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À La Une - La femme de la semaine

Alice Schwarzer, la féministe qui refuse que l'Allemagne soit un "paradis pour proxénètes"

La journaliste a lancé un "appel à la chancelière et au Bundestag" pour "abolir la prostitution".

Figure de proue du féminisme en Allemagne, Alice Schwarzer a publié début novembre un pamphlet intitulé "Prostitution, un scandale allemand". AFP PHOTO / JOHANNES EISELE

C'est à la suite de son appel que l'idée d'une interdiction de la prostitution fait son chemin en Allemagne, pays qui l'a légalisée en 2002.

Figure de proue du féminisme dans son pays, Alice Schwarzer, journaliste et féministe, a publié début novembre un pamphlet intitulé "Prostitution, un scandale allemand" et lancé un "appel à la chancelière et au Bundestag" pour "abolir la prostitution". Pour cette femme de 70 ans, l'Allemagne est un "paradis pour proxénètes".
"Il n'existe pas de pays se déclarant démocratique qui tolère, accepte ou fasse la promotion de l'esclavage. Mais l'Allemagne tolère, accepte et fait la promotion de la prostitution et cela, la plupart du temps, au détriment des femmes les plus pauvres des pays voisins", a-t-elle expliqué récemment devant la presse étrangère.


Pour Mme Schwarzer et les dizaines de personnalités (acteurs, politiques, journalistes) qui ont déjà signé son appel, il est nécessaire de revenir sur la loi de 2002 qui, à l'initiative de la coalition gouvernementale de l'époque (sociaux-démocrates et Verts), a théoriquement ouvert aux prostitutées un droit à l'assurance chômage, à des conditions de travail réglementées et à une couverture maladie.

 

Besoin de viande fraîche
En Allemagne, les maisons closes ont pignon sur rue, et Mme Schwarzer juge que cette "libéralisation de la prostitution est une catastrophe pour les personnes concernées" dont elle estime le nombre à 700.000. "Ces bordels ont toujours besoin de viande fraîche comme ils disent et les filles qui y travaillent généralement quelques semaines finissent à un moment ou à un autre dans la rue".


Dans un rapport de 2007, jusqu'ici seul bilan officiel publié sur les effets de la loi, les autorités jugeaient décevants ses résultats, déclarant qu'elle n'avait pas "pu réellement améliorer la protection sociale des prostituées". selon l'étude, seulement 1% des prostituées avaient un contrat de travail.
Les témoignages des travailleurs sociaux ou de policiers montrent que la loi n'a pas apporté d'avancées, voire, selon certains, qu'elle a considérablement aggravé la situation.


Lors d'une audition devant une commission du Bundestag, le commissaire Helmut Sporer de la police criminelle d'Augsbourg (sud) dressait en juin un bilan accablant.
"Il est désormais incontestable qu'une réglementation est, une fois de plus, nécessaire et urgente pour répondre efficacement à un phénomène de traite des êtres humains qui se propage", a-t-il affirmé.


Selon la police criminelle fédérale, les cas recensés de trafic d'êtres humains sont en régression (811 en 2002 contre 432 en 2011, dernier chiffre disponible). Mais, fait remarquer Chantal Louis, rédactrice en chef du magazine Emma qui a publié l'appel de Mme Schwarzer, "c'est vraiment extrêmement cynique de voter une loi qui rend l'engagement de procédures pour trafic d'êtres humains particulièrement difficile pour ensuite dire que le nombre de cas est en baisse".

 

"Formidable" initiative française
Le débat autour d'un durcissement de la législation sur la prostitution est en tout cas relancé et s'est invité dans les négociations entre les conservateurs d'Angela Merkel et les sociaux-démocrates qui tentent de former un nouveau gouvernement fédéral. "Nous en sommes très, très fiers", se félicite Mme Schwarzer.


Pour Mme Schwarzer, l'initiative de la ministre française des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, est "formidable". "Ca nous a encouragé de voir qu'en Europe, il y a de plus en plus de pays qui parlent de dignité de l'homme à propos de la prostitution et qui commencent à agir", a-t-elle dit à l'AFP.

En France, une proposition de loi visant à pénaliser les clients des prostituées sera examinée par l'Assemblée nationale les 27 et 29 novembre. Cette loi prévoit de sanctionner le recours à une prostituée d'une amende de 1.500 euros, doublée en cas de récidive. Elle abroge aussi le délit de racolage public.

Un texte contre lequel des voix se sont élevées. Samedi dernier, plusieurs dizaines de célébrités françaises, dont l'actrice Catherine Deneuve et le chanteur Charles Aznavour, ont signé une pétition, publiée dans les médias. 

"Sans cautionner ni promouvoir la prostitution, nous refusons la pénalisation des gens qui se prostituent et de ceux qui ont recours à leurs services, et nous demandons l'ouverture d'un vrai débat sans a priori idéologique", est écrit dans le texte lancé par le chanteur Antoine et signé d'une soixantaine de personnes, dont la navigatrice Florence Arthaud, la chanteuse Line Renaud, le rocker Jacques Higelin, le cinéaste Claude Lanzmann et l'ancien ministre socialiste de la Culture, Jack Lang.


Comme dans l'Hexagone, la campagne contre la prostitution suscite des résistances en Allemagne. Lors d'une présentation de son livre, jeudi à Berlin, Alice Schwarzer a été sifflée et huée par des personnes se présentant comme "travailleurs du sexe".


Undine de Rivière, prostituée et porte-parole d'une Union professionnelle des fournisseurs de services sexuels et érotiques, fait partie des opposants. "Les féministes ne croient pas que nous puissions parler pour nous-mêmes. Le désir de contrôle de la sexualité et de la prostitution a toujours été grand, il est difficile de l'extirper de la tête des gens", a-t-elle expliqué dans le quotidien Süddeutsche Zeitung.

 

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