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Moyen Orient et Monde - Le point

Le retour de la guerre froide

L'Est et le Sud parlent le russe ; l'Ouest parle l'ukrainien. Les premiers ont les yeux naturellement tournés vers Moscou ; le second lorgne du côté de l'Union européenne. Ceux-là ne jurent que par la trique et les gaz lacrymogènes ; celui-ci érigent des barricades pour défendre sa liberté. Sur ce mélange hautement détonant, l'Occident et le Kremlin s'emploient depuis longtemps à verser l'huile de la discorde et attiser ainsi les flammes qui menacent aujourd'hui le pays des terribles Scythes.
Mardi soir, place Maïdan, une manifestante lançait à l'adresse des rares journalistes étrangers présents sur les lieux : « Nous sortirons d'ici libres ou esclaves, et nous ne voulons pas être des esclaves. » Cela fait un joli titre de une, mais a mené aussi à une crise majeure, la plus grave sans doute depuis la chute du mur de Berlin, le 8 novembre 1989. La première étincelle est partie en novembre dernier lorsque le président de la République a rejeté toute idée d'accord économique avec le Vieux Continent et opté pour un resserrement des liens avec la Russie. Très vite, ce qui avait commencé par être un mouvement de protestation et de revendication s'est transformé en révolution, les manifestants réclamant non seulement un virage en direction de l'Ouest, mais aussi la démission de Viktor Ianoukovitch.
Ce n'est pas tant le nombre de contestataires que leur détermination et la violence à laquelle ils ont recours désormais qui impressionnent. Concentrés sur quatre kilomètres carrés en plein cœur de la capitale, ils se battent aujourd'hui à coups de pierres et de cocktails Molotov contre les « titushki », l'équivalent local des baltaguiyah égyptiens et des chabbiha syriens, et contre les redoutables policiers antiémeute, les berkoute, qui terrorisent la population et recourent souvent à des liquidations d'opposants.
Près de trois mois après le déclenchement du mouvement, une double menace pèse sur (et à cause de) ce qui fut le grenier à blé de l'ex-protecteur : menace d'éclatement d'abord (ouais...), menace de résurgence – réelle celle-là – de la guerre froide. Face à ceux qui parlent, un peu vite, de l'impossibilité pour les pro et les anti-Occident de coexister, on excipera de la modération de ton du pouvoir. Après avoir reçu sans résultat, tard dans la nuit de mardi à mercredi, Arseny Iatseniouk et Vitlllali Klitshko, deux leaders des « rebelles », le chef de l'État a fait paraître un communiqué accusant ses adversaires d'avoir ignoré le principe de la démocratie. « Le pouvoir, a-t-il dit, ne s'obtient pas sur la place publique mais à travers des élections. » Ils ont franchi une ligne rouge en appelant leurs partisans à prendre les armes, a-t-il ajouté, et pour cela ils seront jugés. Avec, à la clé, ce bémol : « Il n'est pas trop tard pour mettre un terme au conflit. » Mais en appeler à la     raison et dans le même temps faire donner la police, cela ne s'appelle-t-il pas recourir à une forme de double langage ?
Plus grave sans doute, en raison de sa portée, il y a ce bras de fer engagé depuis quelque temps déjà, qui va en s'aggravant entre l'Est et l'Ouest, qualifié jadis de guerre froide. Ce n'est pas hier que Washington a commencé à chercher noise à Vladimir Vladimirovitch, sous les prétextes les plus divers, par moments avec une criante mauvaise foi et souvent en ayant recours à un langage peu recommandable. Les grandes oreilles ont surpris ainsi, et rendu publique sur YouTube, la teneur d'une conversation entre Victoria Nuland , secrétaire d'État adjointe, et l'ambassadeur U S à Kiev, Geoffrey Pyatt, à la suite d'une rencontre avec des opposants. Les deux interlocuteurs passent au crible les noms des hommes en vue sur la scène ukrainienne et l'adjointe de John Kerry donne son avis – celle de ses supérieurs en fait – sur les personnalités à « nominer » quand l'heure sera venue. À un autre moment, ils en viennent à évoquer le rôle que pourrait jouer l'UE, dont Nuland ne semble pas avoir une haute opinion puisqu'elle lance à l'adresse du représentant américain un « Fuck the European Union » qui en dit long sur le degré d'estime dans laquelle elle tient l'organisation. Pour toute justification, le département d'État a laissé entendre que Moscou pourrait être derrière cette fuite. Apparemment, l'Amérique n'a pas fini de digérer l'affaire Snowden. Et compris qu'au XXIe siècle, le duel se déroule sur Google.
Conclusion : « À trop lécher le couteau, on finit par se couper la langue. » (Proverbe ukrainien).

L'Est et le Sud parlent le russe ; l'Ouest parle l'ukrainien. Les premiers ont les yeux naturellement tournés vers Moscou ; le second lorgne du côté de l'Union européenne. Ceux-là ne jurent que par la trique et les gaz lacrymogènes ; celui-ci érigent des barricades pour défendre sa liberté. Sur ce mélange hautement détonant, l'Occident et le Kremlin s'emploient depuis longtemps à...
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