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À La Une - Liban - La situation

Place Sassine, un massacre pour tuer Wissam el-Hassan

L’attentat contre le chef du bureau des renseignements des FSI marque un tournant majeur dans la vie politique.

Après l'explosion d'une voiture piégée dans le quartier de la place Sassine, en pleine coeur de Beyrouth, le 19 octobre 2012, un paysage de devastation. AFP/ANWAR AMRO

Après la revendication par le Hezbollah de la responsabilité du drone qui a survolé Israël, l’assassinat du général Wissam el-Hassan, chef du bureau des renseignements des Forces de sécurité intérieure (FSI), marque un tournant majeur dans la vie politique libanaise. 


Assassinat politique par excellence, il remet à nouveau sur le tapis le dossier du gouvernement de Nagib Mikati et la période de relative stabilité qui a suivi l’accord de Doha. Comme l’a noté judicieusement Michel Pharaon, il remet aussi en question la validité d’un accord en vertu duquel tous les protagonistes avaient convenu de renoncer aux méthodes terroristes. Cet accord est désormais caduc, a dit M. Pharaon. Il faut repenser les choses. En soirée, des voix ont réclamé avec insistance la démission du chef du gouvernement.

 

De son côté, réalisant la gravité des faits et la colère qui couve au niveau de la rue sunnite, le Premier ministre, Nagib Mikati, a décrété une journée de deuil pour aujourd’hui, alors que dans de nombreuses régions où le courant du Futur prédomine, notamment à Beyrouth (Mazraa), à Saïda, dans la Békaa (Taanayel) et à Tripoli, sans oublier le Akkar, le Koura, Kamed el-Loz et Biré, des routes ont été coupées en signe de protestation contre cet assassinat. Dans le chef-lieu du Liban-Nord, des échanges de tirs ont été signalés entre les quartiers de Bab el-Tebbané et Baal Mohsen.
Le gouvernement se réunira ce matin, en séance extraordinaire, pour un examen de la situation, déjà passée en revue hier soir au cours d’une réunion extraordinaire du Conseil central de sécurité.

Circonstances mal éclaircies
Les circonstances dans lesquelles Wissam el-Hassan a été tué demeurent mal éclaircies. A-t-il été tué dans l’explosion d’une voiture piégée ? C’est l’hypothèse la plus plausible. Mais les services de sécurité n’excluaient pas tout à fait, hier soir, l’hypothèse d’un attentat-suicide. L’analyse de l’ADN de l’un des deux corps évacués des lieux vers l’Hôtel-Dieu pourrait apporter du nouveau sur ce plan. Apparemment, il s’agissait de celui de l’officier assassiné. Le second pourrait appartenir au chauffeur qui conduisait sa voiture.

 

Le général Wissam el-Hassan, un général de police

libanais honni par les Syriens.

 


Par ailleurs, on ignore la raison pour laquelle la voiture du général el-Hassan s’était engagée dans la rue Ibrahim Mounzer, une rue latérale résidentielle et anodine reliant deux voies parallèles, dont la rue Adib Ishak, débouchant sur la place Sassine. Était-ce un itinéraire de camouflage ? En tout cas, il est certain que l’attentat a été monté de main de maître, surtout si l’on sait que, pour se protéger, le général el-Hassan restreignait ses déplacements au strict nécessaire et n’hésitait pas à s’établir à demeure à son bureau du QG des FSI, face à l’Hôtel-Dieu, non loin de la place Sassine.

Les responsabilités
Saad Hariri et Walid Joumblatt ont ouvertement fait assumer au président syrien Bachar el-Assad la responsabilité de l’attentat. Un peu moins directement, Samir Geagea, qui a pris le risque de se rendre sur les lieux, a fait de même.
Mais il n’est pas facile de trancher. L’officier avait à son actif le démantèlement de réseaux aussi bien pro-israéliens, salafistes que prosyriens. Il avait, à ce titre, eu l’occasion d’avoir des échanges aussi bien avec le Hezbollah qu’avec la sécurité syrienne. Cependant, il avait aussi, outre ses exploits antérieurs, recommandé la prudence à de nombreux chefs politiques du 14 Mars, qui le tenaient pour leur ange gardien. Et c’est à lui que l’on a dû, tout dernièrement, l’exploit de l’arrestation de Michel Samaha, qui transportait des explosifs au Liban pour le compte direct du chef de la sécurité syrienne, Ali Mamelouk. De ce fait, on ne saurait exclure l’hypothèse qu’il ait payé cet exploit de sa vie, comme l’a laissé entendre Walid Joumblatt.


