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À La Une - L'homme de la semaine

Alan Turing : le briseur de codes nazis condamné à la castration chimique est, enfin, "pardonné" par Londres

Le mathématicien de génie avait été condamné, en 1952, pour son homosexualité.

Alan Turing, en 1951.

Il aura fallu un peu plus de soixante ans pour que le gouvernement britannique rectifie une erreur historique et réhabilite un héros doublé d'un génie.

Vendredi 19 juillet 2013, le gouvernement a annoncé qu'il soutiendrait un projet de loi destiné à accorder un pardon posthume à Alan Turing, connu pour avoir brisé les codes secrets de la marine allemande pendant la seconde guerre mondiale.

 

Condamné en 1952 pour "outrage aux bonnes mœurs" pour son homosexualité en application du Criminal Law Amendment Act de 1885 -le même texte qui entraîna la condamnation d'Oscar Wilde à deux ans de travaux forcés-, ce pionner de l'informatique et de l'intelligence artificielle choisit la castration chimique pour échapper à la prison avant de se suicider, deux ans plus tard, en mangeant une pomme gorgée de cyanure. Il avait 41 ans.

 

Porté devant la Chambre des Lords par le démocrate libéral Lord Sharkey, ce projet de loi devrait être adopté en octobre prochain. "Le gouvernement sait que Turing était un héros et un grand homme, a-t-il déclaré. Celui-ci reconnaît qu'il a été traité avec cruauté. Il prend toute la mesure de l'estime qu'on lui porte ici et à travers le monde".

 

Alan Turing est notamment resté dans les annales de l'Histoire pour avoir, pendant la deuxième guerre mondiale et alors qu'il officiait au sein des services secrets britanniques à Bletchley Park, décrypté les messages de la machine Enigma utilisée par l’armée nazie pour communiquer avec ses sous-marins croisant en Atlantique Nord.

Les travaux du mathématicien auraient contribué, a également fait remarquer Lord Sharkey, à précipiter la fin de la guerre et à sauver des milliers de vies. Une opinion partagée à la Chambre des Lords par la conservatrice de 90 ans Lady Trumpington, qui a travaillé à Bletchley Park au même moment que Turing et s'est dite favorable au projet de loi.

 

 

"Test de Turing"

Après la guerre, Alan Turing s'est concentré sur l'intelligence artificielle, dont il a défini les critères logiques encore en vigueur aujourd'hui. Son nom est associé à un test, le fameux "test de Turing", qui se fonde sur la faculté d'une machine à tenir une conversation.

 

"Le test de Turing sera donc un jeu d’imitation à l’issue duquel une machine pourra être déclarée intelligente ou pas. Dans un premier temps, un interrogateur doit dialoguer avec une femme et un homme ayant pour consigne de se faire passer pour une femme, puis déterminer lequel des deux est réellement une femme. Pour faire abstraction des apparences, de la voix et du visage, les échanges sont dactylographiés. Dans un second temps, l’homme est remplacé par une machine à l’insu de l’interrogateur. Désormais, la machine imite l’homme qui imite la femme. Si

l’interrogateur est incapable d’identifier la femme, qu’il ne peut dissocier l’homme et la machine, alors on peut considérer que la machine est intelligente", peut-on lire dans un hors-série du CNRS consacré au centenaire de Turing, en 2012.

 

L'idée sous-jacente est donc qu'un ordinateur ne serait vraiment intelligent que si un humain n'est pas capable de faire la différence entre ses réponses à une question et celles d'un autre humain.

 

"En mettant au point son concept de machine universelle, puis son fameux test visant à déterminer si une machine peut penser, Alan Turing a ouvert la voie aux travaux sur l’intelligence artificielle", souligne encore le CNRS.

 

Vers la fin de sa vie, le scientifique porte son intérêt sur des modèles de morphogenèse du vivant, végétal et animal (comment se développe les tâches d'une vache), conduisant aux "structures de Turing".

