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Culture - Création

Homme d’acier, Richard Serra sculpte le désert !

Au pays du « toujours plus », il fallait un Richard Serra, « sculpteur monumental », pour se mesurer au désert. C'est en grandes pompes que le célèbre artiste américain a inauguré récemment au Qatar sa dernière œuvre : « East-West/West-East », une installation s'étendant sur un corridor d'un kilomètre en plein cœur de la réserve naturelle de Brouq.

En plein cœur du désert une installation d’acier d’une aura prodigieuse.

Homme et sculpteur d'acier, Richard Serra n'est pas vraiment un artiste qui travaille sur commande. C'est, du moins, le message qu'il a voulu faire passer lors de la conférence de presse qu'il a donnée au lendemain de l'inauguration d' East-West/West-East, l'installation géante qu'il a conçue en plein cœur du désert qatari, à une soixantaine de kilomètres de Doha. «Quand cheikha al-Mayyasa bint Hamad al-Thani (sœur de l'émir et personnalité influente dans le monde de l'art contemporain, à la tête de l'Autorité des musées du Qatar – QMA), m'a proposé de réaliser une œuvre dans ce site, j'ai commencé par lui répondre que je n'avais aucun désir de désert. Puis, j'ai été y faire un tour et j'ai aimé ce paysage qui a capturé mon imagination», racontera-t-il aux représentants des médias venus couvrir cet événement.


L'artiste, reconnu mondialement comme l'un des représentants les plus importants de la sculpture américaine, monumentale et d'un épurement extrême, est traité comme un roi à Qatar. L'émirat – qui aspire à devenir l'une des places centrales de l'art contemporain dans la région (voire au-delà) et qui met en œuvre ses très larges moyens financiers pour développer une infrastructure en ce sens – a déjà fait appel à Serra pour ériger, en 2011, dans le parc du MIA (Musée des arts islamiques), une œuvre impressionnante de 24 mètres de hauteur (la plus haute qu'il ait jamais réalisée) baptisée 7. Et dont la «silhouette», inspirée d'un minaret en Afghanistan, est composée de sept immenses plaques d'acier disposées de manière à former en leur extrémité supérieure une ouverture hexagonale.


Cette fois, avec East-West/ West-East, l'installation formée de quatre immenses plaques d'acier (fabriquées dans une aciérie allemande) disposées sur un corridor d'un kilomètre en plein désert, c'est une «expérience différente de la sculpture» qu'il propose aux Qataris. «Quelque chose qui agisse sur le paysage comme les dolmens (en fait, plus précisément, les monolithes) en provoquant interrogations, fascination et une perception nouvelle du lieu», confie-t-il à L'Orient-Le Jour.

 

Monolithes contemporains à la tension brute
Érigées au cœur de ce plateau de gypse formé au cours des siècles par le retrait de la mer, les quatre plaques d'acier d'environ 15 mètres de hauteur chacune (en réalité deux d'entre elles sont de 14,7 et 16,7 m) se dressent dans ce site aussi vieux que le temps comme d'immenses piliers, tours ou monolithes donc du XXIe siècle, sculptant par leur seule présence ce paysage horizontal. Richard Serra, qui affirme considérer «l'espace comme (son) premier matériau», indique avoir, en l'occurrence, travaillé durant un an et demi sur la topographie du terrain avant de choisir l'emplacement exact de «ces plaques qui, ainsi alignées au même niveau, connectent d'une certaine façon les mers situées à l'est et à l'ouest de ce paysage». Mais surtout ces pièces verticales «marquent» le désert en y introduisant un point de référence. «Leur présence vous fait ressentir l'immensité, l'infinité, l'éternité, l'aura de ce lieu», soutient le sculpteur qui avait, jusque-là, toujours privilégié les interventions urbaines.
Cet artiste de 74 ans, dont l'œuvre entière témoigne d'une réflexion «acérée» (tout comme sa répartie peut l'être aussi quand on lui pose des questions gênantes!) sur la nature physique de l'espace, le passage et la «matière» du temps, assure considérer cette installation d'envergure comme son «plus grand accomplissement». Et espère qu'elle puisse être appréciée par le plus grand nombre malgré son accessibilité difficile.

