Le dernier des seigneurs

Parmi les innombrables personnes croisées tout au long d’une existence, il en existe certaines qui, s’il vous est donné un jour de les rencontrer, vous marqueront de manière indélébile... Ce sont les seigneurs.
Antoine Tabet en faisait évidemment partie et en était même l’un des derniers rescapés dans ce pauvre pays d’histoire en pleine dérive et avec si peu d’avenir.
Cet homme à la stature internationale ne possédait ni domaine ni territoire pour asseoir son emprise, mais son « règne » intemporel s’étendait bien au-delà des frontières et touchait toutes les contrées où il posait ses plans, bagages et équipements avec pour objectif d’édifier et de développer pour contrer les nombreuses misères ou de reconstruire ce que les « seigneurs de la guerre » avaient allègrement détruit. Il redonnait aux gens ce dont ils avaient été injustement privés... sans bruits ni artifices. Il appliquait pour cela la maxime : « Nous gagnons une vie par ce que nous recevons, mais nous faisons une vie par ce que nous donnons. »
Ce bâtisseur d’hommes et de pierres n’avait pas de sujets ni de suiveurs, mais accumulait les amis et les admirateurs de tous bords. Il ne cherchait pas les honneurs puisqu’il les donnait et n’avait point besoin de tribunes ou d’envolées lyriques du fait que sa seule présence suffisait à « électriser » positivement l’assistance en l’envoûtant.
Si je dois garder une seule image de cet homme unique, ce serait bien celle où, allant m’enquérir de lui au pic des déconvenues ou autres déboires, il me répondait avec un large sourire optimiste et tendre : « Et toi ? Ça va ? Tu as besoin de quelque chose ? »
Non grand chef ! Nous n’avions besoin que de toi et de tes précieux conseils. Nous ne t’oublierons pas. Continue à nous parler tout le temps de la pièce d’à côté. Le fil n’est pas coupé et nous te promettons de prendre le temps de t’écouter, car, en fait, ce n’est qu’un simple au revoir.

Karim DAHER