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À La Une - Liban-Environnement

À Baabda, une vallée « disparaît » sous les remblais...

Le mohafez du Mont-Liban vient d’arrêter les travaux « en attendant une enquête », dit-il à « L’Orient-Le Jour ».

Des remblais bruns forment un mur dans ce qui était auparavant une vallée.

Il est des spectacles qui ont la particularité de vous laisser bouche bée. Comme celui d’une vallée que, pour des raisons qui restent mystérieuses, certains décident de combler de remblais venus d’ailleurs. Un mur de sable brun de plusieurs dizaines de mètres de hauteur, avec des immeubles perchés au-dessus, et un reste de verdure en contrebas. Un quartier entier de Hadeth se trouve d’ailleurs dans le prolongement direct de cette montagne de sable.


Les travaux sur ce remblai immense durent apparemment depuis plusieurs mois, mais ils ont fait récemment l’objet d’une pétition de protestation lancée par un habitant d’un quartier proche, Joe Feghaly. Circulant sur Facebook, cette pétition a été signée jusqu’à ce jour par plus de 900 personnes. Expliquant son initiative, Joe Feghaly constate que « les travaux se sont accélérés récemment ». « Nous voyons un ballet incessant de camions venant déverser leurs remblais à cet endroit, poursuit-il. En fait, cette opération durait depuis cinq ans, mais à un rythme beaucoup moins soutenu. Nous n’avons pas réagi avant parce que nous n’avions pas une idée précise de ce qui se passait. La municipalité parlait d’une route qui serait bordée de verdure... Mais depuis que nous nous rendons compte de la véritable finalité du projet, nous avons lancé cette pétition. »


Les habitants du quartier ne sont pas les seuls à s’être insurgés contre ce qu’ils considèrent comme étant une atteinte à la santé et la sécurité publiques. Le président du conseil municipal de Hadeth, Georges Aoun, a présenté jeudi une plainte au mohafez, aux ministères de l’Intérieur et de l’Environnement et à la Direction générale de l’urbanisme (DGU) contre ce projet qui, dit-il, menace des quartiers de sa localité. Cette plainte ainsi que la pétition ont été à l’origine de l’interruption des travaux par le mohafez du Mont-Liban, Antoine Sleiman. Celui-ci assure à L’Orient-Le Jour avoir demandé l’ouverture d’une enquête « pour comprendre tous les détails de cette affaire et prendre une décision finale concernant ces travaux ».


Cependant, le président du conseil municipal de Baabda, Henri Hélou, prend le contre-pied de ces critiques au cours d’un bref entretien téléphonique. « Ces travaux sont tout à fait légaux et se font en vertu d’un permis de bonification de terrains, dit-il à L’Orient-Le Jour. Les propriétaires du terrain sont en train de construire une route sous la supervision de toutes les autorités concernées, dont la municipalité de Baabda. Je suis au courant de la décision d’interruption des travaux prise par le mohafez, à qui j’ai envoyé une copie du permis et tous les documents relatifs au projet. » M. Hélou était injoignable quand nous avons tenté de le recontacter pour un complément d’informations.
M. Aoun, son collègue de Hadeth, lui, ne décolère pas. « Cela fait des mois que j’essaie de communiquer avec le président du conseil municipal de Baabda, qui me promet en vain de m’envoyer une étude de faisabilité, des cartes... dit-il. Pour moi, il est évident qu’il s’agit là d’un acte irresponsable, et je ne comprends pas comment les autorités n’ont pas réagi auparavant. Comment une telle catastrophe écologique a pu passer inaperçue ? En plein Baabda, sous les yeux de tous les responsables ? Les habitants qui vivent en contrebas du remblai (donc à Hadeth principalement) vont être touchés aux premières pluies. »
Pour le responsable municipal, interrompre les travaux ne suffit pas, « il faut impérativement, durant les mois qui nous séparent de l’hiver, enlever ce remblai et pénaliser les contrevenants ».

« Une profonde modification de la géographie »
Un remblai à cet endroit est une atteinte à l’environnement comme à la santé et la sécurité publiques, selon Paul Abi Rached, président de l’association écologique Terre-Liban qui milite entre autres contre la multiplication des remblais dans les vallées. Selon lui, des cartes anciennes montrent le passage d’un cours d’eau à cet endroit, ainsi que la probable existence d’une source, ce qui rend un tel remblai particulièrement dangereux. « Nous parlons de risques de glissements de terrains, d’érosion, ainsi que des risques accrus en cas de tremblements de terre, dit-il. L’eau retrouve toujours son cours premier, et la nature reprend ses droits. Surtout dans un contexte de changement climatique où les pluies sont de plus en plus intenses. Ce qui se passe est une profonde modification de la géographie de l’endroit qui menace les habitations en contrebas. Sans compter que les remblais, venus d’on ne sait où, anéantissent ce qui était un espace vert. »
M. Abi Rached n’est en aucun cas convaincu par l’argument de bonification de terrain, un processus qui, selon lui, requiert une étude d’impact environnemental selon les critères du ministère de l’Environnement. Il rappelle certaines coulées de boue et glissements de terrains tragiques qui ont eu lieu au Liban et ailleurs, en raison du déboisement de collines ou de remblais.
Le même ras-le-bol se ressent chez Jean Feghaly. « En tant que citoyens, nous avons commencé par cette action qui cible ce problème précis de remblai, dit-il. Mais nous comptons poursuivre notre lutte pour une meilleure protection de l’environnement. Je suis moi-même révolté par la disparition des espaces verts dans ma région. »

 

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