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Liban - Interview

Ce sera l’escalade, promet Ogarit Younan

La militante annonce la mise en place imminente d’un mécanisme pour que des couples libanais se marient civilement, dans la légalité, sans avoir besoin de rayer la mention de leur religion.

Ogarit Younan, une militante pour le droit au mariage civil pour tous les Libanais sur tout le territoire libanais.

Elle œuvre depuis plus de 15 ans pour une loi sur le statut personnel qui donnerait à tous les Libanais sans exception le droit de contracter un mariage civil au Liban. Et ce dans le cadre de la Campagne nationale pour le statut personnel. Ogarit Younan, cofondatrice avec Walid Slaïby de l’Association libanaise pour les droits civils, est à l’origine du projet de loi sur le statut personnel qui se trouve en commission parlementaire mixte, et qui devrait donc être discuté au Parlement. Une première pour un tel texte. La sociologue et chercheuse évoque pour L’Orient-Le Jour, les conséquences du mariage civil du couple Khouloud Succariyé et Nidal Darwiche, contracté en novembre 2012, au Liban. Elle annonce surtout des mesures imminentes qui mettraient une fois de plus les autorités devant le fait accompli.

Une volonté politique
Mme Younan tient d’abord à saluer le jeune couple, Khouloud et Nidal, « désireux d’un état civil », et « qui a utilisé pour la première fois son droit de se marier civilement après avoir rayé la mention de la religion », avec le soutien du Centre civil pour l’initiative nationale. « Un droit qui existe depuis 77 ans, selon la loi 60 LR. » Elle reconnaît aussi le côté positif du tapage médiatique qui a accompagné cette union civile. « Les voix en faveur du mariage civil se sont élevées, souligne-t-elle. Les hommes politiques ont alors réalisé que des milliers de Libanais sont en faveur du mariage civil. » « Preuve en est, le chef de l’État, Michel Sleiman, est intervenu en personne pour faire enregistrer ce mariage », note la militante, faisant part d’une « volonté politique » de redonner confiance aux jeunes dans le pays. « Face à ce tabou qui est tombé, de plus en plus d’hommes politiques se déclarent désormais en faveur du mariage civil », affirme-t-elle, constatant un effet de contagion.
L’activiste se déclare toutefois « contre la nécessité de devoir forcer les individus à sortir de leur communauté religieuse pour qu’ils aient le droit de se marier civilement ». Car ils sont ainsi « marginalisés » et mis « en position de faiblesse ». Se disant non favorable à cette initiative, « parce qu’elle confirme la loi communautaire », elle évoque sa lutte contre le régime confessionnel au Liban. Mme Younan considère à ce propos que « l’initiative du couple n’a pas servi la cause du mariage civil, mais qu’elle a consacré le droit des personnes désireuses de rayer la mention de leur religion des registres d’état civil ». « La procédure arrange les communautés religieuses, estime encore la chercheuse, car elle limite le mariage civil aux seules personnes qui ont barré la mention de leur religion. »
« Ce que nous réclamons, c’est le droit au mariage civil sur le territoire national, pour tous les Libanais », insiste-t-elle. D’où « la nécessité d’une loi libanaise » qui éviterait aux citoyens « la contrainte » de devoir partir à l’étranger pour se marier civilement, ou d’avoir recours à une loi étrangère. Sans mentionner « le flou » qui entoure la loi s’appliquant au mariage de Khouloud et Nidal, les deux étant initialement de confession musulmane.

Un mécanisme pour
se marier civilement
C’est dans cette optique que se situe l’engagement d’Ogarit Younan. « Ma responsabilité et celle de la Campagne pour le statut personnel, qui regroupe 52 organismes, est de faire adopter une loi libanaise optionnelle pour le statut personnel », indique-t-elle. « Une loi de l’État libanais pour la famille libanaise, que l’État a le devoir d’adopter », tient-elle à préciser. « Car des milliers de couples sont aujourd’hui mariés civilement. »
Mais après avoir tout tenté jusque-là, depuis le projet de loi jusqu’aux campagnes médiatiques, en passant par le lobbying et la sensibilisation dans les universités et dans les régions les plus reculées du pays, la militante et ses partenaires ont décidé de passer à la vitesse supérieure. « Dans le cadre de notre nouvelle stratégie, nous avons opté pour l’escalade, par des moyens de pression non violents, dit-elle. Nous voulons désormais imposer la discussion du projet de loi. Nous exécuterons le droit des citoyens, sans attendre qu’il leur soit donné. Nous mettrons ainsi les autorités devant le fait accompli. » Mme Younan n’y va pas par quatre chemins. Elle annonce « la mise en place imminente d’un mécanisme pour que des couples libanais se marient civilement, au sein de l’État, sans pour autant avoir besoin de rayer la mention de leur religion ». « Une mesure pionnière et légale, promet-elle. Les cobayes sont déjà tout trouvés. Ils seront protégés juridiquement, bien entendu. »
L’initiative, qui devrait être amorcée d’ici à quelques jours, promet de faire des vagues, pour le plus grand bonheur de la jeunesse, qui garde l’espoir d’un changement.

Par Anne-Marie el-Hage
Elle œuvre depuis plus de 15 ans pour une loi sur le statut personnel qui donnerait à tous les Libanais sans exception le droit de contracter un mariage civil au Liban. Et ce dans le cadre de la Campagne nationale pour le statut personnel. Ogarit Younan, cofondatrice avec Walid Slaïby de l’Association libanaise pour les droits civils, est à l’origine du projet de loi sur le statut...

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