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Moyen Orient et Monde - Eclairage

Pouvoir apparent, pouvoir réel : qui dirige l’Algérie ?

A Annaba, dans l'est de l'Algérie, des partisans d'Abdelaziz Bouteflika, candidat à sa propre succession, à la présidentielle du 17 avril 2014. REUTERS/Louafi Larbi

Avec un président élu au suffrage universel, un Parlement bicaméral et un Conseil constitutionnel, l'Algérie présente la façade d'une démocratie. Mais le fonctionnement des institutions reste opaque en raison du rôle politique majeur de l'armée, hérité de la guerre d'indépendance.


L'ancien Premier ministre Sid Ahmad Ghozali, interrogé par le site TSA (Tout sur l'Algérie) sur les pouvoirs du président Abdelaziz Bouteflika, qui brigue un quatrième mandat, affirme qu'« en droit, il a des pouvoirs considérables », mais qu'« en fait, absolument pas ». Le rôle du Département du renseignement et de la sécurité du pays (DRS) a été mis en évidence depuis une charge spectaculaire et inédite contre son patron, le tout-puissant général Mohammad Mediène dit Toufik, en poste depuis 1990. Le secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), Amar Saadani, un soutien de M. Bouteflika, l'a appelé à ne plus s'ingérer dans les affaires politiques et à démissionner. Cette attaque a résonné comme un coup de tonnerre à Alger, où le général Toufik est désormais soupçonné d'être hostile à un nouveau mandat de M. Bouteflika, contrairement au chef d'état-major, le général Ahmad Gaïd-Salah.


Effet apparemment inattendu, la charge a soulevé un élan de solidarité avec le DRS, qui a été en première ligne dans la lutte contre les islamistes dans les années 1990. La presse a cru déceler le « clan présidentiel » derrière les attaques de
M. Saadani et a accusé M. Bouteflika, chef suprême des forces armées, de vouloir diviser l'institution. Mais ce dernier s'en est défendu en assurant que ces conflits étaient « fictifs ».

 

Emprise des militaires
C'est à l'appel de l'armée, engagée dans une guerre contre les extrémistes islamistes, que M. Bouteflika s'était présenté à la présidentielle de 1999, qu'il a remportée après le retrait de ses six adversaires dénonçant à l'avance une fraude en sa faveur. Une fois élu, il a annoncé une volonté d'affranchissement, prévenant qu'il ne serait ni un « trois quarts de président » ni « une garniture sur un dessert ». Depuis l'indépendance du pays, c'est en effet l'armée qui désigne directement ou fait élire le chef de l'État grâce à une « élection autoritaire », selon l'expression du sociologue Mohammad Hachemaoui, pour qui l'Algérie est dirigée par « un collège de prétoriens » agissant selon des « règles non écrites ». « L'opacité en tant que mode de fonctionnement puise ses racines dans l'histoire de la guerre de libération » (1954-1962), observe le politologue Karim Amellal. « Depuis 1962, chacune des facettes du pouvoir – apparent ou réel – a été plus ou moins visible. » Juriste et ancien doyen de la faculté de droit d'Alger, Madjid Benchikh explique que « le commandement militaire exerce une emprise forte sur l'ensemble du système politique, économique et social ». « En choisissant le chef de l'État, il domine tout le système institutionnel et administratif », insiste-t-il. Mais « la présidence n'a jamais perdu son autorité », tente de rectifier Ahmad Ouyahia, directeur de cabinet du chef de l'État, plusieurs fois Premier ministre. « Depuis que Bouteflika est élu, il est président à 100 % » et « dire que l'armée décide est un mensonge ».

 

 

 

Le tout-puissant DRS
Le DRS tient sa puissance surtout du pouvoir de nommer aux fonctions de l'État. « Organe de l'armée, il a plus qu'un mot à dire dans la nomination de la plupart des responsables. Dès lors, ils n'agissent ou ne peuvent agir que dans le cadre du système d'allégeance au commandement militaire et à son DRS », dit M. Benchikh. « Cela (...) concerne tous les fonctionnaires de l'État, du plus haut de l'échelle, du président de la République, jusqu'au chef de "daïra" (sous-préfet) et même en dessous. Personne ne peut être nommé sans l'accord des services », confirme M. Ghozali. Grâce à ce dispositif, abonde Mohammad Hachemaoui, le DRS « couvre tous les champs d'intervention de l'État, de l'armée à la Banque centrale en passant par les Affaires étrangères, les Affaires religieuses et l'Information ». « Le mode d'intervention de la police politique (...) consiste, plus en amont, à préempter les pouvoirs publics », dit-il, allant jusqu'à prêter au renseignement « la création de partis de l'opposition, de journaux indépendants et d'associations de la société civile ».

 

 

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