À la convention du GOP la semaine dernière, à celle du parti de l’Âne depuis mardi, on a laissé les gants au vestiaire pour tirer à l’arme lourde sur l’adversaire. Tous les moyens sont bons, y compris les mensonges, telle la sortie débitée avec un bel aplomb, l’autre jour, par Paul Ryan, lors d’une émission radiophonique animée par le populaire Hugh Hewitt. Histoire de mettre en avant sa parfaite forme physique, le second de Mitt Romney était tout de même allé un peu trop loin en évoquant un marathon par lui couru « en moins de trois heures ». Intriguée, on le serait à moins, la revue spécialisée Runner’s World a mis sur l’affaire ses plus fins limiers qui ont fouillé en vain les annales sportives (les temps réalisés dans ce genre de courses sont dûment enregistrés) sans découvrir la moindre trace de ladite performance.
Rassurons-nous, des péripéties comme celle-là, il y en aura d’autres à mesure que l’on se rapprochera de la date du 6 novembre. Pour l’heure, la grand-messe démocrate se consacre à « vendre » son champion, une tâche confiée, entre autres, à Michelle Obama. Laquelle a plaidé la cause de son mari (« Il a mûri, mais les principaux traits de son caractère, les valeurs auxquelles il croit sont toujours là »), engagé « dans une course de longue haleine » (tiens ! Un autre marathon...). Face à un « ticket » farouchement opposé à l’avortement, une attitude à géométrie variable pourtant comme en témoigne la précédente prise de position du candidat mormon du temps où il dirigeait le Massachusetts, l’équipe présentement au pouvoir a choisi de jouer à fond la carte féminine, avec un trio de choc composé de Lilly Ledbetter, l’une des championnes de la lutte contre la discrimination au travail, Sandra Fluke, héroïne de l’inclusion de la contraception dans la réforme de l’assurance-maladie, et Cecile Richards, présidente de Planned Parenthood.
Pas assez, a-t-on jugé dans le camp de l’actuel locataire de la Maison-Blanche, souvent critiqué pour son inaptitude à s’exprimer en public d’une manière claire et sans effet de style. Il lui faudra donc suivre l’avis de ses conseillers et se mettre à l’ école du meilleur communicateur depuis l’inégalable Ronald Reagan, Bill Clinton, qui vient de dire : « Quand les gens ont peur, la meilleure tactique consiste à expliquer et non pas à être éloquent. » Exemple, toujours du même : « Vous devez placer le maïs à portée du porc. » Voilà un langage que l’Américain moyen comprend. Or il faut reconnaître que des accents aussi terre à terre sont fort éloignés de la langue utilisée par Barack Obama et jugée trop « intello ».
Risque-t-il donc d’y avoir des « swinging voters » comme il existe des « swinging states » ? À toutes fins utiles, les organisateurs de la grand-messe de Charlotte (Caroline du Nord) avaient prévu d’amener par bus des sympathisants en provenance d’autres États. Mais la pièce maîtresse de la grosse artillerie demeure le camp hispanique, Julian Castro en tête, le pendant démocrate du sénateur républicain Marco Rubio, qui avait éclipsé à Tampa les deux ténors de la soirée, Ann Romney et Paul Ryan. Il faut reconnaître que, tardif dans une certaine mesure, le réveil démocrate a fini par se produire, ce qui a permis au parti de passer en tête dans la course à la collecte de fonds, parvenant à lever en août dernier 10 millions de dollars grâce à ses Political Action Committees.
Et puis il y a l’engouement pour ces retrouvailles partisanes quadriennales, susceptibles de réunir des foules de sympathisants des deux sexes, et surtout des milliers de journalistes – ils étaient 15 000 pour la convention du Grand Old Party, la semaine dernière – qui n’hésitent pas à jouer des coudes pour être aux premières loges, quitte le lendemain à se gausser d’une manifestation qui reste sans effet sur l’issue, dans deux mois, de la présidentielle. Et peu importe qu’elle coûte, chacune, la bagatelle de 18 millions de dollars, couverts par le pouvoir central, sans parler des 50 millions pour les dépenses de sécurité. L’Américain moyen continuera de raffoler de ce show kitsch à mourir d’ennui. La preuve ? Les mines se sont allongées hier à l’annonce que le président prononcera aujourd’hui son discours à l’intérieur du complexe de la Time Warner Cable Arena et non pas au Bank of America Stadium. La différence : 20 000 places dans le premier, 74 000 dans le second.