croire aux promesses de la perfide Albion. C'est ainsi que Ali, l'aîné des enfants de l'éphémère roi du Hedjaz, dut abandonner La Mecque et Médine à Abdel Aziz al-Saoud ; que Fayçal, renonçant au trône de Syrie, se rabattit sur Bagdad ; que Abdallah Ier reçut quelques arpents de ronces et de pierraille baptisés Transjordanie puis Jordanie ; que Zayed enfin obtint un vague titre et une plus vague ambassade.


Des décennies plus tard, un vaillant guerrier du nom de George W. Bush se mit en tête de refaire le monde arabe, et pour ce faire, s'adjoignit deux cerveaux qui, unis, n'en faisaient même pas un : Dick Cheney et Donald Rumsfeld. En avons-nous entendu alors des tirades sur le nouveau Proche-Orient, l'ère d'abondance, de paix, de fraternité qui allait s'ensuivre et dont on ne fait que commencer à entrevoir les bénéfiques retombées.


En se partageant pour le compte de leurs pays respectifs les dépouilles opimes de l'Empire ottoman, le Britannique Mark Sykes et le Français François Georges-Picot s'enorgueillissaient d'avoir bâti pour l'éternité un échafaudage qui, quelque branlant qu'il ait pu trop souvent sembler, tenait encore vaille que vaille. Il aura suffi de quelques hordes de fanatiques pour en menacer les assises. Pour autant, a-t-elle sonné, l'heure du grand chambardement ? L'affirmer reviendrait à prendre ses désirs (ou ses craintes) pour des réalités.
Ce n'est pas en trucidant quelques dizaines de soldats, victimes de l'absurde décision de J. Paul Bremer de « débaassifier » l'armée irakienne, tout autant que de la stupide politique de Nouri el-Maliki, que les nostalgiques du califat islamique vont voir leur Belle au bois dormant se réveiller de son sommeil plusieurs fois séculaire. Ce n'est pas en continuant de massacrer ses concitoyens que Bachar el-Assad peut espérer sauver son fauteuil. Ce n'est pas en se démenant pour préserver quelques puits de pétrole que l'Occident aidera les États arabes à se prémunir contre les dangers qui sont à leurs portes, qui sont déjà dans la demeure.
Tout comme la nature, les nations ont horreur du vide, surtout lorsqu'il a tendance à s'éterniser. Les bouleversements de ces dernières années, en balayant des régimes gangrenés, ont créé un appel d'air resté sans réponse. Iraniens, Saoudiens, Turcs et même Qataris n'ont pas résisté à la tentation de se mêler de ce qu'ils estiment les regarder de près. Dès lors, chacun se retrouve dans une bien curieuse position, ici allié d'un adversaire qu'il combat ailleurs, là opposé à celui qui fut longtemps ami. Tout comme l'Amérique qui s'en vint guerroyer en terre arabe au lendemain du 11-Septembre et refuse maintenant de nettoyer le gâchis qu'elle laisse derrière elle.


Mais revenons à nos professionnels de la clairvoyance. Gageons qu'ils seraient bien en peine de nous dire comment le mystérieux deus ex machina de cette re-création compte s'y prendre pour surmonter les difficultés qui se multiplient. Certainement pas en mettant ses pas dans ceux d'Abou-Bakr al-Baghdadi.

Avez-vous votre carte ? Pas la Bleue, pas celle du parti ou du Tendre. Non, la carte du nouveau Proche et Moyen-Orient tel que croient le voir politiques et politologues, héritiers du docteur Folamour jonglant avec la mappemonde ou des voyantes extralucides penchées sur leur boule de cristal. Crayon à la main, tout ce petit monde vous redessine avec une précision de géographe-chirurgien les...

commentaires (5)

DIEU DIT JADIS : QUE LA LUMIÈRE SOIT... ET LA LUMIÈRE FUT ! SATAN DIT AUJOURD'HUI : QUE LES TÉNÈBRES SOIENT... ET LES TÉNÈBRES SONT... ET TOMBENT ET OBSCURCISSENT LES CERVEAUX DES OBSCURCIS !!!

LA LIBRE EXPRESSION

16 h 48, le 17 juin 2014

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • DIEU DIT JADIS : QUE LA LUMIÈRE SOIT... ET LA LUMIÈRE FUT ! SATAN DIT AUJOURD'HUI : QUE LES TÉNÈBRES SOIENT... ET LES TÉNÈBRES SONT... ET TOMBENT ET OBSCURCISSENT LES CERVEAUX DES OBSCURCIS !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 48, le 17 juin 2014

  • Excellent et tres veridique!

    Michele Aoun

    16 h 01, le 17 juin 2014

  • Tres bel article, mais une si triste realite d' un monde nouveau depourvu d' humanisme!Oui cher M.Merville nous vivons dans un monde corrompu, un monde de guerres, de dominations, d’injustices, de destruction, de sang, de douleurs et de désespoir!!!!tres bien ecrit , merci de le dire si haut !

    Salibi Andree

    14 h 21, le 17 juin 2014

  • "Certainement pas en mettant ses pas dans ceux d'Abou-Bakr al-Baghdadi." ! Certes, mais de même, certainement pas en mettant ses pas dans ceux de ce héZébbb-là ni dans ceux de ce Khameneïî et de ce Roûhânî ; yîîîh ; que, "certainement", vous ne citez jamais comme "par hasard", yâ wäïylîîîh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 19, le 17 juin 2014

  • Excellentissime ! à copier et à garder pour l'éternité , parce que sera toujours d'actualité . C'est pas le plus important mais bush flanqué de 2 cervelles qui n'en font pas une , j'ajouterai même avec la sienne ...elle n'en font pas une....moitié.

    FRIK-A-FRAK

    11 h 32, le 17 juin 2014

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