1. Le Liban qui doit nourrir et faire travailler une population de plus de quatre millions d’habitants ne possède pas pour le moment de ressources naturelles (pétrole, gaz, mines d’or ou de diamant, phosphates...) à même de lui assurer sécurité et substance.
2. Le Liban possède un espace géographique offrant des potentialités variées en matière d’habitat, de tourisme et d’industrie, mais limitées en matière agricole et en pâturage.
3. Le Liban possède un front de mer mal ou peu exploité, contrairement à ce qui se présente dans le cas d’autres pays méditerranéens dont la Turquie, la Grèce, Chypre. Cela est dû à nombre de facteurs, dont principalement l’irresponsabilité du citoyen, l’absence de fermeté et de clairvoyance des plans d’urbanisme, la corruption généralisée dans le domaine de la construction.
4. Le Liban possède quelques éléments positifs avec des systèmes (a) bancaire développé et flexible attirant les capitaux et les investisseurs (b) éducatif avec des écoles et des universités de qualité et de niveaux bien différents (c) hospitalier avec un service compétent de réponse aux besoins mais nullement apte à s’intégrer pour le moment dans un cadre institutionnel adéquat et performant d’une véritable politique de la santé et (d) touristique avec des équipements importants participant largement au PIB.
5. On pourrait citer d’autres secteurs de nature productive et ingénieuse tels les moyens audiovisuels, la presse, le théâtre...
Pourquoi dire tout cela ?
Tout simplement pour montrer que le Libanais a de tout temps – mais surtout depuis les années 1950 et jusqu’à présent – tenté de remédier aux infirmités de son territoire en s’adressant aux pays du monde, principalement les pays arabes, africains et d’Amérique latine. C’est grâce à la fatigue et au labeur de ces Libanais qui, n’ayant pas oublié leur pays, lui ont adressé leurs profits que des investissements fonciers, industriels et bancaires ont fait du Liban ce qu’il est.
Mais plus encore, ces Libanais ont permis au Liban de se placer sur la scène régionale et internationale par leur présence de qualité, et leur belle parole a su attirer au Liban ses amitiés et le faire bénéficier de ces investissements qui, en quelques décennies, ont profondément transformé le visage du pays.
C’est dire que les Libanais qui ont été bien accueillis dans les pays étrangers et qui les ont enrichis requièrent de leurs compatriotes qu’ils sachent bien accueillir et respecter les résidents en leur pays.
Mais ce qui vient d’être dit requiert également ce qui suit.
Parce que l’État libanais ne possède pas de ressources propres, toutes ses ressources proviennent des ressources du citoyen : que ce dernier achète ou vende une voiture, un terrain, tout bien de consommation, qu’il importe des produits ou qu’il place son épargne en banque, des impôts et des taxes sont perçus pour alimenter le Trésor. Chose normale certes, mais qui implique une lourde responsabilité de la part des serviteurs de tous grades de l’État quant au respect du denier public, car en émargeant au budget de l’État on puise directement dans la poche du citoyen.
En effet, tout aussi grave que le fait signalé, il y a lieu de relever qu’en plus de cinquante ans d’existence, l’État n’a pas pu, voulu ou su s’assurer des ressources financière propres pour soutenir ses plans budgétaires. Le seul recours qu’il s’est assigné s’est limité à une manipulation des taxes et des impôts – choses artificielles entre toutes, car ne répondant pas à la loi véritable du marché –, et ce n’est pas en jouant uniquement sur les taxes foncières, d’aéroport, des permis de travail, etc. que l’on peut asseoir une stabilité de comportement financier répondant aux besoins de la nation.
Ainsi donc la politique financière de l’État est entièrement dépendante des ressources provenant de l’activité du citoyen ou y afférentes, et plus encore l’absence de ressources financières propres à l’État qui ne dispose pas en l’occurrence de puits de pétrole, de mines d’or, d’argent, implique une responsabilité très lourde au niveau des dépenses publiques.
Si, en effet, les choses se passent bien en période d’expansion, il en est tout autrement en période de ralentissement économique. Les besoins des citoyens ont tendance à augmenter quand les ressources financières, elles, sont en train de baisser. Les choix deviennent difficiles, voire cruciaux, et il n’est pas étonnant de voir l’État devoir se comporter comme une bonne ménagère pour assurer les traitements de fin de mois ou la couverture des dépenses courantes.
Se consoler en se disant que les dépôts bancaires s’élèvent à plus de 160 milliards de dollars, que la couverture-or est de tant, que le panier des devises étrangères est de tel autre, ne résiste pas à une analyse intelligente de la politique financière. La Banque centrale a beau faire son travail, le succès de sa politique dépend également des succès des autres politiques dans les domaines sociaux, pédagogique, industriel, agricole, culturel et autre. Or, faut-il le dire ? En dépit de la présence d’universités et d’écoles remontant à la moitié du XIXe siècle, la réalité des choses montre bien une formidable infirmité à étudier un dossier, à réaliser un projet, à clore un défi. Dans tous les secteurs, il est regrettable de constater qu’aucun projet n’arrive à un terme positif. Et c’est pourquoi la société libanaise dans ses composantes publique et privée est en train d’arriver à des échelles de salaires et de traitement hors productivité. Et pour cela, il faut inventer et trouver de nouvelles ressources financières, et attirer simultanément investissement et capitaux. Et ce n’est pas en poussant les étrangers à l’exode puis les capitaux à la fuite que s’améliorent les performances d’une économie à bout de souffle.
Il est bien connu qu’à l’origine, la politique est l’art de s’occuper des intérêts des citoyens et de la cité. Or ce n’est pas parce que la politique libanaise a conduit les politiciens libanais à s’occuper d’eux-mêmes avant même de s’occuper des intérêts des citoyens que le principe est aboli. C’est pourquoi il est temps de se redresser, d’acquérir la mesure de soi-même, de se retrouver dans le cadre d’un dialogue national pour acquérir au moins un niveau de grandeur dans l’épreuve qui se développe autour de nous et d’une vision prouvant qu’en fin de compte, la civilisation est bien dans le cœur de chacun de nous.
Hyam MALLAT
Avocat et professeur
Ancien président du conseil
d’administration de la Caisse nationale de la Sécurité
sociale et des Archives
nationales