 

« Passage of Time », sculpture monumentale en acier (2012).

 

 

Équilibre, poids, masse et gravité
Parallèlement à cette inauguration, deux expositions organisées (par l'Autorité des musées de Qatar et le curateur Alfred Pacquement, directeur honoraire du Musée national d'art moderne, Centre Pompidou, Paris) dans deux espaces-phares de la ville offrent une vue d'ensemble de l'œuvre à la tension brute de cet artiste de plomb et d'acier.
À la QMA Gallery de Katara, quelques pièces forment une rétrospective survolant près d'une cinquantaine d'années de production sculpturale reposant sur les notions «d'équilibre, de poids, de masse et de gravité», indique le curateur. Lequel fait, par ailleurs, remarquer que «malgré un protocole de travail se réduisant à des plaques de plomb (pour les maquettes et les œuvres de dimension moyenne) et d'acier (pour les pièces plus monumentales nécessitant une matière d'une résistance implacable), Serra arrive toujours à créer des œuvres non oppressantes et aux configurations variées». Des pièces qui ont renouvelé le langage de la sculpture abstraite depuis le cubique House of Cards réalisée en 1969 avec quatre plaques de plomb de 121,9 x 121,9 x 2,5 cm (prêtée par le Musée d'art moderne de New York) au circulaire Double Torqued Ellipse III de 1999 en acier trempé de 4,3 x 10,4 x 9,1 m (prêtée par le Guggenheim de Bilbao) et dont l'une des caractéristiques majeures est qu'elles sont simplement «posées» sur le sol sans soudage ni piliers, leurs parois se soutenant l'une l'autre par un savant calcul des points de rencontre ou des courbures des plaques!

 

 

« 7 », sa plus haute sculpture jusqu'à ce jour !


Une spécificité que l'on retrouve également dans le très vaste espace d'exposition al-Riwaq occupé exclusivement par le gigantesque Passage of Time, sculpture sinueuse et ondulante, réalisée en 2012, composée de deux minces lames (5,1 cm d'épaisseur) d'acier trempé, de 66,5 m de long et 4 m de hauteur, placées parallèlement et qu'il faut parcourir de l'intérieur autant qu'appréhender de l'extérieur pour ressentir la «"physicalité" de l'espace ainsi que la subjective expérience du temps et de la durée qu'elle offre», comme l'explique son concepteur mettant, comme toujours, l'accent sur le dialogue entre l'œuvre, le spectateur et l'environnement où elle est placée.
Entre expositions (qui se tiennent jusqu'au 6 juillet) et commandes publiques, Qatar offre ainsi aux «adorateurs» de Richard Serra un parcours représentatif de l'évolution de l'œuvre de ce géant de la sculpture contemporaine. Et s'offre l'image de marque d'un émirat mécène promoteur d'une scène artistique de très haute qualité!

 

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Homme et sculpteur d'acier, Richard Serra n'est pas vraiment un artiste qui travaille sur commande. C'est, du moins, le message qu'il a voulu faire passer lors de la conférence de presse qu'il a donnée au lendemain de l'inauguration d' East-West/West-East, l'installation géante qu'il a conçue en plein cœur du désert qatari, à une soixantaine de kilomètres de Doha. «Quand cheikha...

commentaires (1)

Folie d'acier des pays arabes qui ne savent plus quoi faire de leur argent pour penser à meubler le désert.

Sabbagha Antoine

14 h 41, le 15 avril 2014

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Commentaires (1)

  • Folie d'acier des pays arabes qui ne savent plus quoi faire de leur argent pour penser à meubler le désert.

    Sabbagha Antoine

    14 h 41, le 15 avril 2014

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