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Moyen Orient et Monde - Le point

La grande bouderie

Algériens, Algériennes, écoutez la voix de la raison, c'est Abdelmalek Sellal qui vous donne ce conseil empreint de sagesse. Le directeur de campagne de Abdelaziz Bouteflika a même lâché des bribes de promesse : s'il est élu aujourd'hui jeudi, le président de la République sortant amendera la Constitution, renforcera la démocratie, limitera le nombre de mandats présidentiels et donnera plus de pouvoir à l'opposition. Des assurances ? Une au moins, mais de taille, dit le brave dircam : le candidat se porte bien, malgré des faiblesses mineures, comme une difficulté d'élocution et des jambes flageolantes qui lui imposent de ne pas rester trop longtemps debout. La preuve qu'il va bien, c'est qu'il s'apprête à rempiler pour un quatrième mandat, après quinze ans de règne – pardon de présidence.


Sauf qu'il y a un problème, et de taille : le bon peuple ne veut plus prêter l'oreille à des engagements qui ne sont jamais tenus. Il est las de voir en place les mêmes têtes depuis quinze ans, incapables – que voulez-vous, l'appel du devoir... – de céder la place à plus jeunes ; désespéré face à un taux de chômage qui frôle dangereusement les 30 pour cent quand 80 pour cent des 37 millions d'hommes et de femmes du pays ont moins de 45 ans ; dégoûté de constater que la corruption demeure omniprésente. Faites semblant de ne pas la voir, lui murmure-t-on. Oui, mais ce n'est pas cela qui va arranger les choses.


Alors ce bon peuple se réfugie dans la seule possibilité qui lui reste de manifester son ras-le-bol : le boycottage de l'élection. Les chiffres donnent une idée de la montée de la colère, au fil des ans, dans les rangs de la masse : le taux de participation était de 79,76 pour cent au référendum de septembre 2005, il est descendu à 74,56 pour cent lors de la présidentielle d'avril 2009 et à 43,14 pour cent aux législatives de mai 2012.


Le pouvoir a beau rappeler le terrible souvenir des années quatre-vingt-dix et de leurs dizaines de milliers de morts (on parle de 200 000 victimes de la folie islamiste de l'époque), rien n'y fait, le semblant de catharsis a perdu de sa puissance. Et le président de son charisme.


Avec le ministre espagnol des Affaires étrangères, et avant celui-ci avec le chef du département d'État John Kerry, le président présentait l'image d'un homme de 77 ans diminué par l'accident cérébral qui lui avait valu, l'été dernier, trois mois d'hospitalisation en France. Dans un message répercuté par l'agence d'information nationale et adressé à ses concitoyens, il vient de les appeler à se rendre aux urnes pour accomplir leur devoir et à éviter ainsi de se mettre en marge de la nation.


Les rares initiatives du pouvoir ont eu pour effet inattendu de ressouder les rangs de l'opposition, aussi bien laïque qu'islamiste. Des manifestations, rares il est vrai, se sont tenues sans autre effet qu'un appel au calme lancé par l'ancien chef de gouvernement, Ahmad Ouyahia, pour qui « descendre dans la rue, c'est ouvrir les portes de l'enfer ». Parallèlement à ces timides frémissements, indice d'un malaise autant social que politique, il y a eu un communiqué signé par plusieurs officiers de haut rang, passés à la retraite, critiquant le chef de l'État pour sa décision de solliciter un quatrième mandat. Il y a eu aussi des groupes de journalistes du secteur privé qui ont pris la décision sans précédent de demeurer neutres dans la bataille en cours.


Les adversaires de Bouteflika savent bien que l'ennemi numéro un, c'est l'argent. Plus précisément la chkara (l'argent sale) qui permet à certains de financer leur campagne et dont il est difficile de cerner le cheminement, en raison des failles dans la loi électorale de 2012. Ce genre de fraude se double d'une corruption à grande échelle et à presque tous les niveaux, résultant de la circulation, hors des circuits traditionnels, d'énormes masses d'argent ou encore d'opérations d'une opacité qui suscite de sérieux doutes sur leur provenance.
Le site Algérie-Focus.com révélait le 11 avril que l'ancien wali d'Oran, Bachir Frik, avait publiquement reconnu sa participation à la fraude électorale, expliquant sur la chaîne privée Echorouk TV que tout au long de sa carrière, les autorités sécuritaires et militaires lui avaient intimé l'ordre de favoriser « le candidat du système ». Est-il nécessaire de préciser que les mêmes « instructions » étaient données aux autres walis à chaque fois qu'une consultation était organisée ?


Nul ne songerait donc à jeter la pierre à ces jeunes qui s'apprêtent à faire la grève du bulletin de vote. Quant aux candidats, ils sont au nombre de six, dont la démarche a été validée par le Conseil constitutionnel, ils apprécieront.

 

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