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Liban - Droits de l’homme

Une mémoire commune est-elle possible entre l’Arménie et la Turquie ?

Un colloque international s'est tenu à l'Université Saint-Joseph à l'initiative de la Fondation Boghossian sous le titre « Reconstruire le dialogue mémoriel : l'exemple turco-arménien ».

Une vue de l’assistance au colloque. Photo Michel Sayegh

Le lourd contentieux turco-arménien a fait l'objet d'un colloque international qui a été organisé par la Fondation Boghossian et l'Université Saint-Joseph. Il s'est tenu au Campus des sciences sociales de la rue Huvelin, en présence du catholicos des arméniens-catholiques, le patriarche Nersès Bedros XIX, du vice-recteur de l'USJ Michel Scheuer et de nombreuses personnalités, ainsi que d'un public passionné par la question. Une dizaine d'intervenants venus d'Europe, du Liban et de Turquie ont soulevé des questions sur la possibilité d'un dialogue entre l'Arménie et la Turquie, d'une mémoire à partager et d'une démarche reconstructive afin de tourner la page noire d'un crime toujours vivant.


Pour les Arméniens, toute démarche de réconciliation commence par la reconnaissance du génocide arménien par la Turquie. Ce qui n'est pas le cas actuellement devant une politique du déni confirmé par une amnésie sociale et même politique. « La communauté turque vit un traumatisme de la perte de l'Empire ottoman », souligne Ahmet Insel, maître de conférences à Paris I. Les Turcs vivent une nostalgie du système politico-religieux et social des millets où le millet musulman était supérieur aux autres.
Cette nostalgie ne conçoit pas jusqu'à nos jours une égalité entre un chrétien et un musulman, entre un juif et un orthodoxe, etc. Raison pour laquelle la société a du mal à vivre la notion même de différence, et son aspiration à l'homogénéité est très forte. Cette obsession est à la base d'une violence susceptible d'exploser à tout moment. Dans ce sens, le conférencier Ahmet Insel explique que cette violence est liée à une peur et à une sorte de refoulement de l'histoire basée sur plusieurs dénis : épuration ethnique qu'ont subie les Arméniens en Anatolie, saisie de leurs biens, massacres des grecs-orthodoxes, etc.

 

Facteurs de changement
Michel Marian, de la revue Esprit, a présenté les évolutions du problème arménien. Ces pas en avant commencent à se mettre en place au début du XXIe siècle, lorsque la Turquie cherche à s'ouvrir à l'Union européenne. On assiste à la fin du « tabou arménien » en Turquie de par son obligation de se conformer aux normes relatives aux droits de l'homme de l'Union européenne. Une reconnaissance internationale du génocide est obtenue par son entrée dans les manuels d'histoire.


En 2014, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a présenté ses condoléances aux petits-enfants des Arméniens, la veille du 24 avril, considéré comme étant la date anniversaire du début du drame arménien. Mais « cette déclaration fait aussi référence à une peine partagée et décrit la fin de l'Empire ottoman comme une période difficile pour les millions de citoyens ottomans, turcs, kurdes, arabes, arméniens et autres, quelle que soit leur religion ou leur origine ethnique », souligne Christine Babikian Assaf, doyenne de la faculté des Lettres de l'USJ.


Une évolution a lieu du côté arménien qui s'est manifestée par la décision de l'ouverture des frontières avec la Turquie et par l'unité nationale des Arméniens pour rendre hommage aux victimes du génocide et pour revendiquer sa reconnaissance par la Turquie. Mme Babikian a dressé la chronologie de cette union qui a commencé en 1945 lorsque la diaspora a soulevé ses revendications pour la première fois dans une lettre adressée à l'ONU pour faire pression sur la Turquie par le biais des instances internationales.
Les Arméniens ont élargi leur champ d'action à partir de la commémoration du cinquantenaire du génocide, en 1965, avec la fondation du Comité de défense de la cause arménienne. Et depuis la naissance de l'État arménien en 1991, les présidents arméniens successifs ont continué dans le même sens et ont placé cette cause en tête de l'agenda de leur politique étrangère.

