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Liban - Rumeurs

Liban : Entre psychose sécuritaire et guerre psychologique...

Un graffiti, sur un mur de Beyrouth : une nouvelle vision de l'évolution du singe vers l'homme puis le kamikaze. AFP /JOSEPH EID

Depuis l'assassinat de Mohammad Chatah, suivi quelques jours plus tard de l'attentat de Haret Hreik, c'est une véritable psychose qui s'est une nouvelle fois emparée des Libanais. Une psychose pas tout à fait innocente, puisqu'elle est, comme à chaque fois, savamment alimentée sur les réseaux sociaux et certains sites électroniques, par des parties intéressées, dans ce qu'il est convenu d'appeler la « guerre psychologique » : celle dont l'objectif est d'amener, par des moyens subversifs, l'adversaire à penser qu'il est en position de faiblesse ou qu'il a intérêt à se rendre pour éviter le pire à venir. Il n'y a là rien de bien nouveau. La technique, qui est une autre forme de menace ou d'intimidation, a déjà été utilisée à plusieurs reprises au cours des dernières années, à chaque fois que l'épreuve de force se durcissait dans le pays.


Non que le pays ne soit pas ouvert à toutes les formes de dégradation sécuritaire, surtout depuis la crise syrienne, et plus précisément depuis l'ingérence du Hezbollah dans la crise syrienne et ses retombées sécuritaires intérieures. Cependant, force est de constater que la « guerre psychologique » actuelle est plus liée à la lutte en cours autour de la formation du cabinet, comme si, à travers cette forme de pression psychologique, l'on cherchait à inciter l'une des parties (le 14 Mars) à composer avec l'autre (le Hezbollah) pour éviter que « s'ouvrent les portes de l'enfer ».


Toutes sortes d'artifices propagandistes sont rendus licites. À titre d'exemple, un message de sécurité de l'ambassade des États-Unis à ses ressortissants de prendre les mesures de sécurité qui s'imposent en raison de la dégradation sécuritaire n'a pas tardé à être détourné et modifié. La nouvelle tournure, voulue par les pirates terroristes soucieux de faire monter la pression, appelle soi-disant les ressortissants américains à ne pas sortir de chez eux « durant ces deux jours ». L'ambassade aura beau démentir par le biais des médias ce « hijacking » professionnel, le citoyen, lui, a déjà été victime de la fraude et, par le biais des réseaux sociaux, retransmis le message à tous ses contacts.

 

 

 

Et un autre esprit toujours aussi bien intentionné rajoutera au message une mise en garde selon laquelle certaines voitures suspectes se baladeraient dans le pays, avec les marques des engins et les plaques d'immatriculation, histoire de rajouter du piment à l'affaire... C'est ainsi que l'on sème la terreur absolue : en faisant de sorte que les informations créées de toutes pièces soient autant que possible crédibles et précises, histoire de mieux contraindre les citoyens à se résigner.


Mieux encore : des sites et blogs proches du Hezbollah, repris par des sites électroniques sensationnalistes, font circuler depuis quelques jours des rumeurs selon lesquelles, chaque nuit, « des miliciens cagoulés se déploient pendant quelques instants dans certains secteurs de Beyrouth pour faire un étalage de force, avant de se retirer subrepticement ». Sur cette rumeur, évidemment infondée, est bâti tout un roman policier autour de l'appartenance de ces « cagoulés » invisibles à la Qaëda. Premier objectif : faire peur aux Libanais, en leur mettant dans le crâne que la Qaëda se balade en toute quiétude dans les rues de Beyrouth, qui serait devenue une sorte de Kandahar locale... Tiens, comme à Tripoli, où la thèse populaire a déjà décidé, médias obligent et sans attendre la moindre enquête, que ce sont des islamistes, ennemis de la culture et promoteurs des autodafés, qui ont brûlé la bibliothèque d'un prêtre « chrétien », dans le cadre, évidemment de cette « vaste volonté régionale d'extermination des minorités »... Mais, bien sûr, heureusement que le vaillant Bachar et ses alliés veillent au grain pour défendre les minorités persécutées... Mieux encore, l'on fera également courir le bruit que les alliés sunnites du régime syrien sont également persécutés à Tripoli, comme il a été question un moment hier d'une attaque de jeunes islamistes contre une mosquée dépendant soi-disant de l'un des cadres du MUI, proche du régime syrien et du Hezbollah, cheikh Hachem Minkara. Intox, encore une fois, démentie de l'intérieur même de la capitale du Nord.


