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Moyen Orient et Monde - Interview

« L’actuelle décennie déterminera le climat de la seconde moitié du XXIe siècle »

Le climatologue français Jean Jouzel appelle les pays à relever le niveau d’ambition de leur limitation des gaz à effet de serre, avant qu’il ne soit trop tard.

Jean Jouzel est le vice-président du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC).

Rencontré dans les couloirs de l’imposant Centre de convention national du Qatar, au cours des derniers jours du sommet sur le changement climatique de l’ONU qui s’est terminé samedi dernier, le climatologue Jean Jouzel, vice-président du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC), a souligné l’insuffisance des mesures prises au cours du sommet, comparé à celles qu’il faudrait pour éviter le pire.


« Il est bon que le protocole de Kyoto soit remis en route pour une deuxième phase, mais on est toujours loin du compte, dit-il. Le protocole de Kyoto n’implique que l’Europe, qui s’est engagée à diminuer ses émissions de gaz à effet de serre de 20 %, l’Australie et quelques autres pays. Au total, cela représente quelque 15 % des émissions globales. Évidemment, cela reste trop peu. Plusieurs autres pays ont pris des engagements volontaires, comme les États-Unis qui ont affiché leur intention de réduire de 3 % leurs émissions par rapport à l’année 90. La Chine a juste promis d’infléchir sa progression en matière d’émissions. Le problème c’est que ces engagements restent largement insuffisants et que le fossé va s’agrandir entre le taux d’émissions qu’on aura effectivement en 2020 et celles auxquelles il faudrait se limiter si l’on veut que la température de la Terre ne se réchauffe pas de plus de deux degrés. »


M. Jouzel rappelle que tous les pays ont souscrit, lors de conférences précédentes, à Cancun plus exactement (2010), au principe de se limiter au seuil de deux degrés. « Mais ils ne s’en donnent pas les moyens, dit-il. Malgré le lancement de la deuxième phase du protocole de Kyoto, on continue à manquer considérablement d’ambition. Je ne suis pas contre les engagements volontaires, je les trouve intéressants, mais encore faut-il qu’ils soient ambitieux. »
Le climatologue rappelle qu’il est important de rester attaché à la limitation du réchauffement à deux degrés, un seuil au-delà duquel il serait très difficile de s’adapter aux changements climatiques. « Or, nous ne sommes pas du tout sur cette trajectoire, souligne-t-il. Voilà pourquoi des rapports comme ceux de la Banque mondiale ou de l’Agence internationale de l’énergie, publiés récemment, font miroiter la menace d’une augmentation des températures de quatre degrés, voire plus. »

 

(lire aussi : Fonte de la banquise, chaleur, froid... 2012, année des records)


Les ambitions restent donc nettement inférieures à ce qu’il faut pour repousser cette menace... « Cela est évident et reste très difficile à faire comprendre autant à l’homme de la rue qu’aux politiques, affirme M. Jouzel. L’action que nous entreprendrons durant l’actuelle décennie déterminera le climat que nous aurons dans la seconde partie du XXIe siècle. Pour ne pas dépasser l’objectif d’une augmentation de deux degrés maximum, il faut que la courbe des émissions ait commencé à redescendre d’ici à 2020, c’est-à dire que les pays polluent moins d’ici là. Or, quand on parle d’émissions, on signifie largement celles dues aux carburants fossiles. Par exemple, en 2011, l’augmentation de l’effet de serre était due aux trois quarts aux combustibles fossiles et à 80 % au seul gaz carbonique. »


Selon l’expert, il est très difficile d’infléchir la courbe des émissions d’ici à 2020 quand les émissions de gaz à effet de serre n’ont jamais augmenté aussi rapidement que ces dix dernières années, à un rythme de 3 % par an.
M. Jouzel dit avoir espoir dans le nouveau processus mis en marche au sommet de Doha, celui qu’on appelle « plate-forme de Durban (en référence au COP passé en Afrique du Sud) », en d’autres termes l’ébauche d’un nouvel accord mondial légalement contraignant qui devrait être finalisé d’ici à 2015 et entrer en vigueur en 2020. Mais si ce nouvel accord, quel qu’il soit, ne sera opérationnel qu’en 2020, c’est-à-dire à la fin de cette décennie si décisive, ne sera-t-il pas trop tard ?

 

(Lire aussi : Le changement climatique, un lourd tribut pour le monde arabe)


« Il y a deux aspects à la plate-forme de Durban, répond-il. Le premier est de mettre au point un accord pour l’après-2020. Cela suit une certaine logique, puisque le protocole de Kyoto et les engagements volontaires sont à l’horizon 2020. Si l’on adhère à une vision optimiste, tous les pays accepteront de faire partie de cet accord qui les engagera à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. L’aspect plus sombre de cette affaire, c’est que du côté du climat, tout va se passer dans les dix années qui viennent. Le deuxième aspect de la plate-forme de Durban sera donc de relever le niveau des ambitions pour la décennie actuelle. »


Il ajoute : « Ce qu’on aimerait, à la lumière du cinquième rapport du GIEC qui sera publié en 2013-2014, et qui va certainement confirmer ce qu’on avait dit dans le quatrième rapport en gros, c’est que les pays relèvent leurs ambitions, autant ceux qui sont inclus dans le protocole de Kyoto que ceux qui n’y sont pas. »
« C’est maintenant qu’il faut agir pour se limiter à une hausse des températures de deux degrés, parce qu’au-delà de cette barre très symbolique, on serait en train de jouer avec le feu », conclut-il.

 

Pour mémoire

Accord au forceps sur Kyoto 2 à Doha

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commentaires (3)

C'EST ÉVIDENT !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

20 h 10, le 13 décembre 2012

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Commentaires (3)

  • C'EST ÉVIDENT !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    20 h 10, le 13 décembre 2012

  • Bizarre déclaration, lorsqu'on sait que les tractations et les évènements ne s'étendent pas sur une décennie uniquement... et que d'autres imprévus sur une autre décennie pourrait altérer les données... et tout chambarder !

    SAKR LEBNAN

    08 h 38, le 13 décembre 2012

  • tiens,encore un expert...arrête ton char Ben Hur...on va y arriver va...mais avec le salaire de tous ces "experts" qui ne servent à rien(et y en a,des experts..en tout!leur caractéristique commune étant d'être (grassement) payés par l'argent du contribuable),on pourrait en faire des choses utiles!

    GEDEON Christian

    20 h 26, le 12 décembre 2012

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