 

Une réconciliation est-elle possible ?
Henry Laurens, historien et expert du Proche et du Moyen-Orient, a fait état de l'importance de la reconstruction d'une relation historique en montrant les limites du travail d'un historien.
M. Insel a mis l'accent sur l'importance d'une redéfinition de l'identité citoyenne turque. Ce problème est celui de toutes les communautés qui constituent la Turquie actuelle, dont la communauté kurde qui réclame d'être reconnue dans son identité. Cette nouvelle définition doit permettre une reconnaissance de l'ensemble des identités qui composent la société de la Turquie d'aujourd'hui : l'Arménien, le Grec, le Kurde, le juif, le musulman et l'Arabe ...


D'autre part, il est temps de designer les responsables du massacre. « Il faut apprendre aux ressortissants de la Turquie que la responsabilité du génocide n'est pas celle de la société », souligne M. Ahmet Insel. La responsabilité est celle des responsables de l'État qui étaient impliqués directement. La société est coupable d'avoir assisté, mais elle n'a pas accompli le crime. Et comme aujourd'hui ces crimes ne sont plus vivants et qu'on ne peut plus les juger au tribunal, il faut au moins ne pas les considérer comme héros, et débaptiser les écoles et les rues qui portent leurs noms.


Les médias internationaux ont contribué à mettre en relief la cause arménienne, mais le temps est venu que le travail se fasse dans la société de la Turquie d'aujourd'hui. Guillaume Perrier veut, à travers son livre La Turquie et le fantôme arménien, traduit et publié récemment en Turquie, que les Turcs apprennent leur histoire. Il confirme que tout le monde est responsable de la politique d'oubli et qu'actuellement, de plus en plus de citoyens turcs réclament la vérité.


Peut-on donc un jour pardonner ? Pour Ahmet Insel, la question n'est pas celle du pardon, bien qu'il soit nécessaire pour vivre ensemble, mais de la reconnaissance des faits ; le pardon est individuel, certains le font, d'autres non, c'est à la conscience de chacune et de chacun de le faire, mais la reconnaissance est collective.


François Dermange, professeur ordinaire d'éthique à la faculté de théologie à l'Université de Genève, souligne qu'une réconciliation ne se fait pas par une voie juridique et mémorielle, mais par le pardon qui doit avoir une source religieuse. « Seul le pardon peut répondre à l'impossible », estime-t-il en insistant sur le fait qu'il s'agit là d'un avis personnel.

Le lourd contentieux turco-arménien a fait l'objet d'un colloque international qui a été organisé par la Fondation Boghossian et l'Université Saint-Joseph. Il s'est tenu au Campus des sciences sociales de la rue Huvelin, en présence du catholicos des arméniens-catholiques, le patriarche Nersès Bedros XIX, du vice-recteur de l'USJ Michel Scheuer et de nombreuses personnalités, ainsi que...

commentaires (3)

Que la Turquie demande pardon et surtout qu'elle attende qu'on lui pardonne . Pas dire pardon , donc je m'arroge tous les droits de recommencer par exemple .. Parce que demander pardon ça implique quelques conséquences ! Pourquoi je dis ça ? parce que ça s'est vu chez nous au Liban , un pardon et hop ! je cherche à m'incruster .

FRIK-A-FRAK

13 h 21, le 22 mai 2014

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Commentaires (3)

  • Que la Turquie demande pardon et surtout qu'elle attende qu'on lui pardonne . Pas dire pardon , donc je m'arroge tous les droits de recommencer par exemple .. Parce que demander pardon ça implique quelques conséquences ! Pourquoi je dis ça ? parce que ça s'est vu chez nous au Liban , un pardon et hop ! je cherche à m'incruster .

    FRIK-A-FRAK

    13 h 21, le 22 mai 2014

  • QUE LE CRIMINEL CONFESSE SON CRIME ET DEMANDE LE PARDON DU PEUPLE ARMÉNIEN AVANT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 18, le 21 mai 2014

  • Qu'en est-il de cette "sorte de refoulement de l'histoire basée sur plusieurs dénis" : e.g., l'épuration ethnique qu'ont subie après 18, les Turcs en Grèce, dans les Balkans et en Bulgarie, saisie de leurs biens, massacres, etc. Basta !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    05 h 48, le 21 mai 2014

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