Mais retour au polar des « cagoulés » : l'auteur de l'article en question ne s'arrête pas en si bon chemin et construit pièce par pièce son roman... ou plutôt son manifeste politique : ainsi, ces éléments cagoulés seraient devenus le bras armé du courant du Futur pour protéger les sunnites d'un nouveau 7 Mai, et leur cible providentielle serait donc le Hezbollah. Mieux encore : le créateur inspiré parachève son chef-d'œuvre en faisant intervenir des sources du Hezbollah, qui assurent, bravaches, que « toutes ces tentatives ne serviront à rien » et que la milice du parti « est capable d'envahir l'ensemble du territoire libanais en 48 h »... sans arriver à Tripoli, hors de portée, « où les ténors du 14 Mars se réfugieraient tous dans un hôtel pour se protéger ».


Il faut préciser que le lecteur reçoit les liens vers ce genre d'articles, avec des titres souvent alléchants, dans sa boîte aux lettres électronique, à travers un courrier envoyé en masse à des milliers d'utilisateurs. Encore une fois, la manœuvre n'a rien de très original : le Hezbollah l'avait par exemple employée en diffusant toutes sortes de menaces de recours à la force à travers ses médias avant la chute du cabinet Hariri en 2011. La panique d'un recours à la brutalité solidement installée dans les rangs du 14 Mars, le souvenir du 7 Mai frais dans les mémoires, il lui avait simplement fallu un déploiement de force en chemises noires durant quelques minutes dans les rues de la capitale pour faire basculer la majorité parlementaire et assurer la nomination de Nagib Mikati.


Dans ce contexte général, les FSI auront beau demander, comme hier, aux Libanais de « ne pas prêter attention aux rumeurs qui font état de voitures piégées », plaçant ce genre de procédés sur le compte d'une « volonté de semer l'instabilité et la terreur dans les esprits »... Les forces de l'ordre auront beau demander aux citoyens de ne prendre au sérieux que les communiqués officiels des FSI et de l'armée... Rien n'y fera. Les citoyens se laisseront impressionner. En attendant que les véritables bénéficiaires de ces campagnes d'intoxication et d'intimidation obtiennent ce qu'ils souhaitent... et que leur véritable cible, l'opinion publique, capitule une fois pour toutes.

 

 

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Depuis l'assassinat de Mohammad Chatah, suivi quelques jours plus tard de l'attentat de Haret Hreik, c'est une véritable psychose qui s'est une nouvelle fois emparée des Libanais. Une psychose pas tout à fait innocente, puisqu'elle est, comme à chaque fois, savamment alimentée sur les réseaux sociaux et certains sites électroniques, par des parties intéressées, dans ce qu'il est convenu...

commentaires (3)

LA PHOTO DIT TOUT...

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 28, le 09 janvier 2014

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • LA PHOTO DIT TOUT...

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 28, le 09 janvier 2014

  • Une guerre psychologique mais vraie dans un pays ou chaque tribu ou clan ou milice fait sa loi et fait sa guerre aussi .

    Sabbagha Antoine

    11 h 27, le 09 janvier 2014

  • Bien vu et super clairvoyant ! Mais, "Rien n'y fera. Les citoyens se laisseront impressionner. En attendant que les bénéficiaires de ces campagnes d'intimidation obtiennent ce qu'ils souhaitent, et que leur véritable cible, l'opinion publique, capitule une fois pour toutes." ! Sauf si ceux d'en face fassent de même.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    02 h 30, le 09 janvier 2014

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