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Liban

La géographie maudite du village chrétien de Qaa

Ligne rouge : passage suspecté des voitures piégées en direction des localités chiites. Ligne bleue : passage clandestin des combattants de l’opposition syrienne qui tentent de rentrer à Qousseir.

Encerclé de toutes parts par des zones de haute turbulence, le village chrétien de Qaa, situé à la frontière syro-libanaise, est depuis plusieurs mois sur le qui-vive. Au point d'intersection entre Yabroud, Qousseir, et à quelques kilomètres du Hermel, ce village, qui proclame haut et fort sa neutralité absolue, continue de subir les contrecoups de l'enfer syrien.


Lors des affrontements de Qousseir, la localité, prise entre deux feux, n'a pas été épargnée par les débordements des combats qui grondaient à ses portes. Aujourd'hui, ce sont les batailles à l'importance hautement stratégique, qui ont lieu à Yabroud, qui font craindre le pire aux locaux.
Même si les autorités locales de Qaa assurent à qui veut les entendre que leur village n'est pas visé – par les attentats ou autres opérations sécuritaires – ni par les effets du bras de fer qui a lieu à Yabroud, la mise en place depuis un certain temps d'une patrouille de gardiens formée d'anciens militaires, qui sillonne les ruelles principalement la nuit, en dit long sur les appréhensions des habitants.


« Depuis près de huit mois, plus précisément depuis la décision prise par l'ancien ministre de l'Intérieur, Marwan Charbel, de renforcer la police municipale (pour contrer la vague des attentats terroristes), nous avons répondu à l'appel en recrutant une équipe de trente personnes qui font des rondes par groupe de quatre, des effectifs qui sont doublés durant la nuit pour veiller sur les lieux », affirme le président de la municipalité, Milad Rizk. Le responsable assure qu'en dépit du fait que les membres de cette « police municipale », dont les âges varient entre 30 et 50 ans, sont tous des volontaires à cause du maigre budget dont dispose le pouvoir local, ils restent investis d'une mission officielle que parraine le ministère de l'Intérieur.
« Ces gardiens, qui assurent la protection du village, s'exécutent sous la houlette de la municipalité et sur autorisation du ministère », insiste-t-il, démentant les informations de presse faisant état d'un système d'autosécurité adopté au sein de ce village.


L'arrestation hier dans cette localité par les services de renseignements de l'armée d'un homme soupçonné d'être le terroriste Kassem el-Atrache, oncle et complice de Omar el-Atrache, arrêté le 22 janvier dernier pour sa responsabilité dans plusieurs attentats à la voiture piégée, devait justifier en partie les craintes et les mesures prises par les autorités de ce bourg où n'habitent guère plus de 2 500 personnes en hiver. Ceux-ci cohabitent, depuis trois ans, avec près de 12 000 réfugiés syriens, installés dans la plaine adjacente, Macharih el-Qaa. Originaire de Ersal, la famille el-Atrache avait acheté, durant la guerre civile, des terrains dans la localité de Macharih, à l'instar d'autres familles sunnites qui continuent de vivre dans cette localité.
« Ce que nous craignons le plus, confie un ancien membre de la municipalité qui a tenu à garder l'anonymat, c'est la présence de cellules dormantes parmi les réfugiés. » Selon lui, ce qui alerte généralement les forces de l'ordre c'est la présence parmi les réfugiés de jeunes qui sont en âge de combattre et qui, dit-il, « devraient en principe être dans les tranchées, que ce soit pour défendre le régime syrien si telle est leur conviction, ou rejoindre les rangs de l'opposition ».
« Au cours des deux dernières années, près d'une centaine d'arrestations parmi la population de réfugiés ont eu lieu », confie cet ancien responsable, un officier de l'armée à la retraite.

 

(Lire aussi : L'armée libanaise repousse une tentative d'infiltration à la frontière syrienne)


L'autre danger qui plane sur ce village, « qui s'efforce pourtant de rester neutre », est celui que représente l'acheminement clandestin de combattants de l'opposition syrienne, via Macharih el-Qaa, entre Yabroud et Qousseir « où ils espèrent enregistrer des percées militaires dans cette localité tombée récemment entre les mains de l'armée régulière syrienne », raconte cet ancien militaire.


