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Liban - Art

La photographie, entre profession et passe-temps

La photographie, c’est tout un monde, partagé par des professionnels et des amateurs dont le nombre va en croissant grâce aux facilités offertes par les nouvelles technologies. Une question se pose : quel est l’avenir de la photo professionnelle à l’ère d’Instagram et de l’iPhone ? Émile Issa, photographe professionnel, spécialisé dans le portrait créatif, la photo publicitaire et de mode, apporte un élément de réponse :

Autoportrait de l’artiste.

Dernièrement, lors d’une interview télévisée, la journaliste m’a posé les questions suivantes que j’ai trouvées fort intéressantes et d’actualité. Faute de temps, je n’ai pu énumérer tous les différents éléments de réponse. Voici donc une tentative de revenir plus en détail sur le sujet.
Dans le monde d’aujourd’hui, où la photographie « non conventionnelle », grâce aux tablettes, smartphones, filtres, applications et autres gadgets a pris une ampleur incontestée, quelle serait la différence entre un photographe amateur et un professionnel ? Pourquoi aurait-on toujours besoin des services d’un Photographe professionnel à l’ère de l’iPhone et d’Instagram ?


D’abord, il semble qu’il faudrait définir ce que l’on entend exactement par photographe professionnel et photographe amateur. Ensuite, il serait intéressant de s’interroger sur le but final de la photo à faire. Et enfin, mettre en avant les différences fondamentales entre ces deux catégories.
La définition la plus communément admise du photographe professionnel est celle du photographe ayant suivi des cours de photographie et travaillant à temps plein comme photographe, et non seulement occasionnellement, photographiant pour son pur plaisir. Son métier est sa source première de subsistance.
Alors que la définition standard du photographe amateur veut plutôt que ce dernier ait pris la photo comme hobby, sans suivre de cours, et puis se soit amélioré petit à petit.
D’emblée, cette séparation classique, inspirée de l’ouvrage Profession photographe indépendant par Éric Delamarre paru chez Eyrolles, se montre rigide et étroite puisque souvent certains critères de l’une se retrouveront aussi chez l’autre, et inversement.


L’histoire de la photo est remplie de contre-exemples où des photographes autodidactes ayant appris sur le terrain, sur le tard ou en tant qu’assistants, s’imposent ensuite à travers leurs expérimentations comme des références et des innovateurs. On peut penser notamment à Richard Avedon portraitiste américain, ou encore Stanley Kubrick, réalisateur et photographe, et enfin l’éternel photoreporter Henri Cartier-Bresson.
La différence majeure serait plutôt à chercher du côté de la raison pour laquelle l’on commissionne un photographe et pour quel usage final la photo que l’on souhaite réaliser est destinée.

 

« Peindre avec la lumière »
L’usage de la photo peut être réparti en trois catégories : personnel et individuel ( souvenir, archives, partage amical), usage et diffusion commerciales (publicité, promotion, produit, boost de l’image), artistique (expression, témoignage, exposition, musée et galeries).
Évidemment, il peut arriver qu’une même photo puisse se qualifier pour plus qu’une des catégories ci-dessus. Ces dernières ne sont pas exhaustives.
Quels seraient alors les points restants qui permettront de délimiter de manière plus nette une frontière floue par nature car sans cesse en évolution et en mouvement ?
En d’autres termes, où se situent les différences « palpables » entre un photographe amateur et un photographe professionnel ?


Afin d’y répondre, nous allons revenir ici sur l’étymologie du mot photographie.
Le mot « photographie » est composé de deux racines d’origine grecque :
* le préfixe « photo- » (photos : lumière, clarté) – qui procède de la lumière, qui utilise la lumière.
* le suffixe « -graphie » (graphein : peindre, dessiner, écrire) – qui écrit, qui aboutit à une image.
Littéralement : « peindre avec la lumière ».
La différence fondamentale entre un photographe professionnel et un photographe amateur se situe de la façon la plus claire au niveau de la photographie commerciale et publicitaire car les autres catégories susmentionnées ne sous-entendent pas un « rendement » précis, unique et nécessaire, et relèvent plus de l’expression personnelle et de la liberté subjective d’interprétation ; même s’il est aussi rémunéré.
Le jugement final est réservé à l’audience, au public qui peut apprécier ou ne pas apprécier, alors que dans la photographie commerciale, c’est le client qui est roi.
Dans ce type de photographie, le photographe est choisi pour une commande spécifique, un « brief » où le résultat final est anticipé graphiquement.
Le but à atteindre est strictement défini ainsi que le sujet ou le produit à photographier. Cela s’apparente davantage à une mission à mener à terme.
Quel est le but de la photo commandée ?
Recréer une ambiance particulière ? Rêverie ? Film noir ?
Catalogue ? Éclairer un produit ? Mettre en scène un thème ? Saisir un instant ?
Chez un photographe professionnel, les connaissances ainsi que l’expérience auront permis de reconnaître en profondeur les différents types des lumières naturelles, artificielles, types de projecteurs, effets et modifications sur les différents morphologies, matériaux, textures.
Ce qui fait que selon le type de photo commandée, il saura suivre l’intention de départ tout au long de la séance de prise de vue en injectant ensuite aussi sa touche personnelle.
Pour un portrait classique par exemple consistant à donner une image proportionnée et flatteuse, on n’éclairerait pas de la même manière différents types de visages et de physionomies. Comme on n’éclairerait pas de la même manière un visage masculin et un visage féminin. Évidemment, ce sont des règles et des conventions qui peuvent être souvent brisées à condition de savoir au préalable qu’elles existent.
Ce contournement des règles et cette innovation sont un élément parmi tant d’autres qui font le « style personnel » d’un photographe.

