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Économie

Les nouvelles réformes de la Chine en théorie et en pratique

Le 12 novembre, la troisième séance plénière du 18e Comité central du Parti communiste chinois (PCC) a annoncé un tournant majeur dans les politiques axées sur le marché : les taux d’intérêt et la libéralisation de la monnaie, la réforme des banques et des entreprises d’État, la propriété foncière claire pour les habitants ruraux et de meilleures opportunités pour les migrants urbains.
Cette décision historique dissimule une crise potentielle. La réussite de la Chine repose sur les exportations bon marché fondées sur le travail bon marché, sur les infrastructures construites par des entreprises d’État par un financement bancaire à faible coût et sur les budgets gouvernementaux financés par la vente de terrains. Mais le travail n’est plus bon marché, la construction de routes pour relier les grandes villes a cédé la place à la construction de grands centres commerciaux dans les petites villes, et les ventes de terrains basées sur le redécoupage ont atteint les limites économiques tout comme celles de la tolérance des villageois.
L’argent bon marché aux opportunités d’investissement limitées risque maintenant d’alimenter la bulle immobilière et la surcapacité industrielle. Sans changement fondamental, la Chine fait face à une croissance économique plus lente, à une création d’emplois trop faible et à une innovation insuffisante. Et les bulles finissent toujours par éclater.
La solution est un changement rapide, du modèle de croissance basée sur les exportations chinoises, vers une économie fondée sur la demande intérieure, de l’infrastructure vers la consommation, de la domination des grandes entreprises d’État (SOE) vers celle des petites et moyennes entreprises privées, vers l’industrie des services, et, plus largement, du contrôle bureaucratique vers le contrôle du marché.
Tous les pays prospères ont opéré ce changement. La Corée du Sud et Taïwan sont des modèles du genre. Mais un changement brusque entraîne souvent de vives douleurs. Les entreprises d’État vont perdre leurs prêts à faibles intérêts, leurs terrains subventionnés, la protection du monopole et le logement privilégié. Le parti et les bureaucraties d’État vont perdre leur pouvoir (et leurs revenus).
Les gouvernements locaux sont tout particulièrement désespérés. Ils ont d’énormes dettes, qu’ils amortissent par le redécoupage et la vente de terrains. Déjà pressés par les prix exorbitants de l’immobilier et par la résistance populaire à la confiscation des terrains, ils font maintenant face à des taux d’intérêt plus élevés, aux impôts fonciers, à des villageois titulaires de plus de droits et aux nouvelles obligations coûteuses de fourniture de services sociaux aux migrants. Le désespoir des potentats locaux et des dirigeants des entreprises d’État a créé une forte résistance à la réforme.
Lors d’une séance plénière pleine d’acrimonie, les dirigeants politiques chinois ont pris le parti de la réforme. Comme l’a déclaré un planificateur économique, interrogé sur la résistance avant la rencontre décisive : « En fin de compte, tous nos dirigeants savent lire les chiffres. Les implications de ces chiffres sont claires. »
L’annonce de ses décisions par la troisième session plénière a pris la forme d’une déclaration de principes généraux, dont le manque de détails a provoqué l’inquiétude chez de nombreux observateurs. Mais le rôle du CCP consiste à définir la direction politique. L’exécution des décisions du parti incombe au gouvernement. Et l’assemblée plénière a fait désigner un groupe de haut niveau chargé de coordonner et de faire respecter la mise en œuvre de ses décisions.
Alors que la mise en œuvre sera une tâche de longue haleine, avec une résistance parfois farouche, les principales réformes sont déjà en cours. Les appels de l’actuel 12e plan quinquennal plaident en faveur d’une augmentation des salaires d’au moins 13,4 % en moyenne. Cette année, les salaires augmentent à un taux moyen de 18 %, ce qui va exclure les industries touchées par l’obsolescence ou la surcapacité. En outre, la campagne anticorruption du gouvernement vise certains groupes industriels parmi les plus puissants, comme la faction du pétrole, affaiblissant ainsi leur résistance à la réforme.
Plus important encore, les résultats économiques s’alignent de plus en plus sur les objectifs officiels. Les services représentent déjà plus de production et d’emploi que l’industrie – la société Internet Alibaba, par exemple, habilite les consommateurs et les petites entreprises sur une échelle inimaginable auparavant –, et la récente croissance a été conduite par la demande intérieure plutôt que par les exportations nettes. La réforme n’est pas seulement un plan : elle est déjà en marche.
Les ouvertures économiques sur l’Asie centrale et l’Anase (notamment au Vietnam) sont bien avancées et la réforme va accentuer cette ouverture internationale. Les décisions de la troisième assemblée plénière vont suivre le lancement en septembre de la zone de libre-échange de Shanghai, qui va ouvrir de nouveaux secteurs aux investissements étrangers et va permettre de larges transactions financières fondées sur le marché et sur les flux de capitaux. La libéralisation des mouvements de capitaux est destinée à être une politique nationale progressive, canalisée par des institutions dignes de confiance à Shanghai.
Pour le commerce des marchandises, la nouvelle zone de libre-échange est destinée à rivaliser directement avec Singapour et Hong Kong. La Chine craint d’être dépendante de ces entrepôts en cas de conflit. Pour les investisseurs étrangers, la politique consistera à élargir considérablement la gamme de possibilités tout en réduisant le contrôle étranger : les entreprises étrangères, par exemple, pourront détenir des participations minoritaires dans le secteur des télécommunications, tandis que les entreprises étrangères dominantes comme Monsanto seront soumises à des contraintes.
Le président Xi Jinping fait face à la tâche politiquement risquée de pousser le programme de réforme du PCC contre l’opposition farouche, à un moment où l’économie ralentit. En mettant l’accent sur le contrôle du parti par une campagne de répression sur les entreprises d’État, sur les opposants et les critiques dans les médias et dans les milieux universitaires, Xi cherche à maximiser sa capacité à imposer des réformes économiques tout en minimisant le risque d’un défi lancé par les forces conservatrices.
Enfin et surtout, il est déterminé à éviter le sort des dirigeants chinois précédents comme Hu Yaobang et Zhao Ziyang, qui ont perdu leur poste après qu’une masse critique de leurs adversaires en est arrivée à croire que la réforme économique et politique allait mettre en péril la direction du parti. Donc, au moins pour l’instant, la Chine va mettre l’accent sur une autre grande vague de réformes économiques, alors que la réforme politique va se limiter principalement à la réorganisation des organismes gouvernementaux, afin d’améliorer l’efficacité et de renforcer ses efforts pour réduire la corruption. (Il y a déjà quelques étapes vers la réforme, dont la décision de révoquer les juges du contrôle politique local).
Et pourtant, la Chine va éprouver de plus en plus de difficultés à retarder les mesures plus strictes censées apaiser les demandes de justice de la part de la population, dont la mise en place d’un pouvoir judiciaire indépendant, qui pourrait s’avérer non moins impérative que les réformes économiques structurelles. De même, les dirigeants doivent accepter une grande partie de l’envahissement des contrôles de la révolution de l’information ou bien se livrer à une répression beaucoup plus coûteuse.
Les espoirs de réforme politique reposent sur la possibilité que le second mandat de Xi permette l’accession à des réformateurs (comme le membre du politburo Wang Yang et le vice-président Li Yuanchao) d’accéder aux plus hautes responsabilités. Toutefois, pour le moment, la Chine va mettre l’accent sur une autre grande vague de réformes économiques.

© Project Syndicate, 2013.

Le 12 novembre, la troisième séance plénière du 18e Comité central du Parti communiste chinois (PCC) a annoncé un tournant majeur dans les politiques axées sur le marché : les taux d’intérêt et la libéralisation de la monnaie, la réforme des banques et des entreprises d’État, la propriété foncière claire pour les habitants ruraux et de meilleures opportunités pour les migrants urbains.Cette décision historique dissimule une crise potentielle. La réussite de la Chine repose sur les exportations bon marché fondées sur le travail bon marché, sur les infrastructures construites par des entreprises d’État par un financement bancaire à faible coût et sur les budgets gouvernementaux financés par la vente de terrains. Mais le travail n’est plus bon marché, la construction de routes pour relier les grandes...
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