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À La Une - Le point

Nouri al-Maliki sur tous les fronts

En Irak, il ne fait pas bon postuler à un titre officiel lors d’une consultation populaire. Pour l’avoir ignoré, quatorze candidats aux élections régionales qui viennent de se dérouler (des sunnites pour la plupart) sont morts sous les balles d’inconnus. Ils sont plusieurs dizaines à avoir connu le même sort parmi les intrépides électeurs qui avaient tenu contre vents et marées à accomplir leur devoir de citoyen d’un pays à feu et à sang depuis que les Américains avaient volé à son secours pour en faire une république exemplaire, soucieuse du bien-être de ses sujets et du respect des principes les plus élémentaires de la démocratie. Avec de bons sentiments, on fait presque toujours de la mauvaise politique, pourrait-on dire en paraphrasant André Gide. On vient d’assister, des journées durant, à l’illustration de ce dicton.
Encore ne s’agissait-il que d’un scrutin provincial, le premier du genre depuis le départ du dernier GI, en 2009. Mais il s’agissait la semaine dernière d’un prélude à des législatives prévues l’an prochain – s’il reste encore à cette date un électeur vivant... – et dont la tenue est plus qu’aléatoire au vu de la désastreuse tentative à laquelle on vient d’assister. La violence atteint ces temps-ci un degré inégalé, même au plus fort de la vague qui, il y a deux ans, avait failli tout emporter. Par moments, c’est à coups de bombes, d’obus de mortier et de rafales de kalachnikov que les adversaires ont mené leur campagne, la haine atteignant son paroxysme avec l’entrée en lice de représentants de l’aile locale d’el-Qaëda et de mouvements islamistes divers.


Moins de la moitié des 13,8 millions d’électeurs inscrits ont pris part à l’opération, marquée par des irrégularités dénoncées avec une égale ardeur par les trois grandes communautés qui se partagent l’Irak. Sur les dix-huit provinces, seules douze ont eu droit au dangereux test censé mesurer le degré de popularité du Premier ministre Nouri al-Maliki. Deux des six régions restantes, Anbar et Ninive, auront droit à un « repêchage » prévu le 4 juillet, les « empêchements pour des raisons sécuritaires » ayant apparemment disparu comme par enchantement. Ce n’est pas le cas des trois gouvernorats qui forment la région autonome du Kurdistan (Dohouk, Erbil, Suleimaniyeh) qui organisent leurs élections à des dates choisies par les autorités locales. Pas plus qu’à Kirkouk, la zone la plus riche en pétrole, faute d’un accord entre les représentants des trois grandes communautés, kurde, arabe et turkmène, sur les modalités de l’opération.
Lors de sa visite à Bagdad quelques jours auparavant, le secrétaire d’État John Kerry avait plaidé auprès de ses interlocuteurs pour un scrutin simultané dans toutes les provinces, à l’instar de ce qui se passait autrefois. Il ne semble pas que son conseil ait été suivi, et aujourd’hui, l’Amérique, amère, se désole à l’idée qu’elle a perdu une grande partie de son influence sur les rives de l’Euphrate.


Accusé de favoriser, souvent par la force, sa communauté, le 74e Premier ministre irakien se défend, arguant qu’il se contente de défendre l’État contre les tentations séparatistes des uns et des autres, oubliant de préciser que ce faisant, c’est surtout son poste qu’il cherche à protéger. Le chef du gouvernement doit se battre pratiquement sur trois fronts : contre Massoud Barazani et les siens d’abord qui se sont constitué une entité kurde à part ; contre la majorité des sunnites ensuite, privée d’une suprématie de facto jadis octroyée par Saddam Hussein ; contre sa propre communauté enfin au sein de laquelle Moqtada Sadr, replié sur sa place forte de Maysan, limitrophe de l’Iran, manque rarement l’occasion de critiquer son leadership. Il est même arrivé au jeune leader chiite, il y a peu, de donner en exemple sur un site de Facebook le gouverneur de la province, Ali Dawaï Lazem, photographié supervisant en personne des travaux de voirie dans la ville.


Dans un pays ravagé par l’interminable guerre contre l’Iran puis par l’offensive « Shock and Awe » lancée le 19 mars 2003 sous l’administration de George W. Bush, les élections de samedi dernier peuvent sembler d’importance secondaire. En réalité, l’assemblée provinciale, outre qu’elle gère l’administration, contrôle les finances et en particulier les crédits destinés à la reconstruction. Résigné, l’homme de la rue en vient à oublier des revendications pourtant essentielles : éradication de la corruption, renforcement de la sécurité, redémarrage des services publics, éducation, soins de santé, lutte contre le chômage, etc., pour ne penser qu’à sa survie. Un luxe de nos jours.

 

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