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Moyen Orient et Monde - Le point

Salutaire impatience

Bas les masques ! Promis, juré : maintenant que l'on a sacrifié au rituel du sempiternel wait and see, plus question d'échanger des menaces, de bouder, de poser des conditions rédhibitoires ou non, de ménager la chèvre militaire et le chou islamiste, au risque d'affamer l'un et de laisser intact l'autre. Dans les chancelleries et dans les salles de rédaction, nul n'a écarquillé les yeux, étonné de lire les premiers mots de la dépêche émanant de Washington : « Les États-Unis ont fait part mercredi de leur impatience à travailler avec le nouveau gouvernement du président égyptien Abdel Fattah el-Sissi. » Et comme il faut bien faire taire les mauvaises langues et éviter les ricanements, ce petit rajout, comme pour sacrifier aux traditions : « L'encourageant (le chef de l'État fraîchement élu) à procéder à une réforme des droits de l'homme. »


Mis à part les dindons de ce mauvais vaudeville (comprendre les Frères musulmans, mais eux, il faut les comprendre), ils sont légion ceux qui trouvent leur compte dans ce happy end rien moins qu'inattendu, les États arabes d'abord, chacun pour des raisons qui lui sont propres, tout autant qu'Israël qui craignait un retour à l'ère antérieure au traité de paix du 26 mars 1979. D'ailleurs, on voit mal comment les États-Unis pourraient tourner le dos à un allié qui leur aura coûté cher, c'est-à-dire, en quarante ans, des dizaines de milliards de dollars. Au passage, on relèvera qu'au plus fort de la crise entre les Ikhwane et les militaires, Washington ne s'est jamais laissé aller à qualifier la destitution de Mohammad Morsi de coup d'État, ce qui aurait eu pour effet de stopper net toute forme d'aide, notamment les 1,3 milliard de dollars annuellement, dont la majeure partie va à l'armée.


Passés inaperçu sur le moment, des signes avant-coureurs permettaient d'entrevoir un ciel sinon radieux, à tout le moins vierge de dangereux nuages. Il y eut d'abord le départ, fin août 2013, de l'ambassadrice US, Anne W. Patterson, soupçonnée par les Égyptiens d'être favorable à la confrérie islamique. Il y eut, en avril de l'année suivante, la visite dans la capitale fédérale du chef des services de renseignements, le général Mohammad Farid el-Tohamy, et ses entretiens avec John Kerry, puis celle de Nabil Fahmy, ministre des Affaires étrangères, reçu lui aussi par le chef de la diplomatie yankee et déclarant, à l'issue de la rencontre : « Nos rapports sont basés sur du solide ; il ne s'agit nullement d'une passade. »


Il est vrai que dans l'intervalle, le maréchal avait jugé nécessaire de taper du poing sur la table. Le 3 août 2013, alors que la chute du « premier-président-démocratiquement-élu » date d'un mois à peine, il s'en prend vivement à l'Amérique dans une interview au Washington Post. Petit florilège : « Vous avez tourné le dos aux Égyptiens et ils ne l'oublieront pas. » « Votre administration a beaucoup d'influence sur les Frères musulmans. Pourquoi ne pas en faire usage pour résoudre le conflit ? » Et à propos du report dans la livraison de quatre chasseurs F-16 : « Est-ce ainsi que l'on traite une armée loyale ? »


Il est clair qu'à Washington, on a mis quelque temps à comprendre la réalité de la situation sur le terrain. Le 24 juin 2012, Mohammad Morsi est élu par 13 230 131 voix, soit une proportion de 51,73 pour cent. Mais un an plus tard, ils sont 22 millions à signer une pétition réclamant son départ et hier, son tombeur récoltait 96,8 pour cent des voix exprimées pour une participation de 47 pour cent.


Aujourd'hui, quel langage le nouveau président tient-il à ses concitoyens ? « Il est temps de vous mettre au travail », leur dit-il, s'empressant de préciser qu'ils doivent le faire pour « restaurer la sécurité de la nation » et parce que « l'avenir étant une page blanche, il nous appartient d'y inscrire ce que nous voulons, à savoir : pain, liberté, dignité humaine, justice sociale », des slogans martelés lors du soulèvement contre Hosni Moubarak. En cela, il semble répondre à l'invite de la Maison-Blanche qui demande des réformes pour instaurer la justice et protéger les droits de chacun, après avoir constaté que la présidentielle s'est déroulée conformément à la loi égyptienne.


Abdel Fattah el-Sissi ne sera pas un partenaire commode, jugent certains. Peut-être pas commode, mais fidèle, oui. Les Égyptiens savent oublier. Bien entendu quand l'intérêt supérieur de la nation l'exige.

Bas les masques ! Promis, juré : maintenant que l'on a sacrifié au rituel du sempiternel wait and see, plus question d'échanger des menaces, de bouder, de poser des conditions rédhibitoires ou non, de ménager la chèvre militaire et le chou islamiste, au risque d'affamer l'un et de laisser intact l'autre. Dans les chancelleries et dans les salles de rédaction, nul n'a écarquillé les...
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