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CD, DVD - Un peu plus de...

Happily ever after

Ceci est ma dernière volonté. Demain je ne serai plus. À partir de demain, je ne contrôlerai plus rien de ma propre vie. Pour une control freak plutôt psychorigide, les boules. À partir de demain, je ne serai plus là. Ni pour dire ce dont j'ai envie ni, surtout, pour énoncer ce que je ne veux pas. Ce que je ne veux vraiment vraiment pas. Je ne veux pas finir dans un tiroir. D'abord parce que je suis claustro, ensuite parce qu'un tiroir, ça craint. Déjà qu'une boîte, à part de nuit, ça ne me ressemble pas, alors le tiroir avec poignées en plaqué or, c'est pas vraiment ça. On passe sa vie à aimer la vie, à bouger, à ne jamais rester en place, si c'est pour finir immobilisée dans un cercueil intérieur velours bordeaux, maquillée par un croque-mort qui manie mieux les Crayolas que votre Russian Red lipstick, habillée comme lors d'une première communion qu'on n'a jamais faite d'ailleurs, non merci. Il ne manque plus que le photographe pour immortaliser (ce verbe n'aura jamais aussi bien porté son sens) le moment pour que toute cette mascarade ressemble à un mariage. Même le buffet avec crevettes et salade quinoa est là. Sauf que les serveurs qui officient ne sont pas les mêmes que lors des noces. Ceux-là, malheureusement vous les connaissez bien, à force de les voir à toutes les condoléances où vous avez été. Et ils sont probablement plus à leur place que tous les rapaces venus se lamenter sur votre sort, en bons social bitches qu'ils sont. C'est exactement ce que je ne veux pas. Je ne veux pas de cercueil, je ne veux pas d'oraison lue par quelqu'un qui ne me connaît ni d'Adam ni d'Ève. Je veux être vêtue comme Ève d'ailleurs. Sans rien. C'est comme ça qu'on arrive, c'est ainsi qu'on devrait partir. Alexandre Le Grand voulait que ses mains restent à l'air libre, se balançant hors de son cercueil à la vue de tous, parce que « les mains vides nous arrivons dans ce monde et les mains vides nous en repartons quand s'épuise pour nous le trésor le plus précieux de tous : le temps ». Pas de cercueil pour moi. Une urne biodégradable. Où on mettrait mes cendres avec au-dessus la graine d'un figuier blanc. Incinération, puis arbre. C'est de loin mieux qu'un casier dans un cimetière où je ne connais pas grand monde. C'est de loin mieux que de se trouver coincée pour l'éternité entre les tombes en marbre et autres stèles ostentatoires de gens qui pensent que la postérité s'inscrit dans un cercueil en chêne massif. Non, je veux qu'on vienne se recueillir au pied de mon arbre, qu'on mange des figues en pensant à moi. Qu'on sente le miel sucré sur ses lèvres. Je veux être arrosée et entretenue, fleurie, et voir mes feuilles s'envoler aux alentours de mon anniversaire. Mais avant ça, pas de cérémonie glauque, ni de noir, ni de corbeilles ou de couronnes de chrysanthèmes. Et surtout pas de speech où on vanterait mes qualités. Avec les défauts que j'ai, ce n'est sûrement pas saint Pierre qui m'accueillera les bras ouverts. On ne parle pas du bien qu'ont fait les gens. On le sent, on le sait. Ça suffit amplement. Pas de pathos, ni de mièvreries. Pas de faire-part. Il n'y aurait pas de place pour y mettre tous les gens que j'ai aimés et qui m'ont aimée. Pas d'annonce dans le journal. Ceux qui nous connaissaient savent bien qu'on a passé l'arme à gauche, les autres, on s'en fout. Pas d'hommage. Surtout pas. Pas d'épitaphe. Pas de corbillard non plus. Un vélo, une mobylette, un skate, à pied, à la nage, peu importe mais pas de corbillard. Ça pollue et c'est trop grand pour une mini-urne. Pas de condoléances. Pas de ces trois jours de mondanités. Pas de « dé3ana ». Juste un déjeuner sur l'herbe. Et sur la pelouse de ce figuier à venir, dans ce jardin, il y aurait du champagne, du Nutella, mes brownies et des frérij de chez Lala. On mangerait avec les doigts, trempés dans du toum, en écoutant des morceaux de Gainsbourg, de Bowie, de Bob Marley, de Sabah, d'Aeroplane. Il y aurait des photos de moi faisant la conne, avec mes potes. Riant à gorge déployée, exactement comme mes invités. Et puis, si on ne trouve pas de jardin où me laisser reposer, le choix est vaste, et aujourd'hui, tout est possible. Jetée dans la mer, transformée en diamant, cachée dans un pendentif ou lancée dans un grand feu d'artifice. Peu importe, c'est comme ça qu'on tire sa révérence. Adieu.