Brillant analyste, jeune encore (47 ans), le général Wissam el-Hassan était pressenti pour succéder au directeur général actuel des FSI, Achraf Rifi, qui doit prendre sa retraite en 2013. Il se savait traqué et prenait toutes les précautions nécessaires, pour préserver sa vie. Par prudence, son épouse et ses deux fils s’étaient installés à Paris.
Le plus troublant, dans l’assassinat d’hier, c’est que le général el-Hassan était rentré jeudi soir d’un voyage en Europe, qui l’avait conduit en Allemagne et en France. Son assassinat, au lendemain de sa rentrée au Liban, a rappelé de façon troublante celui de Gebran Tuéni (décembre 2005), lui aussi tué au lendemain de son retour au pays. C’est sur cette base que certains n’ont pas hésité à soupçonner le Hezbollah, qui contrôle la sécurité de l’aéroport, d’avoir partie liée à cet assassinat. Sachant par ailleurs que le camp du 8 Mars ne le portait pas dans son cœur, et avait réclamé à maintes reprises qu’il soit écarté et que le bureau des renseignements des FSI, jugé illégal, soit démantelé. Une exigence que M. Mikati a eu la sagesse et le mérite de ne pas satisfaire.

Sans merci
Une chose est sûre. Pour éliminer le général Wissam el-Hassan, les commanditaires de l’attentat, pour ne rien dire de ses exécutants, n’ont pas hésité à dévaster tout un quartier, sans une pensée pour les conséquences familiales, humaines ou matérielles de l’attentat. Elles sont vraiment considérables.

 

(Voir notre reportage : En un instant, le secteur Sassine se transforme en zone sinistrée)


En attendant que la nouvelle de la mort du général el-Hassan, véritable cible de l’attentat, soit connue, l’opinion sous le choc a vraiment cru à un attentat ouvertement antichrétien. Pour beaucoup de rescapés, l’attentat ravivait les années noires de la guerre civile. L’inquiétude sur ce plan est retombée une fois la mort de l’officier, dont on était resté sans nouvelles depuis l’explosion, s’est confirmée. Mais l’ampleur du choc et le nombre des victimes est tel que la plupart des chefs politiques du pays ont exprimé leur solidarité avec les habitants du quartier, qui ont été particulièrement meurtris.


Qu’attendre de cet attentat, sur le plan politique ? La plus adroite réaction sur ce plan est venue de Walid Joumblatt. Soucieux d’amortir le considérable choc interne créé par cet attentat et de prévenir une discorde entre sunnites et chiites, M. Joumblatt a accablé le président syrien qu’il a considéré comme le commanditaire véritable de l’attentat. « Prenons garde à ne pas diriger nos accusations vers l’intérieur, évitons la discorde », a dit le chef du PSP.
Le chef de l’État a également mis en garde contre des réactions « qui feraient le jeu des commanditaires de l’attentat ».

 

(Lire aussi : La Syrie pointée du doigt dans les milieux souverainistes)


Que décidera le gouvernement ce matin devant l’appel à la démission lancé par le 14 Mars ? La perte, à n’en pas douter, est considérable, de l’aveu même du commandant de l’armée, le général Jean Kahwagi, qu’une amitié liait à l’officier disparu. Le coup ce n’est pas seulement au 14 Mars qu’il est porté, mais à tout l’appareil d’État, a souligné Samir Geagea. Pour le chef des Forces libanaises, de toute évidence, l’attentat contre le général el-Hassan est un maillon dans une chaîne d’assassinats politiques qui ont tous visé des personnalités antisyriennes. Le pays, sur ce plan, est plus divisé que jamais, alors même que la guerre en Syrie fait rage et que les efforts de Lakhdar Brahimi pour une trêve à l’occasion de l’Adha semblent voués à l’échec.