 

"Cryptologie, intelligence artificielle, mathématiques, informatique, biologie : Alan Turing est le symbole éclatant de l’art de faire dialoguer les disciplines. Ses travaux sont au cœur des sciences de l’information et de la grande révolution numérique que nous connaissons aujourd’hui", écrit Philippe Baptiste, directeur de l’institut des sciences de l’information et de leurs interactions (ins2i) du CNRS, dans l'édito du hors-série.

 

 

Condamnation "affligeante"

La décision du gouvernement de ne pas s'opposer à ce projet de loi destiné à accorder un pardon posthume à Turing marque la fin d'un long parcours du combattant pour les défenseurs du mathématicien.

 

En 2009, le Premier ministre de l'époque, Gordon Brown, avait formulé des excuses personnelles envers Alan Turing et qualifié sa condamnation d'"affligeante". Mais aucune procédure de demande de pardon officielle n'avait été lancée. En 2012, un groupe de scientifiques avait transmis une lettre ouverte au Daily Telegraph pour réclamer la réhabilitation du scientifique. Cette demande avait essuyé un refus de la part du gouvernement qui avait argué   qu'"Alan Turing avait été condamne conformément aux sanctions prévues pour ce qui, à l'époque, relevait encore d'un crime". Enfin, en 2012, le gouvernement avait refusé d'accorder son pardon à 49.000 hommes homosexuels –aujourd'hui décédés–, condamnés au même titre qu'Alan Turing et Oscar Wilde.

 

Le projet de loi proposé aujourd’hui est avant tout le fruit d’un travail parlementaire. Cependant, le feu vert donné par le gouvernement constitue un revirement de taille qui sanctionne un changement de cap politique général marqué notamment, le 17 juillet dernier, par l'assentiment de la reine Elisabeth II à la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe en Angleterre et au Pays de Galles.

 

 

Réactions

L’annonce du pardon posthume à Alan Turing a suscité diverses réactions dans la presse britannique.

 

Sur le site du Guardian, plusieurs lecteurs expriment leur regret que le projet de loi ne se limite qu'au célèbre mathématicien qui ne doit son pardon qu’à l'importance qu’ont eu ses travaux pour la nation. "Qu'en est-il des 49.000 autres hommes qui ont aussi été condamnés en application du Criminal Law Amendment Act de 1885 ?", s'interroge une lectrice.

 

Une autre souligne l'ironie d’un projet censé pardonner la victime d'un "acte criminel" perpétré par le gouvernement lui-même. "L'érection d'un mémorial en l'honneur de Turing et des autres homosexuels victimes de cette persécution d'Etat constituerait une réponse plus appropriée, car une personne ne peut être pardonnée que si elle a commis un crime."

 

Pour Ben Summerskill, directeur de l'association gay et lesbienne britannique Stonewall, les travaux de Turing et le traitement qui lui a été infligé par la nation figurent dans les manuels d’histoire pour nourrir une réflexion nécessaire sur les heures sombres de la Grande-Bretagne des années 1940 et 1950. "Les quelque 55% d'élèves homosexuels qui ont été victimes de harcèlement dans les douze derniers mois pourraient y trouver une forme de réconfort durable", conclut-il.

 

 

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Il aura fallu un peu plus de soixante ans pour que le gouvernement britannique rectifie une erreur historique et réhabilite un héros doublé d'un génie.
Vendredi 19 juillet 2013, le gouvernement a annoncé qu'il soutiendrait un projet de loi destiné à accorder un pardon posthume à Alan Turing, connu pour avoir brisé les codes secrets de la marine allemande pendant la seconde...

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le sigle de Apple, représente justement la pomme ou il a mis le cyanure pour s'empoisonner

Talaat Dominique

12 h 27, le 24 juillet 2013

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Commentaires (1)

  • le sigle de Apple, représente justement la pomme ou il a mis le cyanure pour s'empoisonner

    Talaat Dominique

    12 h 27, le 24 juillet 2013

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