L'épouse du moukhtar du village, Dalal Mattar, exprimera à sa manière son anxiété face au feu des attentats qui secouent depuis plusieurs mois le Hermel voisin, où elle allait régulièrement travailler.
« Nous avons peur, certes. Le problème c'est qu'avec un tel afflux de réfugiés, nous ne pouvons pas distinguer celui qui a véritablement fui la guerre de celui qui est venu ici avec d'autres desseins en tête. »
Une inquiétude que confirme Antoine Rizk, membre actuel de la municipalité, qui reconnaît que quand bien même le village ne représente pas à ce jour une cible en lui-même, ni un lieu de prédilection pour les jihadistes, la crainte qu'une voiture piégée soit acheminée par Qaa en direction du Hermel ou autres localités chiites est toujours présente.
« Même si son objectif n'est pas de se faire exploser ici même, le kamikaze pourrait être acculé à actionner la charge sur son passage dans le village, s'il venait à être repéré. Nous les avons déjà vu faire », dit-il en lâchant une information selon laquelle Qaa est malheureusement devenu le passage obligé des voitures piégées, en provenance de Yabroud. « La route qui les conduit au Hermel passe fatalement par ici », déplore-t-il.


Affichant un calme apparent, les membres de l'équipe de garde qui ont accepté de parler avec difficulté insistent toutefois sur l'idée que leur tâche n'est que « purement préventive » et que les habitants du village, qui « ont développé une relation extrêmement amicale avec les réfugiés syriens », sont soucieux de préserver leur politique de distanciation par rapport à la crise syrienne et, par extension, à la polarisation qui divise le paysage politique libanais.
« Nous n'avons jamais fait allégeance à l'un des deux camps, du 8 ou du 14 Mars », affirme le président de la municipalité avant d'ajouter : « Nous avons même adopté une politique unifiée par rapport aux réfugiés quelle que soit leur appartenance politique et les avons traités sur un pied d'égalité », assure-t-il.
Venus rejoindre le groupe des gardes, Firas, l'un des hauts responsables sécuritaires chargés de superviser les patrouilles, se mure dans un mutisme absolu, testant son talkie-walkie, « le seul équipement dont dispose la municipalité », précise son collègue.
« Nous n'avons aucune arme sur nous, rien que ce système de communication qui nous permet de nous prévenir entre nous, signaler tout mouvement suspect et alerter immédiatement la municipalité et les forces de l'armée », explique Antoine.


On apprendra plus tard que les membres de la municipalité, en coordination avec l'armée, étaient tout au long de la journée en opération de filature d'une voiture piégée qui devait passer par le village. Deux heures plus tard, une voiture, portant un autre descriptif cependant, devait exploser au Hermel, au barrage de l'armée. On ne sait toujours pas si le véhicule de la mort était passé par le village, les montagnes qui le surplombent, ou si tout simplement le véhicule recherché à Qaa se trouve toujours dans les environs.

 

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Lors des affrontements...

commentaires (3)

Typique ! On dirait la même géographie maudite du village, Sunnite cette fois, de Ëérsééél !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

15 h 43, le 25 février 2014

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Commentaires (3)

  • Typique ! On dirait la même géographie maudite du village, Sunnite cette fois, de Ëérsééél !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    15 h 43, le 25 février 2014

  • IL FAUT AGIR IMMÉDIATEMENT ET METTRE TOUS LES CHRÉTIENS DE QAA ET DE TOUT LE LIBAN, ET JE DIRAI CEUX DE SYRIE AUSSI ET DE TOUT LE MOYEN ORIENT, SOUS LA PROTECTION DES NATIONS UNIES, CAR LES CHOSES VONT S'EMPIRER... APRÈS LA DÉFAITE DE L'OURS EN UKRAINE ! LES DEUX FACES RÉGIONALES DE LA MÊME MONNAIE VONT S'ENTRETUER DE PLUS BELLE... PAR DES STUPIDES INTERPOSÉS !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 44, le 25 février 2014

  • Révoltant de voir les chrétiens en général et ceux de Qaa en particulier payer le plus grand tribu dans des guerres confessionnelles.

    Sabbagha Antoine

    14 h 53, le 24 février 2014

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