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L’aridité galopante au Liban, un phénomène irréversible ? - Ressources

L’aridité galopante au Liban, un phénomène irréversible ?

Une étude réalisée par un groupe de chercheurs libanais et publiée aux éditions médicales et scientifiques John Libbey Eurotext, numéro 3, sous le titre « Beyrouth face à l'aridification du climat », met en relief la gravité de la pénurie hydrique qui risque à moyen terme de s'aggraver. « L'Orient-Le Jour » publie des extraits de cette étude.

Le niveau du lac Qaraoun va dramatiquement baisser cet été, si la sécheresse qui a prévalu cet hiver se poursuit. Photo Saïd Maalaoui

Le Liban commence à subir les conséquences de l'évolution climatique qui touche le Proche et le Moyen-Orient : la désertification s'étend, la saison sèche s'allonge, le régime pluviométrique est modifié, les températures s'élèvent de manière significative. Or, jusqu'à présent, aucune politique de gestion n'a réellement été mise en œuvre pour répondre à de telles contraintes. Bien au contraire, on assiste au développement des initiatives privées qui accentuent la pression anthropique sur les ressources : l'urbanisation se densifie, verticalement aussi bien qu'horizontalement, les puits illégaux prolifèrent pour pallier la pénurie hydrique, la ville est asphyxiée par la circulation automobile... Finalement, on est en présence de signes avant-coureurs de l'aridification du climat qui, conjugués à l'absence de gestion de l'environnement, sont susceptibles de mettre en péril, notamment du point de vue hydrique, la situation jusqu'ici privilégiée du Liban au sein des milieux arides ou semi-arides.

 

Présentation de Beyrouth
La situation de Beyrouth en bord de mer et sa topographie très particulière jouent un rôle essentiel dans différents paramètres climatiques : détournement des masses d'air, ensoleillement (Blanchet, 1965)... À titre d'exemple, la ville est soumise à des vents thermiques, comme les brises de mer et de terre, ainsi qu'aux brises dues à l'effet de pente. Certains quartiers, tels que les versants « sous le vent », peuvent constituer des secteurs d'accumulation de la pollution – et d'autres, des zones de dispersion.


(...) Depuis plus d'un demi-siècle, la ville enregistre des transformations morphologiques qui se traduisent par le façonnement d'un tissu urbain dont les caractéristiques contribuent à la dégradation de l'environnement. Une étude de la morphodynamique du bâti beyrouthin, entre 1956 et 2012, à l'échelle d'une maille de 250×250 m, a été réalisée par analyse d'images issues de l'interprétation de photographies aériennes prises à des dates successives – 1956, 1972 et 1999 – (Zaarour et al., 2008), ou de l'extraction de données à partir d'une image satellite de Beyrouth de 2009, ainsi que de l'utilisation de la couche du bâti de 2009 au moyen des Systèmes d'information géographique (SIG). Cette étude révèle une tendance croissante à la densification horizontale et verticale, laissant peu de place aux espaces verts devenus rarissimes.
(...) Cette urbanisation anarchique, qui ne tient pas compte du contexte physique dans lequel se situe Beyrouth (recharge en eau, capacité maximale d'alimentation, caractéristiques topographiques et climatiques...), ne peut être sans conséquences sur l'environnement.

 

Le climat et son évolution
Par sa position en latitude et sa proximité des grands déserts d'Arabie et d'Afrique du Nord, Beyrouth est largement exposée aux influences climatiques de ces régions arides. Cela est particulièrement le cas en été où le Moyen-Orient, sous la branche subsidente de la cellule de Hadley, se trouve inclus dans le système aérologique des hautes pressions subtropicales qui empêchent toute ascendance et provoquent une sécheresse absolue de juin à septembre. En hiver, au contraire, la région est majoritairement soumise à une circulation d'ouest, matérialisée par le jet-stream subtropical. Aussi, les cumuls pluviométriques annuels se concentrent-ils sur les huit mois de la saison pluvieuse, les maxima étant enregistrés en janvier et février (Blanchet, 1965).


La topographie induit en outre une forte variabilité spatiale des températures et des précipitations. Ces dernières diminuent, à la fois, au fur et à mesure que l'on va vers l'est et selon un gradient nord-sud. La région intérieure du Liban est affectée par la faible quantité de pluie qu'elle reçoit (en moyenne 300 mm/an pour le Hermel, au nord de la Békaa [Traboulsi, 2010]) et par l'intensité des influences sèches du désert. En fait, les vents d'ouest chargés en humidité et qui amènent les précipitations ont déjà perdu, par effet de foehn, une bonne part de leur potentiel pluviogène en traversant les barrières montagneuses du Mont-Liban et de l'Anti-Liban. Cette situation pluviométrique complexe se complique encore par une grande variabilité interannuelle, qui rend les ressources hydriques hautement vulnérables, dans une région où le manque d'eau se fait cruellement sentir.


(...) Différents signes laissent aujourd'hui supposer une tendance à l'aridification (Traboulsi, 2004). Une recherche, portant sur l'évolution pluviométrique et thermique dans 32 stations météorologiques du Moyen-Orient sur la période 1964-2004 (el-Ess, 2012), a ainsi débouché sur les résultats suivants :


– Du point de vue thermique, la tendance est nette. La température moyenne a augmenté de manière significative dans toutes les stations de la région, qu'elles soient urbaines ou rurales (figure 5), la hausse moyenne étant de l'ordre de 2°C. Mais sans constituer un cas isolé, Beyrouth aurait enregistré une élévation thermique de 4°C, soit un excédent de + 2°C par rapport à la moyenne de l'espace pris en compte. L'hypothèse paraît dès lors vraisemblable que le fort réchauffement enregistré par la capitale libanaise résulte de la surimposition d'un phénomène local (présence d'un îlot de chaleur urbain) à une tendance climatique d'échelle macrorégionale.


– Les résultats restent plus mitigés en ce qui concerne la pluviométrie (Traboulsi, 2004). L'étude saisonnière régionalisée de la pluie au Moyen-Orient, fondée sur une analyse en composantes principales, a permis de dégager des espaces homogènes du point de vue de la variabilité interannuelle (Traboulsi, 2010) et de déterminer la tendance des cumuls pluviométriques, aux pas de temps annuel et saisonnier. À l'échelle annuelle, hormis la région ouest (à laquelle appartient Beyrouth), où les abats diminuent, on ne relève pas de tendance significative. Cependant, lorsque l'on considère séparément les saisons, les résultats apparaissent bien plus contrastés. Si, globalement, aucune tendance n'est décelable pour la période hivernale, on observe une diminution assez régulière des pluies printanières, ce qui reflète un allongement de la saison de sécheresse estivale (Traboulsi, 2012).


– La mise en relation de ces résultats avec la circulation générale au-dessus de la région (Traboulsi, 2012) a permis de démontrer que, durant la période considérée, les hauteurs du géopotentiel 500 hPa ont présenté une tendance à la hausse de 30 à 40 mètres géopotentiel (mgp). Cette tendance, significative aux pas de temps annuel et saisonnier, peut pousser au pessimisme quant au devenir des pluies dans la région.
Ces nouvelles conditions climatiques (élévation notable de la température, allongement de la saison sèche, pression atmosphérique de surface plus importante) sont autant d'indicateurs qui jouent négativement sur la qualité de l'air et sur la recharge en eau de Beyrouth.

 

 

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