 

 

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Après la revendication par le Hezbollah de la responsabilité du drone qui a survolé Israël, l’assassinat du général Wissam el-Hassan, chef du bureau des renseignements des Forces de sécurité intérieure (FSI), marque un tournant majeur dans la vie politique libanaise. 
Assassinat politique par excellence, il remet à nouveau sur le tapis le dossier du gouvernement de Nagib Mikati et la...

commentaires (7)

Les attentats à la voiture piégée sont le fait de spécialistes, et ceux ci se trouvent des 2 côtés de la frontière. Le même modus operandi a été utilisé en Syrie pour une tentative de décapiter l'état major syrien avec la mort du beau frère de Bashar, ceux qui agissent ne sont pas de chez nous, mais d'ailleurs mais pas de très loin. En basculant de Damas à Beyrouth la volonté des racistes et xenophobes ne font pas de distinction entre les victimes, l'important est d'allumer le feu. israel est encore et toujours responsable de ce qui se passe chez nous et il serait naif de les exclure de choses de cette sorte.

Jaber Kamel

13 h 05, le 20 octobre 2012

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Commentaires (7)

  • Les attentats à la voiture piégée sont le fait de spécialistes, et ceux ci se trouvent des 2 côtés de la frontière. Le même modus operandi a été utilisé en Syrie pour une tentative de décapiter l'état major syrien avec la mort du beau frère de Bashar, ceux qui agissent ne sont pas de chez nous, mais d'ailleurs mais pas de très loin. En basculant de Damas à Beyrouth la volonté des racistes et xenophobes ne font pas de distinction entre les victimes, l'important est d'allumer le feu. israel est encore et toujours responsable de ce qui se passe chez nous et il serait naif de les exclure de choses de cette sorte.

    Jaber Kamel

    13 h 05, le 20 octobre 2012

  • Leur FIN approche et est déjà là, ces Criminels-là !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    09 h 56, le 20 octobre 2012

  • Quelque rôle de drône ?

    SAKR LEBNAN

    04 h 21, le 20 octobre 2012

  • Opter pour la guerre civile maintenant que les deux blocs sunnites et chiites se déclarent la guerre est un choix . Mais le Liban en faillite est il en pouvoir d'adopter la mort gratuite ? Retournons au dialogue c'est l'unique choix . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    03 h 40, le 20 octobre 2012

  • çà y est...un pays vient d'accuser Israël d'être l'assassin de Wissam el Hassan...c'est celui qui dit qui est!

    GEDEON Christian

    03 h 16, le 20 octobre 2012

  • Pourquoi chercher ? : L'Iran n'a rien à voir ! La Syrie s'est indignée ! Le Caporalissime, Ponce Pilate, s'en est lavé les mains. Il n'accuse personne ! Les locaux ? ne savent rien ! Israël est pointé des doigts ! Les "autres" Pardonneurs ?, encore en liberté, s'étonnent ! L'Explosif Accompagnateur ?... ne sait rien ! ___ ET... Il faut être extrêmement bête... ou complètement dingue... pour CROIRE CE QUE JE DIS ! ___ Si on va publier ce mot, je ne le sais...

    SAKR LEBNAN

    02 h 43, le 20 octobre 2012

  • Même les enfants libanais sont "troublés". Même les enfants libanais savent que, "comme Gebran Tuéni , le général Wissam el-Hassan est assassiné le lendemain de son retour au pays". Même les enfants libanais posent la question : Et qui contrôle l'aéroport international de Beyrouth et sait tout sur ceux qui voyagent, ceux qui retournent, ceux qui ne voyagent pas, ceux qui ont renoncé à voyager, ceux qui ont voyagé et renoncé à retourner ? Et cessons d'aller indéfiniment par quatre chemins. Cessons de nous mentir à nous-mêmes; ç'est devenu trop mesquin, trop vil, trop intolérable, trop insupportable. Les citoyens de ce pays ont seulement deux alternatives : 1-s'agenouiller une fois pour toutes devant l'axe criminel et assassin Iran-Syrie-Hezbollah. 2-Ou faire une "intifada" encore dix fois plus ample et plus forte que celle de 2005. Ces mots sont dirigés avant tout aux médiocres responsables du 14 Mars. Voilà !

    Halim Abou Chacra

    21 h 13, le 19 octobre 2012

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