 « L’intention de départ »
Mais se tromper sur le type de projecteur ou sur un angle d’éclairement peut avoir des retombées dramatiques sur le résultat final escompté.
Par exemple, celui catastrophique de créer des ombres noires saillantes sur un visage féminin lorsque l’intention de départ était de suggérer la douceur et l’angélisme.
Ceci nous introduit au prochain élément dans la photographie commerciale qui sépare un photographe professionnel d’un amateur, et c’est celui de « l’intention de départ ».
Là où l’amateur serait en train de naviguer entre improvisation simple et espoir d’un instant heureux, le professionnel serait fort de son bagage technique, de son expérience, de sa sensibilité et de son écoute afin de faire les choix stratégiques qui permettront de concrétiser l’intention initiale de la mission confiée par le client en résultat final.
Et cela le plus vite possible.
N’oublions pas que dans ce domaine-là, le temps gagné est une denrée rare.
Enfin, le dernier facteur en faveur du photographe professionnel, c’est la constance dans le rendement. Investir dans un photographe professionnel dans la photographie commerciale, d’entreprise et publicitaire, ou pour tout type de communication de haut niveau, est une valeur sûre puisqu’il compile dans son portefeuille les exemples de ses réussites et fourmille de nouvelles idées. Évitant aux clients pressés les frais et les ennuis de « re-shooter » une nouvelle séance de prise de vue.


En définitive, la photographie est un domaine subjectif où l’interprétation personnelle joue un grand rôle. De l’expression purement artistique à la mission commerciale ponctuelle, il n’y a pas de vérités absolues.
Que de photographes aujourd’hui professionnels ont commencé naturellement en tant qu’amateurs. Les apps, smartphones et gadgets d’aujourd’hui ont cela de beau qu’ils suscitent des vocations, poussent au surpassement de soi et ouvrent les yeux à la beauté infinie du monde qui nous entoure.
De plus, à l’heure des bouleversements sécuritaires et des conflits dans le monde, la photo par téléphone portable apparaît comme un nouveau témoin essentiel du partage de l’information en temps réel. La meilleure caméra dans ce domaine étant celle qu’on a sur soi lorsqu’on en a besoin. Beaucoup de photographes et journalistes professionnels risquent aussi leur vie et la perdent quotidiennement afin que subsiste ce droit sacré qui est celui de l’information et de la dénonciation des atrocités afin de fournir un travail de terrain de qualité, et non seulement des photos éparses.
Dans cet océan de photos qu’est devenu Internet, c’est aussi surtout le regard de l’audience, du public et l’intuition des clients qui savent trouver les nouveaux talents et leur donner leur chance. Tellement de pépites gisent encore non exploitées « one-click away ».
Pourtant, la magie et le sentiment de liberté qui règne dans ce domaine créatif sont hélas vite contrebalancés par le plagiat, le vol et les calomnies.
Mais ce métier est magnifique, car en plus d’être un beau travail d’équipe, il nous redonne à voir, autrement... la vie.

(www.emileissa.com)



Pour mémoire

Deux capitales culturelles européennes et un concours photo libanais


Le Liban à l’honneur au Festival Photomed

 

« Beyrouth Objets trouvés »... dans un album-coffret

 

Samer Mohdad, conteur en images des mutations de Beyrouth
Dernièrement, lors d’une interview télévisée, la journaliste m’a posé les questions suivantes que j’ai trouvées fort intéressantes et d’actualité. Faute de temps, je n’ai pu énumérer tous les différents éléments de réponse. Voici donc une tentative de revenir plus en détail sur le sujet.Dans le monde d’aujourd’hui, où la photographie « non conventionnelle »,...

commentaires (2)

Erratum : … ""survol historique de la photographie"", et non photographique. L’erreur de frappe est humaine !!!

Charles Fayad

16 h 43, le 30 mai 2013

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Commentaires (2)

  • Erratum : … ""survol historique de la photographie"", et non photographique. L’erreur de frappe est humaine !!!

    Charles Fayad

    16 h 43, le 30 mai 2013

  • Intéressant bref survol historique de la photographique. Vous écrivez : « Son métier est sa source première de subsistance. » Pas tout à fait, et à ne pas confondre photoreporter employé d’une agence de presse et surtout artiste photographe. Celui-ci a du mal à définir son statut socio-professionnel, mais reste créateur au sens le plus noble du terme. Beaucoup de photographe-artistes ont longtemps bouffé de la vache enragée (je sais de quoi je parle). Si c’est la seule source de subsistance, on peut estimer qu’un photomaton est un bon artiste. Vous écrivez encore : « L’histoire de la photo est remplie de contre-exemples où des photographes autodidactes ayant appris sur le terrain. » C’est relativement vrai. Ils n’existaient pas à l’époque des cours de photos dans les instituts universitaires, et les académies. Cartier-Bresson a étudié la peinture, et à l’époque acheter un Leica n’était pas à la portée de tout le monde… On peut toujours s’interroger sur ce moyen d’expression complexe et l’essor considérable qu’il a connu depuis les années quatre-vingt…

    Charles Fayad

    15 h 18, le 30 mai 2013

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