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Campus - Enquête

Le poker pour les jeunes, un sport comme un autre ?

Le poker gagne incontestablement en popularité chez les jeunes. Entre les parties avec les amis et les tables virtuelles, certains développent une véritable passion pour ce phénomène, qui n’en reste pas moins un vrai jeu de hasard.

Les tables virtuelles ont un grand impact sur les jeunes aujourd’hui.

Trois millions de dollars. Telle est la somme amassée jusque-là par Annette Obrestad, la Norvégienne devenue championne de poker à tout juste 18 ans. La liste des jeunes amateurs qui ont fait fortune au poker à travers le monde est longue, et pourrait être l’une des causes qui expliquent la frénésie autour d’un jeu qui a failli, pourtant, sombrer dans le démodé. Relancé par les sites de jeu en ligne et une forte campagne médiatique sur Facebook et le Web, le poker a su s’affirmer comme la nouvelle tendance d’une génération. Au Liban, le phénomène sévit aussi chez les étudiants, voire même sur les bancs de classe. Mais si, au niveau planétaire, la fièvre du poker a atteint hommes et femmes, il semblerait qu’au Liban, les jeunes filles ont du mal à s’y retrouver. Le poker reste, à Beyrouth, une affaire d’hommes.
« Les étudiants jouent au poker en ligne. Ils ne vont généralement pas au casino car ils n’en ont pas les moyens », explique Tarif, directeur d’un centre d’amusement à Hamra qui propose des simulations de poker à tarif réduit sur machines, le poker réel étant exclusivement réservé au Casino du Liban. « En ligne, les jeunes savent qu’on ne peut les reconnaître. Ils jouent avec de parfaits inconnus, et peuvent s’installer à la table en versant des sommes très médiocres », poursuit-il, avant d’ajouter : « Même dans mon centre d’amusement, la clientèle n’est pas très jeune. Les étudiants se réfugient en ligne en attendant de se rendre dans des casinos à un âge plus avancé. » Pour Tarif, le poker a principalement refait surface grâce à l’Internet et aux sites de jeu en ligne qui ont offert l’accès à des tables virtuelles, gratuitement en un premier temps pour attirer les jeunes, avant d’augmenter progressivement le prix d’entrée. C’est ainsi que Ziad, étudiant à la LAU, et Nader, étudiant à la NDU, ont connu le poker. « Je ne joue que sur Facebook, c’est encore gratuit », explique Ziad. Quant à Nader, il dépense quelques sous de temps en temps pour ce loisir. « Je ne paie pas plus de 10 dollars, que ce soit en ligne, ou si nous jouons, des amis et moi, autour d’une table chez l’un d’entre nous. Ce n’est vraiment pas du gambling », affirme-t-il.

Addiction ?
Pour d’autres par contre, le poker fait aujourd’hui partie de leur train de vie. « Je joue au poker en ligne et en réel, mais aussi à d’autre jeux de hasard comme le blackjack ou la roulette, confie Ramzi, 22 ans, étudiant en gestion à la LAU. Je fais aussi beaucoup de paris, et tout cela me coûte cher. J’ai perdu 2 500 dollars le mois dernier, sans parler des six heures que je passe de nuit à jouer. Mais je prends plaisir au jeu, et le poker peut être une source d’argent très facile. Cela me motive tout particulièrement. » Pour Ramzi, avant il y avait le tarnib et la likha. Aujourd’hui, il y a le poker. « C’est pourtant une vraie dépendance, admet-il. Je pense toujours gagner la prochaine fois. Et cela ne s’arrête jamais, surtout que j’estime que le poker est plus un jeu de stratégie qu’un jeu de hasard. »
C’est aussi le cas de Faraj, 20 ans, étudiant en génie à l’AUB, qui passe plus de huit heures par jour, quand ses études le lui permettent, sur la table de jeu, et qui envisage même de fonder un club de poker au sein de l’université. « Je joue en grande partie en ligne, explique Faraj, et cela peut être plus difficile que le poker normal, car il est impossible de se rappeler la tendance de mise de chacun des milliers de joueurs. » Et Faraj de poursuivre : « J’ai connu le poker à l’âge de 12 ans, mais cela fait uniquement trois ans que je pratique sérieusement ce loisir. J’avais une petite amie, j’avais besoin d’argent, et je ne voulais pas demander plus à mes parents qui refusaient systématiquement que je travaille. J’ai donc fait des recherches sur l’Internet, et j’y ai trouvé plein de jeux : roulette en ligne, blackjack, poker. Mais comme on ne peut pas gagner à la roulette, je me suis contenté du poker, un jeu où l’on peut vaincre. Aujourd’hui, je joue avec mes gains. Chaque trois mois environ, j’en retire quelque 1 000 dollars. Mais parfois je perds toute ma cagnotte avant d’atteindre cette somme. Je remets alors une centaine de dollars pour recommencer. » Pour Faraj, qui n’aime pas aller au casino, ni aux endroits illégaux qui offrent une table et des chaises sans ouvertement citer le poker, les soirées entre amis ne comptent pas non plus. « C’est juste un amusement, nous jouons pour une vingtaine de sous chez un ami, et ses parents n’y voient pas d’inconvénient. C’est en ligne que les choses sérieuses se passent », indique le jeune homme qui voit dans le poker un moyen de faire de l’argent tout en s’amusant. « Je n’aimerais pas arrêter le poker, affirme-t-il. Un passionné de sport ou de sexe le ferait-il ? »

Du côté de la psychologie
Ainsi, la compétition, l’amour de la victoire et les gains proposés expliqueraient l’engouement de la jeunesse pour ce « sport ». Pourtant, pour Chantal Mansour, psychologue, il s’agit d’un jeu de hasard dont la dépendance peut entraver le développement social, relationnel et l’investissement intellectuel des jeunes. « Alors qu’un adulte risque de perdre ce qu’il a construit dans sa vie à cause du jeu, le jeune, lui, souffre de la difficulté de se construire », explique-t-elle. « À part le plaisir de jouer, la curiosité, le sens de la découverte et la recherche du plaisir sans efforts, le jeu peut cacher des troubles psychopathologiques sous-jacents. Et quand la dépendance s’installe, la volonté de s’arrêter est nécessaire, mais elle est insuffisante avec l’augmentation des mises, l’intolérance à perdre, la préoccupation excessive de tout ce qui se rapporte au jeu et la négligence prononcée des conséquences négatives que cela engendre. » « À l’âge adulte, il peut y avoir beaucoup de répercussions, sans oublier la tendance pour de nouvelles addictions comme l’alcool et/ou autres substances illicites », conclut Chantale Mansour qui assure que les parents et le système éducatif peuvent et doivent jouer un rôle à ce niveau. Miserait-elle juste ?
Trois millions de dollars. Telle est la somme amassée jusque-là par Annette Obrestad, la Norvégienne devenue championne de poker à tout juste 18 ans. La liste des jeunes amateurs qui ont fait fortune au poker à travers le monde est longue, et pourrait être l’une des causes qui expliquent la frénésie autour d’un jeu qui a failli, pourtant, sombrer dans le démodé. Relancé par les...

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