Ceci est ma dernière volonté. Demain je ne serai plus. À partir de demain, je ne contrôlerai plus rien de ma propre vie. Pour une control freak plutôt psychorigide, les boules. À partir de demain, je ne serai plus là. Ni pour dire ce dont j'ai envie ni, surtout, pour énoncer ce que je ne veux pas. Ce que je ne veux vraiment vraiment pas. Je ne veux pas finir dans un tiroir. D'abord parce...
commentaires (4)

Mais on refuse vos adieux! On voudrait toujours vous lire chaque samedi:) Toujours excellent Mme Azouri!

Michele Aoun

10 h 47, le 07 juin 2014

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Commentaires (4)

  • Mais on refuse vos adieux! On voudrait toujours vous lire chaque samedi:) Toujours excellent Mme Azouri!

    Michele Aoun

    10 h 47, le 07 juin 2014

  • EN SUIVANT VOTRE RÈGLE, CHÈRE MADAME, NOS ABRUTIS ÉLUS... PUISQUE VENUS "VIDES"... VONT PARTIR "VIDES" !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 10, le 07 juin 2014

  • La morosité s’est immiscée dans la vie de cette contrée comme le késchék dans ses "fins" mezzés. Des décennies de guerres confessionnelles et civiles pour sauver un pays ! Et le sentiment de lassitude qui flotte sur ses clochers et ses minarets. N’aurait-on désormais d’autre destin que la déprime ou la fuite dans ce mahjar-là, yâ hassértéhhh ? La tentation est grande de l’autre assommer, ou se recroqueviller et rêver de grands espaces sans miasmes locales, et de cieux dégagés. La nuit, on a envie de ne plus écouter ces 8 Martiens niais, tant ils désespèrent les Sains libanais avec leur satanée Malsanité. On n’est bien sûr pas les seuls dans cette contrée à être naufragés. D’autres sont eux aussi à la dérive. Depuis une 40aine d’années, vaisseau-amiral de l’intolérance, sœur-syrie vient de connaître un échange des plus pathétiques entre deux de ses bääSSyriens les plus exaltés. À la Bouthaïnah conseillant aux Syriens lucides de cavaler dans ce pays-ci ou en Scandinavie, l’instituteur gras a dit qu’il faudrait plutôt renvoyer les Sains syriens sunnites en Papouasie ! Gageons que Ghawwâr et Héssné-L-Barazâne trouveraient justement l’air de l’omeyyade Damas dangereusement vicié ces jours-ci. Et que dire du wéëééém Wéhhééébb et de ses libânneries connues et reconnues ? Ou des fricotages du Parti Communiste sûr Stalinien avec ces Post-fascistes ? Sans oublier Abou Äntâr. Khalîîîl Gébrâââne doit se demander, pourquoi diable il était né dans ce Kotor-conTrée libanais(h) !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    02 h 24, le 07 juin 2014

  • Classe, la Äzoûréhhh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    01 h 50, le 07 juin 2014

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