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Le chaudron de Tripoli: une guerre de miséreux financée par des bailleurs de fonds

Tripoli, la capitale du Liban-nord, ressemble à un Monopoly de la guerre où des puissances régionales et des potentats locaux se livrent à une guerre par procuration en payant des belligérants dans la misère et de confessions différentes.

En toile de fond, il y a la Syrie voisine. Mais dans cette localité commerçante et prospère de 500.000 habitants, les coups de feu se limitent à deux quartiers misérables du nord: Bab al-Tebbaneh, place forte sunnite favorable à la révolte contre le régime syrien et Jabal Mohsen, fief des alaouites acquis au président Bachar al-Assad.

Depuis 2008, il y a eu 18 flambées de violences, qui ont fait au total plus de 200 morts et 3.000 blessés. La dernière date du 21 octobre et a fait 14 morts.

Chaque "round", comme l'appellent les habitants en utilisant un terme de boxe, se termine par un dérisoire consensus pour le déploiement de l'armée libanaise, les armes disparaissent pour réapparaître dès le premier coup de feu.

"Nous subissons les contrecoups du conflit syrien", explique à l'AFP le cheikh sunnite Nabil Rahim, une personnalité religieuse qui multiplie les efforts pour calmer les deux communautés.

Pour lui, trois ingrédients attisent le chaudron de Tripoli: la crise syrienne, les divisions politiques poussées à l'extrême entre Libanais pro et anti-régime syrien et les tensions confessionnelles.

"A Jabal Mohsen, nous savons que le Hezbollah, l'Iran et le régime syrien sont les pourvoyeurs de fonds et des armes", note ce cheikh. "C'est plus compliqué à Bab al-Tebbaneh: ceux qui font le coup de feu sont des habitants, des islamistes et ceux affiliés aux Forces du 14 mars", l'opposition libanaise anti-syrienne, explique-t-il.

Les personnalités politiques sunnites libanaises se sont dissociées des groupes armés et plaident officiellement pour que la ville soit débarrassée des armes.

Au fur et à mesure que la Syrie, ancienne puissance tutélaire du Liban, s'enfonçait dans la guerre civile, les violences se sont multipliées à Tripoli, qui compte 80% de sunnites, 15% de chrétiens enregistrés mais qui ne sont en fait plus que 7 à 8% à cause de l'exode et 11% d'alaouites.

L'ancien Premier ministre et dirigeant sunnite Saad Hariri a dénoncé "une sale guerre" livrée selon lui par Assad contre Tripoli via des "instruments locaux", ce qui veut dire les alaouites et les partis libanais qui lui sont favorables

Dans le camp adverse, le parti arabe démocratique (PAD), qui représente les alaouites au Liban, dément, imputant la dernière vague de violence à des propos de dirigeants sunnites contre ce parti après les derniers attentats d'août. Ils avaient réclamé sa dissolution après que la justice eut émis des mandats d'arrêt contre 7 alaouites du quartier.

La ligne de démarcation entre les entités ennemies remonte à la guerre civile au Liban (1975-90) et les premières violences ont eu lieu sur fond de rivalités entre la Syrie et l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat, très présente à l'époque dans la ville.

Dans les années 80, les affrontements ont opposé les alaouites et différents partis pro-syriens au Mouvement de l'unification islamique (MUI), sunnite.

La ville a connu une trêve après le déploiement de l'armée syrienne en 1986 dans la région de Bab al-Tabbaneh et les habitants des deux quartiers s'étaient rapprochés et il y a même eu des mariages mixtes.

Mais cette lune de miel n'a pas duré après le retrait syrien du Liban en 2005 suite à l'assassinat de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri.

Pour Ghassan Rifi, un journaliste local, les combats entre les deux quartiers reflètent les tensions régionales et locales. Selon lui, "la dernière flambée est le fruit de la tension saoudo-syrienne". Ryad soutient la rébellion anti-régime.

"C'est vrai que certains se battent pour se défendre mais d'autres sont poussés par des réflexes confessionnels ou de l'argent comme ceux qui ont refusé lundi le cessez-le feu jusqu'à ce qu'on vienne leur payer toutes les munitions utilisées", affirme cheikh Rahim.

L'armée libanaise a commencé lundi à se déployer sous le feu des tireurs embusqués, mais les habitants se montrent sceptiques sur un retour à la maix.

"Les hommes armés à Bab al-Tebbaneh n'ont pas d'argent pour acheter du pain comment peuvent ils se procurer des armes?", peste un commerçant en accusant les "politiciens" de financer les groupes armés et en qualifiant leurs membres de "criminels" et de "drogués"
Tripoli, la capitale du Liban-nord, ressemble à un Monopoly de la guerre où des puissances régionales et des potentats locaux se livrent à une guerre par procuration en payant des belligérants dans la misère et de confessions différentes.En toile de fond, il y a la Syrie voisine. Mais dans cette localité commerçante et prospère de 500.000 habitants, les coups de feu se limitent à deux...