Benoît Virole : Repenser l’école

La multiplication des supports numériques les plus divers et le formidable instrument d'accès à l'information que constituent Internet et les moteurs de recherche sur la Toile ont, à n'en point douter, un impact sans précédent sur les structures cognitives des élèves et sur les méthodes d'apprentissage. Les retombées sur le rôle de l'école et des éducateurs sont à cet égard évidentes. Cette question ainsi que la place que l'espace virtuel peut occuper dans l'apprentissage ont été analysées par Benoît Virole, psychologue, psychanalyste, docteur en psychopathologie et docteur en sciences du langage.

Virole souligne notamment que l'expansion du virtuel favorise certaines aptitudes (rapidité de la réflexion, intuition, etc.) et peut aussi en entraver d'autres, mais dans tous les cas, elle sollicite l'émergence de nouvelles formes de pensée, en ce sens que le virtuel constitue « l'espace de déploiement d'une mutation de la pensée ». Cette mutation est due à la modification de la façon de transmettre la connaissance, à la modification de la structure de l'école. « Une telle modification est d'une telle ampleur qu'elle bouleverse tout », relève Benoît Virole qui souligne la nécessité dans ce contexte de « repenser » l'école.

« Le rapport établi avec le savoir a changé, affirme Virole. La connaissance est présente à grande échelle sur le web, si bien que certains adolescents quittent le système scolaire pour le numérique. Si beaucoup de jeunes refusent aujourd'hui l'école, c'est parce que le système scolaire est décalé par rapport à la transmission du savoir du fait que le statut de la relation entre le sujet (l'élève) et la connaissance est totalement modifié et a changé qualitativement. La connaissance est désormais délocalisée sur le web. Elle n'a plus besoin d'être acquise par le sujet. »
Pour Benoît Virole, la grande question à l'ombre d'une telle situation est de savoir comment il faudrait passer « d'un système scolaire classique où le pédagogue est seul détenteur du savoir, à un autre système où le pédagogue devrait être celui qui apprend à l'élève comment se servir des accès aux connaissances présentes sur le web, ce qui implique qu'un grand changement doit être opéré sur ce plan ».

Parallèlement à ces considérations d'ordre pédagogique, Benoît Virole évoque aussi une autre application possible du domaine virtuel et du monde numérique dans des cas de difficultés d'apprentissage. « Il est possible de remédier à des difficultés d'apprentissage, non seulement à l'école, mais également dans la vie courante, en plaçant l'enfant ou le sujet dans un environnement virtuel, et en encadrant la personne en question d'un thérapeute. Cela va permettre à l'enfant ou au sujet de reprendre confiance dans ses capacités de pensée, et de cette façon on parvient à accroître ses capacités cognitives. »

À titre d'exemple, et pour prendre un cas dans la vie courante, Virole indique que la thérapie cognitivo-comportementale a recours au monde virtuel pour permettre une désensibilisation des patients qui ont certaines phobies et qui se laissent aller à la panique face à certaines situations. « La désensibilisation se fait alors par immersion dans un monde virtuel », précise Benoît Virole. Une personne qui a la phobie de l'avion sera ainsi placée dans un simulateur de vol de manière à l'habituer à la phase de décollage ou d'atterrissage de l'avion.
Dans cette optique, Virole souligne que les jeux vidéo ne sont pas uniquement des jeux. « Ce sont aussi des expériences de vie qui permettent aux enfants de se construire eux-mêmes, relève-t-il. Les jeux vidéo peuvent refléter chez l'enfant une quête, une volonté de devenir quelqu'un d'autre que ce qu'il est. »

Lire aussi

L'impact de la révolution numérique sur les enfants et les adolescents