« Le viol comme arme de guerre économise l'extermination totale
parfois difficile à gérer et à cacher dans les guerres contemporaines. »
Véronique Nahoum-Grappe, anthropologue
C'était quand, la première fois ? La première fois qu'elle a pleuré en lisant un article? La première fois, c'était quand elle lisait du papier, quand elle était étudiante. Le temps où elle lisait Le Monde tous les jours. Remarque, aujourd'hui, elle le lit tous les jours aussi.
Oui, c'était un article du Monde. Était-ce un samedi ? Lecture paresseuse un samedi matin au lit. L'édition de la veille. 1995 ? Oui, c'était un samedi.
Mais ce n'était pas un article dans le sens strict du terme. C'était une tribune. Écrite par qui ? Une femme. Une activiste ? Une juriste ? Une femme en tout cas. Elle a oublié son nom, le titre de la tribune aussi. Pas le thème du papier. Elle n'a pas oublié. Elle aurait aimé.
Cet article, elle l'avait découpé, archivé puis égaré au gré d'un énième déménagement. Le chercher sur Internet ? Il y a eu tant d'articles sur le viol comme arme de guerre en Bosnie-Herzégovine...
La Bosnie, tournant dans l'histoire du viol arme de destruction massive. Tournant parce qu'en Europe, au XXIe siècle, à la télé.
Un tournant qui n'a pas empêché la récidive.
Rwanda : « Une nouvelle génération d'enfants va naître dans les mois qui viennent, issue des viols qui ont eu lieu de manière systématique pendant les massacres. Telle cette adolescente de quatorze ans, violée chaque jour pendant deux mois par vingt soldats et aujourd'hui murée dans le silence. » (Le Monde, 25/12/1994)
RDCongo : « On viole en République démocratique du Congo (RDC). Des femmes, de petites filles et depuis peu des bébés. On viole collectivement, en public, pour démolir et pour terroriser. Pendant des jours, parfois pendant des mois, avant de tirer une balle dans les vagins ou de les lacérer à coups de lame de rasoir, de les remplir de sel, de caoutchouc brûlé ou de soude caustique, d'y déverser du fuel et d'y mettre le feu. » (Le Monde, 08/05/2013)
Libye : « "Il y avait des appareils d'électrocution, des fers, des cordes qui pendaient au plafond. Un corridor menait à de nombreuses cellules, envahies par l'eau et les excréments. Les trois premières étaient remplies de femmes entièrement nues. Une autre hébergeait une quinzaine de jeunes enfants, également nus. Dans d'autres enfin, il y avait des hommes. Certains n'avaient pas vu le jour depuis trente ans." Tous, disait-il, avaient été violés. » (Le Monde, 14/11/2013)
Le viol en temps de guerre, punition personnelle et collective, bombe à retardement, à fragmentation, sale.
2014, elle lit toujours Le Monde. Elle le lit tous les jours, mais sur écran, l'édition abonnés.
Syrie : « J'ai tout eu ! Les coups, le fouet avec des câbles d'acier, les mégots de cigarette dans le cou, les lames de rasoir sur le corps, l'électricité dans le vagin. J'ai été violée – les yeux bandés – chaque jour par plusieurs hommes qui puaient l'alcool et obéissaient aux instructions de leur chef, toujours présent. Ils criaient : "Tu voulais la liberté ? Eh bien, la voilà !" » (Le Monde, 04/03/2014)
C'était quand, la première fois ? La première fois qu'elle a pleuré en lisant un article? La première fois, c'était quand elle lisait du papier, quand elle était étudiante. Le temps où elle lisait Le...
Il est établi depuis des siècles que le plus grand prédateur sur terre est l'homme et lorsque son côté animalier remonte dans ses veines, personne ni rien ne peut le retenir. Quant aux victimes, plus elles sont faibles, plus il en est friand. Au XXIe siècle rien ne change dans ce domaine, malgré une soit disant éducation !!!
14 h 57, le 07 mars 2014