Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Éclairage

L’allégeance d’al-Nosra à el-Qaëda suscite l’hostilité des islamistes syriens

« En Syrie, nous avons lancé le jihad (guerre sainte) contre le régime (...), pas pour prêter allégeance à X ou Y ni pour qu’on impose à nos frères et notre peuple des choses malgré eux »

Des hommes prient dans une rue d'Alep, dans le nord de la Syrie. Une coalition de rebelles islamistes syriens a dénoncé l'allégeance du Front al-Nosra à el-Qaëda. AFP  / DIMITAR DILKOFF

L’allégeance du Front al-Nosra au chef d’el-Qaëda Ayman al-Zawahiri a délié les langues au sein de la mouvance islamiste syrienne, qui pour la première fois critique ouvertement cette organisation. Jusqu’à présent, la question était taboue et les rebelles de toutes obédiences cherchaient à masquer leurs divergences avec les jihadistes d’al-Nosra, mais l’adhésion publique cette semaine à el-Qaëda a mis le feu aux poudres.


« En Syrie, nous avons lancé le jihad (guerre sainte) contre le régime (...), pas pour prêter allégeance à X ou Y ni pour qu’on impose à nos frères et notre peuple des choses malgré eux », a fait savoir le Front islamique de libération de la Syrie (FILS), la plus importante coalition islamiste. Comptant dans ses rangs des Frères musulmans, des indépendants et des salafistes, le FILS regroupe une vingtaine de bataillons sous l’ombrelle de l’Armée syrienne libre (ASL, principale composante de la rébellion), comme le Liwa al-Tawhid, Liwa al-Islam ou les brigades al-Farouk. Le communiqué du FILS s’en prend même, sans le nommer, au chef d’el-Qaëda, en déclarant que « faire allégeance à quelqu’un qui ne comprend pas notre réalité ne sert ni notre peuple ni notre nation ».


Si les salafistes du Front islamique syrien (FIS), dont la principale composante est Ahrar al-Cham, n’ont pas réagi officiellement, leur « parrain idéologique » Abou Bassir al-Tartousi a estimé qu’annoncer son rattachement à el-Qaëda était une provocation qui lésait la rébellion. « Nous défendons les principes de l’islam, à savoir l’État islamique, le combat au nom de Dieu et de son prophète Mohammad, la charia (loi islamique) mais il faut éviter toute référence à certains noms qui suscitent une vive réaction du monde contre le peuple de Syrie », a-t-il déclaré mercredi. « Tu n’as pas besoin de dire que tu appartiens à ce nom (el-Qaëda), ou que tu es en train de combattre sous cette bannière. Personne ne t’y oblige : ni la charia, ni le bon sens, ni la politique, quand tu sais que cela va faire du tort au peuple de Syrie et que cela aidera le tyran » Bachar el-Assad, a-t-il ajouté. L’une des principales divergences entre le FIS et le Front al-Nosra est l’hostilité déclarée d’Abou Bassir al-Tartousi aux attentats-suicide pratiqués par el-Qaëda.

 

(Pour mémoire : Armes, jihadistes, chaos : l’infernale équation syrienne)


Selon Aron Lund, un spécialiste de l’insurrection syrienne, les critiques d’al-Nosra lui reprochent principalement son allégeance à un non-Syrien. « C’est une question primordiale, car si le noyau dur au sein d’al-Nosra peut être content de l’allégeance à Zawahiri, ce sera plus difficile à cette organisation de recruter de nouveaux sympathisants », confie-t-il. « Ceci représente peut-être aussi une occasion pour les groupes rivaux de cesser de défendre la réputation d’al-Nosra », assure-t-il. Les prouesses militaires du Front al-Nosra ont longtemps fait taire les dissensions, même si sur le terrain des accrochages ponctuels entre des combattants de la brigade al-Farouq, eux-mêmes islamistes, et al-Nosra ont été signalés, comme à Tal al-Abyad dans la province de Raqa.


« Pour les islamistes syriens, les déclarations de Zawahiri et d’al-Baghdadi (chef d’el-Qaëda en Irak) suggèrent qu’al-Nosra veut passer du statut de force militaire rebelle parmi d’autres à celui de leader politique de l’insurrection, ce qui est évidemment inacceptable pour eux », estime Thomas Pierret, un spécialiste de l’islam en Syrie. « Pour la première fois, les islamistes ont un reproche tangible à formuler à l’endroit d’el-Qaëda en Syrie. Cela peut se résumer ainsi : qui êtes-vous pour proclamer l’État islamique alors que Assad n’est pas encore tombé, et surtout qui êtes-vous pour vous autodésigner comme ses leaders ? » ajoute-t-il.

Le jeu du régime
De son côté, la Coalition de l’opposition syrienne a estimé hier que l’acte d’allégeance du Front al-Nosra au chef d’el-Qaëda servait le régime Assad. « Nous nous opposons fermement à toute action ou déclaration en contradiction avec la volonté du peuple syrien et les objectifs de la révolution. Ces initiatives servent seulement le régime d’Assad et portent atteinte aux progrès de la révolution », a indiqué dans un communiqué le plus important regroupement d’opposants au régime syrien. « La Coalition est préoccupée par les récentes déclarations concernant les affiliations et les idéologies de certaines factions rebelles. Nous exhortons al-Nosra de rester dans les rangs des nationalistes syriens, de continuer à combattre le régime d’Assad, et d’appuyer et de protéger toutes les confessions en Syrie », a-t-il ajouté.

 

El-Qaëda ou pas? Al-Nosra fait sa crise d'identité

 

Lire aussi

Les violences frappent de plein fouet la région kurde en Syrie

L’allégeance du Front al-Nosra au chef d’el-Qaëda Ayman al-Zawahiri a délié les langues au sein de la mouvance islamiste syrienne, qui pour la première fois critique ouvertement cette organisation. Jusqu’à présent, la question était taboue et les rebelles de toutes obédiences cherchaient à masquer leurs divergences avec les jihadistes d’al-Nosra, mais l’adhésion publique...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut