Les forces armées, représentées au premier rang par des officiers supérieurs, semblaient stoïques face à l’événement, elles qui en ont tant vu. Les attaques qu’elles ont subies de toutes parts ne leur font plus mal. Leurs martyrs ne se comptent plus et elles ont acquis une immunité que la discipline et l’éducation militaires renforcent.
À Tannourine, en revanche, nous n’oublions pas, ni ne pardonnons. Oublier suppose que le forfait devient partie du passé. Que des excuses ont été formulées. Que des regrets ont été exprimés. Que l’offense s’est effacée. Que la récidive ne soit plus possible. Quant au pardon, vertu des croyants que nous sommes et que nous répétons tous les jours dans nos prières, nous le pratiquons si nous sommes rassurés sur notre avenir. Sur la pérennité de notre présence sur cette terre à laquelle nous sommes tellement attachés et qui fait partie de notre identité propre.
Le martyre de Samer traumatise nos jeunes. Nous nous évertuons à leur assurer un bagage académique des plus performants dans l’espoir de les armer en vue d’affronter un marché de travail quasiment inaccessible, réservé exclusivement à une minorité jouissant de passe-droits et de privilèges. Nous les plongeons dans un vide, fait de chômage et de désœuvrement. Nous les poussons à opter pour l’émigration comme seule issue, encore que la crise qui sévit dans le monde entier rend cette option des plus périlleuses et risquées. Les consulats deviennent de plus en plus hermétiques. L’eldorado que représentaient les marchés du Golfe se ferment en représailles aux dangers qu’encourent leurs citoyens dans cette jungle dominée par l’arbitraire et l’absurde.
Samer, votre martyre nous désole d’autant plus qu’il a été gratuit. Qu’il n’a pas servi à grand-chose. D’autant plus que ceux qui l’ont perpétré sont demeurés impunis ; qu’aucune intention de récidiver n’est venue ; que tout jeune, animé de grandes ambitions pour remettre son pays sur les rails, fait face à la désillusion et à l’impuissance devant le raz-de-marée des convoitises et de la mauvaise foi.
Nous nous obstinerons à commémorer le pénible souvenir de votre exécution sommaire de sang-froid sur la colline de Sojod. Nous ne tiendrons aucun compte des assertions suivant lesquelles il s’est agi d’un accident fortuit et non prémédité. Nous nous désolerons que des voix se soient élevées au sein de vos proches et de vos amis pour justifier le crime. Nous sommes condamnés à rester inactifs, à nous résigner en attendant, sans grand espoir, des jours meilleurs. Comme les souris d’Henri Laborit, et devant l’impossibilité de recourir au choix de l’agressivité, synonyme de suicide, nous sombrons dans le désespoir ou, dans la meilleure des hypothèses, nous nous réfugions dans la fuite.
Mounir TORBAY
Président du conseil municipal de Tannourine
Les Martyres ont donné leur vie pour que VIVE LE LIBAN LIBRE ET DÉMOCRATIQUE ! LES VENDUS S'ÉCLIPSERONT... ET LE LIBAN VIVRA !!!
12 h 18, le 06 septembre 2012